La Commission poursuit son travail dans l’optique de la révision du règlement restrictions verticales. Le bilan final publié le 25 mai 2020 précise que le cadre actuel demeure pertinent mais doit être modernisé et clarifié sur plusieurs points.

Ce sont ces points que la Commission examine dans son étude d’impact en précisant les options qui se présentent à elle. A la suite de la publication de ce document, elle a lancé une consultation publique qui se tiendra entre le 23 octobre et le 20 novembre 2020, à la suite de laquelle elle présentera un projet de nouveau règlement.

Clarification et simplification des règles

La Commission propose de résoudre les problèmes identifiés lors de l’évaluation du règlement restrictions verticales. Elle souhaite notamment intégrer dans le nouveau texte la jurisprudence récente et limiter les cas d’interprétations divergentes, en particulier pour les restrictions nouvelles ou devenues plus courantes depuis l’adoption de l’actuel règlement, telles que les restrictions concernant les sites de comparaison de prix ou la publicité en ligne. Le nouveau texte devrait aussi régler la situation des nouveaux acteurs du marché, comme les plateformes en ligne dans certains domaines (ex. agence commerciale ou distribution duale). La Commission envisage aussi une clarification des règles applicables aux gains d’efficacité en cas de prix de revente imposés (RPM- resale price maintenance), qui, actuellement, relèvent des restrictions caractérisées : le texte fixerait les conditions dans lesquelles ces gains pourraient être revendiqués et les preuves à apporter pour remplir les conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Enfin, afin de réduire les coûts et charges administratives, les obligations de non-concurrence tacitement renouvelables bénéficieraient de l’exemption dans la mesure où l’acheteur peut résilier ou renégocier l’accord périodiquement.

Révision des règles en vigueur

La Commission a identifié quatre domaines qui méritent une réforme des règles actuellement applicables et liste les différents scénarios envisageables.

  • La distribution duale couvre les hypothèses dans lesquelles le fabricant ou le fournisseur d’un produit particulier intervient aussi au stade de la distribution de ce produit, en concurrence avec les distributeurs indépendants. Le développement de la vente en ligne a favorisé un accroissement de la distribution duale. Cette situation soulève la question de l’exemption d’accords verticaux qui, en réalité, suscitent des préoccupations de concurrence horizontale et ne remplissent pas les conditions de l’article 101, paragraphe 3. Par ailleurs, elle exclut les grossistes ou importateurs, en situation de double distribution, du bénéfice du règlement restrictions verticales. Trois options se présentent à la Commission :
    • pas de changements ;
    • limiter la portée de l’exception aux hypothèses qui soulèvent peu de préoccupations horizontales en introduisant par exemple un seuil en parts de marché des parties sur le marché de détail et aligner le champ d’application de l’exemption sur ce qui en relève en application des règles relatives aux restrictions horizontales ;
    • étendre l’exemption aux grossistes et importateurs.
  • La restriction des ventes actives qui réduit le territoire du distributeur ou limite les clients auxquels il peut vendre peut constituer actuellement une restriction caractérisée non couverte par le règlement restrictions verticales, qui admet cependant des limitations dans des cas déterminés, alors qu’il interdit les restrictions de ventes passives. Ces règles sont aujourd’hui jugées trop complexes par les fournisseurs qui réclament la mise en place d’une « exclusivité partagée » entre deux ou plusieurs distributeurs sur un territoire donné et une combinaison efficace de la distribution exclusive et sélective sur le même territoire ou des territoires différents. La Commission, là encore, retient trois possibilités :
    • pas de changements du règlement ;
    • soit une extension des exceptions pour les restrictions de ventes actives afin d’accorder aux fournisseurs davantage de souplesse dans la conception de leurs réseaux ;
    • soit la mise en place d’une protection plus efficace des systèmes de distribution sélective en permettant d’opposer des restrictions sur les ventes en dehors du territoire sur lequel le système de distribution sélective est exploité aux distributeurs non autorisés au sein de ce territoire.
  • Les interdictions de revente en ligne: les ventes sur internet constituent une forme de vente passive. A ce titre, les restrictions qui font obstacle à la vente sur internet par les distributeurs sont considérées comme des restrictions caractérisées non exemptées par le règlement. Certaines mesures indirectes, comme la pratique du double prix (dual pricing), qui impose un prix de gros plus important pour la vente en ligne que pour la vente en magasins physiques, ou le principe d’équivalence (equivalence principle), qui pose des critères pour la vente en ligne plus contraignants que ceux exigés des magasins physiques, reçoivent le même traitement. En effet, selon la Commission, il n’est pas possible d’exiger un prix plus élevé pour les produits destinés à être revendus sur internet (Lignes directrices sur les restrictions verticales, pt 64.), à moins que la différence de prix se justifie par des coûts « substantiellement » supérieurs supportés par le fournisseur en cas de vente en ligne. De même, le promoteur du réseau de distribution sélective ne doit pas imposer d’obligation visant à dissuader les distributeurs désignés d’utiliser internet en leur imposant des conditions pour la vente en ligne qui ne sont pas globalement équivalentes à celles qui sont fixées pour la vente dans un point de vente physique. Même s’il est admis que les conditions imposées à la vente en ligne peuvent ne pas être identiques à celles exigées pour la vente hors ligne, elles doivent poursuivre les mêmes objectifs et aboutir à des résultats comparables.

