Un accord de transfert de technologie est un accord par lequel une partie en autorise une autre à utiliser sa technologie (brevet, savoir-faire ou logiciel), pour la production de biens et de services. Les autorités de concurrence estiment généralement ce type d’accords pro-concurrentiels, car le partage de la propriété intellectuelle constitue un facteur de croissance économique et contribue au bien-être des consommateurs. La Commission vient de réviser les règles de concurrence qui leur sont applicables…

Les accords de transfert de technologie sont régis au regard du droit de la concurrence par deux instruments complémentaires, dont les dispositions expirent le 30 avril 2014 : – le règlement n° 772-2004 du 7 avril 2004 en vertu duquel les accords bilatéraux de licence conclus entre les entreprises dotées d’un pouvoir de marché limité sont, sous certaines conditions, réputés ne pas avoir d’effets anticoncurrentiels ; – les Lignes directrices n° 2004-C 101-02 du 27 avril 2004, qui régissent les accords multilatéraux de transfert de technologie et donnent les orientations à suivre concernant l’application du règlement d’exemption par catégorie précité. La révision a essentiellement visé à faciliter le partage de la propriété intellectuelle tout en renforçant les incitations en faveur de la recherche et de l’innovation.

Nouveau règlement d’exemption : pas de changements majeurs

  • Maintien des seuils en parts de marché

Dans les grandes lignes, l’actuel régime de concurrence est conservé. Les seuils en parts de marché prévus par le futur règlement d’exemption, qui déterminent la « sphère de sécurité » en dehors de laquelle l’exemption automatique n’est plus possible et où une appréciation individuelle est requise, sont identiques à ceux du règlement précédent : 20 %, pour les accords entre concurrents et de 30 %, pour les accords entre non-concurrents.

  • Un champ d’application précisé

Les accords de recherche et développement ne relèveront désormais du futur règlement que si les règlements d’exemption par catégorie pour les accords R&D et sur les accords de spécialisation ne sont pas applicables. De même, les accords portant sur des achats de matières premières ou d’équipements seront couverts, seulement s’ils sont directement liés à la production ou la vente de produits contractuels issus de la technologie concédée. Le règlement 772-2004 prévoyait une possibilité de dispense pour les restrictions de ventes passives insérées dans un accord de transfert de technologie entre non-concurrents (cf. Règl. 772-2004, art. 4, paragr. 2, point b), sous ii)). Désormais, le futur règlement, s’alignant sur le règlement 330-2010 sur les restrictions verticales, exclut l’exemption dans tous les cas de restrictions de ventes passives. De telles restrictions pourront toutefois être admises, si elles sont objectivement nécessaires pour pénétrer un nouveau marché. En outre, toutes les obligations de rétrocessions exclusives, sans distinction, sont désormais également exclues de la sphère de sécurité du règlement. Il en va de même de certaines clauses qui bénéficiaient auparavant d’une exemption automatique. Devront ainsi être appréciées au cas par cas les clauses qui permettent au concédant de résilier un accord non exclusif si le licencié conteste la validité des droits de propriété intellectuelle et les clauses qui obligent un licencié à concéder au donneur toutes les améliorations qu’il apporte à la technologie concédée.

Des lignes directrices enrichies concernant les accords de règlement et « pools » de brevets 

  • Certaines modalités d’accords de règlement peuvent tomber sous le coup de l’article 101 TFUE, paragr. 1

Les lignes directrices prévoient désormais que certaines clauses contenues dans des accords de licence conclus dans le cadre d’accords de règlements sont susceptibles d’être anticoncurrentielles. Il en est ainsi : – des accords de règlements entre concurrents qui incluent une licence pour la technologie et le marché concernés par le litige, mais entraînent pour le preneur une capacité retardée ou limitée de lancement du produit sur le marché, contre rémunération (« pay-for-restriction » : pt. 238 et s.) ; – des accords de règlement par lesquels les parties se concèdent des licences croisées et imposent des restrictions concernant l’utilisation de leur technologies (pt. 240) ; – des clauses de non-contestation contenues dans les accords de règlement permettant au donneur d’inciter le preneur, financièrement ou autrement, à accepter de ne pas contester la validité d’une technologie concédée (pt. 242).

  • Clarification du régime des « pools » de brevets

La Commission rappelle que les accords de création de regroupements de technologies ou « pools de brevets », tout comme la concession de licences à partir de ceux-ci, ne peuvent, en tant qu’accords multilatéraux, bénéficier d’une exemption automatique au titre du règlement. Les futures Lignes directrices énoncent six conditions cumulatives permettant de considérer que la mise en place et le fonctionnement d’un pool de brevets ne sont pas anticoncurrentiels (pt. 261). En revanche, lorsque des technologies regroupées englobent des technologies non essentielles (sur la définition d’une technologie essentielle, V. pt. 252), l’accord relève vraisemblablement du champ d’application de l’article 101 TFUE, paragr. 1, si les parties à l’accord occupent une position importante sur l’un des marchés en cause. De tels accords peuvent bénéficier d’une exemption individuelle au titre de l’article 101, paragr. 3, si, par exemple, ils remplissent les 6 critères de la sphère de sécurité énumérés au point 261, ou s’il existe des raisons pro-concurrentielles d’inclure des brevets non essentiels dans l’accord etc. Concernant la concession de licence dans le cadre des pools de brevets, la Commission précise les principes sur lesquels elle s’appuiera pour apprécier leurs effets sur la concurrence (pt. 267) et les conditions auxquelles devra répondre l’accord de licence. Enfin, les lignes directrices disposent que les clauses de non-contestation et les clauses de non-résiliation incluses dans un accord de transfert de technologie entre les parties à un accord de regroupement et des tiers tombent vraisemblablement sous le coup de l’article 101, paragr. 1 (pt. 272).

Par le passé, certains regroupements de technologies, tels les « package license » (portant sur un grand nombre de brevets) ont constitué des instruments de profit et de spéculation plutôt que d’innovation.