Depuis la loi LME de 2008, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice subi le fait de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Le législateur, qui a rendu une certaine liberté aux parties en abrogeant notamment l’interdiction des pratiques discriminatoires entre professionnels, a mis en place un garde-fou contre les abus dans la négociation.

Dans un premier temps, l’article L. 442-6, I, 2° n’a été que rarement invoqué. La jurisprudence dominante refusait en effet de l’appliquer aux contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur (V. not. Paris, 18 mars 2015, LawLex20150000388JBJ). Le ministre de l’Economie, usant de son pouvoir autonome de mise en œuvre de l’article L. 442-6 du Code de commerce, l’a d’abord utilisé pour faire interdire les clauses abusives imposées par certaines enseignes de la grande distribution à leurs fournisseurs (T. com. Lille, 6 janv. 2010, LawLex2010000013JBJ ; 7 sept. 2011, LawLex201100001426JBJ). Les actions se sont depuis lors multipliées. Le ministre agit désormais dans d’autres domaines, notamment dans le secteur de la distribution des smartphones (Paris, 19 mai 2015, LawLex20150000688JBJ) et des parties privées actives dans des marchés très éloignés de la grande distribution invoquent la soumission à un déséquilibre significatif pour contester un certain nombre de stipulations contractuelles (V. spéc., en matière de création de sites Internet, Paris, 6 mars 2015, LawLex20150000306JBJ). L’entreprise, aidée de son conseil adaptera sa façon de négocier et de rédiger les contrats afin d’éviter d’être exposée au grief de soumission à une obligation déséquilibrée de la part de son cocontractant.

1. Permettre la négociation en n’imposant pas de contrats d’adhésion.

L’absence ou la tenue de négociations constitue un facteur déterminant pour établir ou exclure le déséquilibre significatif. Les arrêts de condamnation relèvent ainsi, pour caractériser l’absence de négociation, l’existence d’une annexe pré-rédigée sans espace pour en modifier le contenu (Paris, 11 sept. 2013, LawLex201300001296JBJ, approuvé par Cass. com., 3 mars 2015, LawLex20150000283JBJ) ou le fait que « les contrats étaient exécutés sans qu’il soit donné suite aux réserves ou propositions d’avenants, de sorte qu’ils constituaient de véritables contrats d’adhésion » (Paris, 20 nov. 2013, LawLex201300001638JBJ, approuvé par Cass. com., 3 mars 2015, LawLex20150000284JBJ). L’entreprise n’imposera donc pas ses conditions de manière non négociable.

2. S’abstenir de stipuler des clauses d’application unilatérale ou arbitraire qui soumettent le cocontractant à des obligations excessives et disproportionnées.

Les critères du déséquilibre significatif n’ont pas été fixés par la loi. La jurisprudence a donc été contrainte de faire œuvre créatrice. Les principaux facteurs pris en considération sont le caractère unilatéral et non réciproque de l’obligation (Paris, 1er oct. 2014, LawLex20140000993JBJ) ou son caractère excessif, disproportionné (Paris, 29 oct. 2014, LawLex201400001187JBJ) ou arbitraire (T. com. Meaux, 6 déc. 2011, LawLex201100001899JBJ). Les clauses à éviter consistent notamment dans le traitement différencié et inéquitable des prestations : baisse automatique et rapide des tarifs du fournisseur en cas de variation des cours ou des coûts à la baisse mais hausse difficile et décalée de ses tarifs en cas de hausse des cours ou encore délais de paiement longs pour le règlement des marchandises du fournisseur mais brefs pour les prestations de services rendues par l’acheteur au vendeur (V. sur ces deux types de clauses, Cass. com., 27 mai 2015, LawLex20150000721JBJ).

3. Eviter de s’octroyer des avantages non nécessaires.

Le négociateur se focalisera sur les clauses réellement importantes pour lui, sans tenter d’obtenir des avantages systématiques sans réelle utilité pour sa pratique quotidienne.

4. Rédiger autrement ses contrats.

L’entreprise non seulement négociera autrement, mais formalisera les accords contractuels de manière différente. Toutes les contreparties offertes par l’une des parties envers l’autre seront mises en avant. L’appréciation de l’équilibre contractuel s’apprécie en effet globalement et une obligation en rachète d’autres (V. Cass. com., 3 mars 2015, LawLex20150000284JBJ). L’entreprise justifiera objectivement un droit unilatéral afin de ne pas donner l’impression qu’il s’agit d’une prérogative exorbitante.

5. Faire valoir, en cas de contestation, que l’objet du contrat et l’adéquation du prix ne peuvent être appréhendés au titre du déséquilibre significatif.

Le droit des clauses abusives entre professionnels et consommateurs prévoit expressément la solution : on ne peut remettre en cause, au titre des clauses abusives, l’objet même du contrat et l’adéquation du prix (C. consom., art. L. 132-1, al. 7). Elle s’impose en raison de la liberté contractuelle dans une économie de marché et devrait a fortiori s’appliquer dans les rapports entre professionnels, même si la jurisprudence est divisée sur ce point (V., en faveur de la transposition des règles du droit de la consommation, T. com. Paris, 24 sept. 2013, LawLex201300001405JBJ ; Comp., s’y opposant, T. com. Evry, 26 juin 2013, LawLex20140000769JBJ).

6. Soumettre le cas échéant ses contrats internationaux à une juridiction étrangère et à un droit étranger, même si la protection en résultant n’est pas absolue.

Dans les rapports entre parties, la soumission des relations commerciales à une juridiction ou un arbitre étrangers et à une loi étrangère permet généralement d’échapper à l’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce. Cette protection n’est cependant pas absolue dès lors que l’action du ministre, tiers au contrat, n’est pas subordonnée à l’application de la clause attributive de juridiction (T. com. Paris, 7 mai 2015, LawLex20150000573JBJ) ou compromissoire (V. Paris, 19 mai 2015, LawLex20150000688JBJ), s’agissant d’une action autonome et non d’une action en substitution de la victime des pratiques en cause.