En ne permettant pas de différencier le prix de gros en fonction des coûts de chaque canal de distribution, les règles actuelles constituent, pour les fournisseurs et détaillants multicanaux, un frein aux investissements associés, notamment dans les magasins physiques. Par ailleurs, il plane une insécurité juridique sur l’application du principe d’équivalence dans la mesure où en raison des différences existant entre les canaux en ligne et hors ligne, il semble difficile d’évaluer les cas où l’existence d’une divergence dans les critères utilisés pour chaque canal équivaut à une restriction caractérisée. Ici aussi, trois scénarii sont envisagés par la Commission :

  • aucun changement de politique ;
  • sortir du champ des restrictions caractérisées la pratique du double prix, avec des garanties définies conformément à la jurisprudence ;
  • ne plus considérer l’imposition de critères de vente en ligne qui ne sont pas équivalents à ceux de la vente physique comme des restrictions caractérisées, avec des garanties définies conformément à la jurisprudence.

Les clauses de parité permettent pour le cocontractant de bénéficier automatiquement de conditions identiques ou plus favorables que celles proposées sur tout autre canal (wide parity) ou uniquement sur le propre canal du fournisseur (narrow parity). Les clauses de parité peuvent être mises en œuvre dans le commerce de gros ou au niveau du commerce de détail. Elles peuvent prévoir des conditions tarifaires ou non, comme l’inventaire ou la disponibilité de la marchandise ou du service. Elles sont actuellement exemptées par le règlement restrictions verticales. Ces clauses sont particulièrement répandues dans le segment du marché de masse (ex. produits ménagers, boissons gazeuses) où la concurrence est fortement axée sur les prix contrairement, par exemple, aux segments du luxe où la qualité joue un plus grand rôle. Elles connaissent aujourd’hui un développement particulier dans le commerce en ligne et sont utilisées par les plateformes pour lier les fournisseurs. Les autorités de concurrence et tribunaux nationaux ont identifié les effets anticoncurrentiels des clauses qui exigent la parité avec les canaux de vente ou de marketing indirects (ex. autres plateformes, ou intermédiaires en ligne ou hors ligne). La Commission envisage :

    • soit de n’apporter aucun changement à la politique actuelle ;
    • soit de supprimer le bénéfice de l’exemption et d’inclure ces clauses dans la liste des restrictions caractérisées, lorsqu’elles exigent la parité avec des catégories spécifiques de canaux de vente (not. canaux de vente ou de marketing indirects, autres plateformes et intermédiaires), impliquant ainsi une évaluation individuelle sur le fondement de l’article 101, paragraphe 3 ;
    • soit de supprimer le bénéfice de l’exemption pour toutes les clauses de parité qui intégreraient la liste des restrictions caractérisées et ne pourraient faire l’objet que d’un examen individuel au titre de l’article 101, paragraphe 3.

Quelles que soient les options retenues, elles auront, selon la Commission, un impact économique sur les entreprises présentes sur le marché intérieur. Certaines options vont dans le sens d’une réduction des coûts et d’une plus grande sécurité juridique comme celles relatives aux ventes actives, à la distribution en ligne et à la distribution duale, pour une certaine part. D’autres en revanche, comme celles sur les clauses de parité ou partiellement sur la distribution duale, conduisent à l’exclusion du champ de l’exemption par catégorie de pratiques qui ne satisfont pas avec une certitude insuffisante aux conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Ces options représentent un coût supplémentaire pour les entreprises qui devront autoévaluer la conformité de leurs accords.

Dans tous les cas, il apparaît que l’actuel règlement restrictions verticales et ses lignes directrices ont diminué les coûts juridiques des entreprises et augmenté leur sécurité juridique. Il semble donc indispensable de maintenir ses règles en les adaptant aux changements du marché, et, en particulier, en tenant davantage compte des progrès du numérique.