Recourir à des agents commerciaux permet à un fournisseur de se développer simplement, efficacement et à faible coût, sur un nouveau marché géographique ou de produits, sans avoir à investir ou développer une force commerciale en interne. Le mandataire, rémunéré à la commission sur les ventes effectivement réalisées, est chargé de façon permanente de négocier, et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux
Apparemment idéale à court terme d’un point de vue commercial, la formule réserve néanmoins souvent in fine d’amères déconvenues au fournisseur qui y a recouru. En droit français, l’agent commercial bénéficie en effet d’un statut ultra-protecteur. Si le fournisseur entend mettre fin au contrat, par exemple pour reprendre lui-même la distribution, ou s’il n’est pas entièrement satisfait de son agent, sans pour autant pouvoir démontrer une faute grave, il devra lui verser une indemnité de rupture destinée à compenser son préjudice. Invariablement, les tribunaux octroient dans ce cas à l’agent une indemnité de deux années de commissions brutes, ce qui représente parfois des sommes considérables. Comment concilier les avantages commerciaux d’un réseau d’agents tout en limitant son risque juridique ?
1. Prévoir une période d’essai.
Beaucoup de fournisseurs omettent de le faire et se rendent compte, six mois après, qu’ils ont choisi un mauvais partenaire et ne peuvent plus en changer, sauf à prendre le risque d’être exposés au paiement d’une lourde indemnité. Pourtant, la Cour de cassation reconnaît que « le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que la convention soit définitivement conclue, n’interdit pas une période d’essai » (Cass. com., 23 juin 2015, LawLex20150000843JBJ). La jurisprudence a admis des périodes d’essai de six à huit mois afin de vérifier la compétence et la faculté d’intégration de l’agent (V. not. Cass. com., 17 juill. 2001, LawLex200204364JBJ).
2. Ecarter le statut lorsque l’activité d’agence n’est qu’accessoire.
Beaucoup d’agents exercent au titre du contrat conclu avec leur fournisseur une activité principale d’achat-revente de pièces de rechange et de produits d’occasion et d’après-vente tandis que leur activité de mandataire ne concerne que l’intermédiation dans la vente de produits neufs. C’est notamment le cas des agents automobiles. Dans ce cas, l’exclusion du bénéfice du statut d’agent, possible, pourra être stipulée (Cass. com., 28 sept. 2004, LawLex200400002203JBJ ; 12 juill. 2005, LawLex200500007356JBJ).
3. Opter pour une juridiction ou un arbitre étranger et une loi étrangère en cas de contrat international.
Le tribunal compétent pour connaître des demandes fondées sur la rupture d’un contrat d’agence commerciale intracommunautaire est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de fourniture principale des services de l’agent (Cass. com., 6 oct. 2015, LawLex201500001239JBJ). Dans le cadre d’un contrat international, le fournisseur soumettra de préférence le contrat d’agence à un droit étranger et optera pour une attribution de compétence à un juge ou à un arbitre étranger, afin d’échapper à la rigueur excessive du droit français par rapport aux autres droits de l’Union.
4. Priver l’intermédiaire du pouvoir de négocier le contrat au nom et pour le compte du mandant pour exclure le bénéfice du statut.
Même si elle est très critiquée, la jurisprudence de la Cour de cassation considère que le pouvoir de négocier qui confère le statut d’agent commercial s’entend de la capacité de l’agent de modifier le contrat (Cass. com., 20 janv. 2015, LawLex20150000104JBJ). L’opérateur qui s’est engagé à n’apporter aucune modification aux tarifs et aux conditions contractuelles fixées par le fournisseur ne peut bénéficier du statut (Cass. com., 15 janv. 2008, LawLex20080000106JBJ ; 9 déc. 2014, LawLex201400001455JBJ). Sans pouvoir garantir la pérennité de cette jurisprudence restrictive, il est possible de s’en prévaloir en l’état du droit positif.
5. Définir clairement la mission et les obligations de l’agent.
Le rédacteur du contrat portera une attention particulière à la notion d’activité concurrente interdite, aux taux de commission, au territoire, à l’obligation d’information et la clause de ducroire, afin de faciliter la preuve d’une faute contractuelle.
6. Ne pas tolérer de manquements aux obligations de l’agent.
Le fournisseur se ménagera la preuve des instructions données à l’agent et évitera toute tolérance à l’égard de manquements contractuels sous peine de ne plus pouvoir les invoquer par la suite en vue d’une résiliation (V. not. Cass. com., 8 déc. 2009, LawLex200900003609JBJ).
7. Se garder de tout comportement intrusif dans l’activité de l’agent.
Le mandant s’abstiendra de porter atteinte à l’indépendance de l’agent par des comportements de nature à entraîner une requalification en contrat de travail (Cass. civ. 2e, 20 mai 2010, LawLex20100000667JBJ ; Cass. soc., 7 juill. 2010, LawLex20100000842JBJ). De même, il n’imposera pas à l’agent d’obligations déséquilibrées qui pourraient être sanctionnées par le juge.