Publication de la directive visant à renforcer les pouvoirs et les moyens des autorités nationales de concurrence.
La directive 2019-1, dite « ECN+ (European Competition Network) », a été adoptée, le 18 décembre 2018, pour mettre fin aux divergences de législations au sein de l’Union qui, permettent à certaines entreprises d’échapper, au moyen de restructurations, à toute sanction dans certains Etats membres, diminuent l’attractivité des programmes de clémence en raison de l’insécurité juridique qu’elles créent et font obstacle à l’infliction d’amendes dissuasives.
Son objectif : veiller à ce que les autorités nationales de concurrence (ANC) disposent des garanties d’indépendance, des ressources et des pouvoirs de coercition et de fixation d’amendes nécessaires à l’application effective des articles 101 et 102 TFUE. Pour ce faire, la directive étend aux ANC les règles procédurales qui s’imposent à la Commission en vertu du règlement 1/2003 et de ses textes d’application, ainsi que les interprétations jurisprudentielles de la Cour de justice tout en garantissant aux entreprises l’application des droits généraux de l’Union et de la Charte des droits fondamentaux par les ANC.
Quels changements la directive va-t-elle apporter dans la vie des entreprises françaises ?
La directive suppose une adaptation de notre droit sur certains points. Certaines de ces modifications sont favorables aux entreprises, d’autres non.
Au titre des premières, figure le pouvoir octroyé aux ANC de fixer leurs priorités et partant, de rejeter les plaintes qu’elles considèrent non prioritaires, ainsi que la protection accordée aux personnes physiques qui sollicitent une immunité d’amendes contre les sanctions infligées dans le cadre de procédures administratives, civiles ou pénales relatives à leur participation à l’entente, concernant des violations de dispositions nationales qui poursuivent les mêmes objectifs que l’article 101 TFUE.
Parmi les changements moins souhaitables apportés par la directive, on notera :
- la possibilité pour les ANC de prendre des mesures correctives pour faire cesser l’infraction, qui pourront être comportementales – comme jusqu’à présent -, mais aussi désormais structurelles, avec l’obligation pour les ANC d’opter pour la solution la moins contraignante pour l’entreprise, si un choix est possible entre deux mesures d’égale efficacité et le risque corrélatif d’interminables débats sur l’équivalence et/ou la plus grande efficacité de telle ou telle mesure ;
- le pouvoir de prononcer d’office des mesures provisoires en dehors de toute saisine par une partie, dans les cas « d’urgence justifiés par le fait qu’un préjudice grave et irréparable risque d’être causé à la concurrence », sorte d’épée de Damoclès qui pèsera désormais sur les entreprises, même si aucun concurrent ou partenaire ne s’estime lésé ;
- la possibilité reconnue aux ANC d’utiliser des « enregistrements dissimulés », pour autant qu’ils ne constituent pas le seul fondement d’une condamnation, contrairement à la solution actuellement en vigueur en France ;
- l’extension du plafond de l’amende de 10 % aux entités qui ne sont pas des entreprises (associations, syndicats…) qui, actuellement, ne peuvent encourir des amendes excédant 3 millions d’euro, et qui vont devoir se préparer un très net relèvement du montant des amendes susceptibles de leur être infligées.
Le Gouvernement s’est déjà saisi d’une partie de ces questions dans le cadre de l’examen du projet de loi Pacte : un amendement n° 2029, adopté en première lecture, lui permet de clarifier par ordonnance, les critères de détermination de la sanction par l’Autorité de la concurrence, par référence à la durée et à la gravité de l’infraction, critères mis en exergue par la directive. Au-delà des objectifs de la directive, l’amendement n° 2029 prévoit entre autres, la suppression de la notion d’importance du dommage causé à l’économie visée à l’article L. 464-2, la simplification du régime des visites et saisies (malheureusement dans un sens défavorable aux entreprises puisque le contrôle de la régularité des opérations par les OPJ se trouve allégé), ou encore l’extension, par la suppression de la condition tenant à la dimension locale du marché, des cas dans lesquels le ministre de l’Economie peut imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises. A suivre …