Le droit de la distribution vient d’être rendu encore un peu plus complexe et coûteux pour les entreprises à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2016.

1. L’article 64 de la loi de Travail soumis à la censure du Conseil Constitutionnel.

Le Conseil avait été saisi de la constitutionnalité de l’article 64 de la loi Travail instituant une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise. Cet article, introduit par un amendement au projet initial censé fluidifier le droit du travail, a créé un véritable Comité d’entreprise dans les réseaux de franchise, venant se surajouter aux institutions représentatives du personnel des franchisés membres du réseau et à celles du franchiseur.

Il revient à mettre en place un super Comité d’entreprise dans les réseaux de franchise d’au moins 300 salariés, en France, présidé par le franchiseur et rassemblant des représentants des salariés et des employeurs franchisés. Devant se réunir au moins deux fois par an, ce nouvel organe sera informé « des décisions du franchiseur de nature à affecter le volume et la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés ». L’instance de dialogue social est également « informée des entreprises entrées dans le réseau ou l’ayant quitté » et « formule à son initiative, et examine, à la demande du franchiseur ou de représentants des franchisés, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés dans l’ensemble du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article  L. 911-2 du code de la sécurité civile ».

Ce texte a fait l’objet de critiques unanimes émanant tant des représentants des franchiseurs et des franchisés que de la doctrine et des avocats spécialisés en droit de la franchise. (V. en particulier, CHAGNY, La tentation de Venise dans la franchise, AJCA, juin 2016, 261 ; LELOUP, La création d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise, une idée irréaliste, AJCA, juin 2016, 308 ; HERMANN et DE GIOVANNI, Les innovations malheureuses de la loi El Khomri en matière de franchise, LEXplicite, 19 juillet 2016 ; PARIGI, La franchise fait front contre la loi travail, LSA, 9 juin 2016, 24).

2. Le rejet des moyens d’inconstitutionnalité soulevés.

Ces critiques ont notamment inspiré les saisines de deux groupes de députés et d’un groupe de sénateurs mais n’ont pas convaincu le Conseil Constitutionnel.

Alors qu’en principe la loi devrait être la même pour tous et que la franchise ne représente qu’une forme de réseau de distribution parmi d’autres, la décision du Conseil constitutionnel valide l’imposition aux seuls réseaux de franchise d’un comité d’entreprise de réseau. Selon le Conseil, « les caractéristiques des contrats de franchise conduisent à ce que l’encadrement des modalités d’organisation et de fonctionnement des entreprises franchisées puisse avoir un impact sur les conditions de travail de leurs salariés ». L’explication, non motivée, apparaît peu convaincante dès lors que la transmission d’un savoir-faire formalisé ne conduit pas nécessairement à des conditions de travail différentes dans les réseaux de franchise par rapport aux autres types de réseaux de distribution.

Le Conseil constitutionnel a de la même façon rejeté le moyen fondé sur l’atteinte à la liberté d’entreprendre qu’il a estimé proportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la loi.

Enfin, il n’a retenu aucune atteinte au principe de participation des travailleurs par l’intermédiaire de leurs délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises alors que la loi revient à imposer au franchiseur la mise en place d’une instance de dialogue, le cas échéant, en dehors de toute entreprise et communauté de travail.

3. La critique très partielle de l’article 64 de la loi par le Conseil Constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a cependant formulé une censure partielle de l’article 64 et deux réserves d’interprétation.

Dans sa version adoptée par le Parlement, l’article 64 prévoyait que «  les dépenses de fonctionnement de l’instance et d’organisation des réunions ainsi que les frais de séjour et de déplacement sont pris en charge selon des modalités fixées par l’accord ou, à défaut, par le franchiseur ». Le Conseil constitutionnel a considéré que ce dispositif faisant peser l’intégralité du coût de l’instance de dialogue sur le franchiseur, à l’exclusion des franchisés, portait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et a déclaré inconstitutionnelle la fin du texte précité « ou, à défaut, par le franchiseur ».

S’agissant des deux réserves d’interprétation, le Conseil a jugé que le décret en Conseil d’État, appelé à déterminer les heures de délégation accordées aux salariés des franchisés, ne pourrait pas ajouter d’heures de délégation supplémentaires à celles de droit commun, ce pouvoir relevant du législateur, et que la mise en place de l’instance de dialogue par un accord impliquait que les employeurs franchisés participent à la négociation.

4. Les conséquences de l’article 64 et de sa constitutionnalité

Les réseaux de franchise d’au moins 300 salariés vont donc être soumis à une nouvelle obligation, lourde et coûteuse. Alors que le droit du travail devrait être simplifié de toute urgence, il ne cesse de devenir plus complexe et plus lourd. L’article 64 de la loi de Travail va ainsi obliger les franchiseurs à gérer en pratique plusieurs niveaux concurrents d’IRP et à subir une nouvelle contrainte en termes de réunions et d’informations. Non seulement la gestion des réseaux de franchise deviendra un peu plus complexe, mais en plus ce facteur de rigidité étant propre à la franchise, il risque de conduire les têtes de réseau à choisir d’autres formes de distribution moins contraignantes.


Décision Cons. constit. n° 2016-736 DC du 4 août 2016