Certaines décisions récentes des juges du fond, qui témoignent d’une volonté persistante et contra legem de contrôler le bien-fondé et l’application des critères de sélection quantitatifs, ont pu inquiéter les têtes de réseau (V. not. T. com. Marseille, 22 févr. 2016, LawLex20160000920JBJ et Aix-en-Provence, 24 avr. 2016, LawLex20160000921JBJ, CDC 5/2016).
Un tel contrôle n’est pas justifié : comme l’a posé en principe la Cour de justice, il appartient à la tête de réseau seule de définir le nombre adéquat de ses distributeurs sans être tenue d’en justifier les raisons (CJUE, 14 juin 2012, LawLex20120000871JBJ, J. Vogel, RJDA 10/2012, 755).
La Cour de cassation s’est déjà alignée sur la position européenne, jugeant que ni le règlement automobile, ni le droit national, n’imposent à un constructeur qui a mis en place un réseau de distribution sélective quantitative de justifier des raisons qui l’ont amené à arrêter son numerus clausus, dès lors que celui-ci est précis et vérifiable (Cass. com., 15 janvier 2013, LawLex2013000035JBJ). Dans la présente affaire, elle consacre une nouvelle fois la liberté du fournisseur de définir son numerus clausus et de désigner de nouveaux distributeurs dans une zone géographique donnée.
Avant de répondre au détail de l’argumentation du distributeur, qui reprochait à la tête de réseau d’avoir modifié l’équilibre contractuel en désignant un nouveau revendeur dans sa zone, la Haute juridiction met en exergue les principes sur lesquels s’est fondée la décision de la cour d’appel, qu’elle approuve sans réserves : « dans un système de distribution sélective, le fournisseur détermine librement le nombre d’opérateurs qu’il décide d’agréer et contrôle la localisation de l’établissement principal des distributeurs qu’il agrée, […] la nomination d’un nouveau distributeur est une prérogative de la [tête de réseau], laquelle étant libre dans la détermination de son numerus clausus et n’ayant pas à justifier de sa pertinence et de son objectivité, ne peut se voir reprocher d’avoir nommé un distributeur supplémentaire  » sans justifications objectives «  » (Versailles, 20 mai 2014, LawLex201400002058JBJ).
Le rappel des principes effectué, la Cour de cassation estime qu’eu égard aux circonstances de l’espèce, les juges du fond ont légalement justifié leur décision d’écarter tout manquement de la tête de réseau à la bonne foi contractuelle.
Elle souligne ainsi qu’en 2003, lorsqu’il a signé son contrat, le distributeur qui se plaint aujourd’hui de la désignation d’un nouveau revendeur dans sa zone, subissait déjà la concurrence de deux autres membres du réseau. Ainsi, la nomination de deux nouveaux distributeurs en 2006 et 2008 n’a pas augmenté le nombre de représentants de la marque dans le secteur, puisque les deux précédents revendeurs ont cessé leurs activités en 2004 et 2005. En outre, comme l’a relevé la cour d’appel, le secteur attribué au revendeur nommé en 2008 ne recoupe pas exactement celui du demandeur à l’action. Enfin, d’un point de vue plus juridique, il est rappelé que dans un système de distribution sélective, les distributeurs ne bénéficient pas d’une protection territoriale dans une zone géographique particulière.
Par conséquent, la Cour de cassation estime que contrairement à l’argumentation du demandeur, la nomination de nouveaux distributeurs n’a pas modifié l’équilibre du contrat conclu en 2003 et ne lui a pas imposé de nouvelles conditions de concurrence défavorables.
Une inconnue demeure : la Cour de cassation a-t-elle voulu subordonner la désignation de nouveaux représentants dans une zone déjà occupée à l’absence de changement du nombre de distributeurs en place ou n’a-t-elle relevé cette circonstance qu’à titre surabondant ? Seule la seconde interprétation semble compatible avec la jurisprudence de la Cour de justice et les principes rappelés par la cour d’appel, que la Cour de cassation reprend en préambule de sa décision. Pour autant, et regrettons-le, la rédaction de cet arrêt manque de clarté, ce qui, s’agissant d’une question qui paraissait définitivement réglée, préjudicie une nouvelle fois à la sécurité juridique des entreprises.