La publicité comparative est admise en France par la jurisprudence depuis les années 1980 (d’abord implicitement par un arrêt du 19 octobre 1983 et explicitement depuis une décision de principe de la Cour de cassation du 22 juillet 1986). Tirant les conséquences de cette ouverture jurisprudentielle, la loi du 18 janvier 1992, aujourd’hui codifiée aux articles L.121-8 à L. 121-14 du Code de la consommation autorise expressément la publicité comparative. Plus récemment, la France a transposé la directive européenne sur la publicité comparative par une ordonnance du 23 août 2001 qui en a libéralisé le régime en supprimant notamment l’obligation imposée à l’annonceur de communiquer, avant toute diffusion, l’annonce comparative aux concurrents concernés par celle-ci.

Cependant, en pratique, la publicité comparative demeure un sport très dangereux. Les condamnations sont nombreuses et finalement, peu de marques se risquent à une publicité comparative. Pourquoi en va-t-il ainsi et quelles précautions sont requises en cas de mise en cause d’une telle publicité ?

La publicité comparative s’entend de toute publicité qui explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent. Si le droit européen entend l’encourager, force est de reconnaître que l’annonceur qui entend informer le consommateur en se comparant à ses concurrents s’expose très fréquemment à une action en justice et que la probabilité de la perdre est assez élevée.

Il en va ainsi pour des raisons juridiques et sociologiques.

Le droit positif soumet la publicité comparative à des conditions assez strictes :

– elle ne doit pas être trompeuse ;

– elle doit comparer des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;

– elle doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services ;

– elle ne doit pas être dénigrante ;

Рelle ne doit ̻tre ni parasitaire ni source de confusion

Compte tenu de cette combinaison de contraintes juridiques, il n’est pas étonnant que les publicités comparatives soient rares. L’on estime qu’elle représente en France et en Europe moins de 3% des campagnes contre 7% aux Etats-Unis (cf. D. Fainsilber, Les Echos des 27-28 septembre 2013, Qui a peur de la publicité comparative ?). Il en va d’autant plus ainsi que la jurisprudence a tendance à appliquer ces conditions de manière rigoureuse et que les concurrents n’hésitent pas à engager des actions judiciaires en référé ou à bref délai pour faire sanctionner tout dépassement du cadre strict de la publicité comparative.

Même si l’on ne doit pas aboutir en France et en Europe aux excès constatés dans certains pays très libéraux en matière de publicité comparative, son régime mériterait d’être quelque peu assoupli car la publicité comparative est favorable aux intérêts des consommateurs, à la concurrence et au développement des nouveaux entrants. Une trop grande rigidité en la matière constitue un frein au développement économique.

En tout état de cause, un annonceur désireux de réaliser une publicité comparative doit impérativement prendre un certain nombre de précautions :

  1. Soumettre tout projet à un contrôle du service juridique et des avocats de l’entreprise. Les juristes devront se faire l’avocat du diable et imaginer les contestations dont la publicité comparative en cause pourrait faire l’objet. Il conviendra d’encadrer les velléités des communicants et de les mettre en garde contre les conséquences d’un non-respect de la loi.
  2. Faire valoir une conception étroite de la publicité comparative en vue de limiter le champ des critiques.
  3. Faire valoir le défaut d’intérêt légitime à agir du concurrent qui entend faire interdire une publicité qu’il pratique lui-même. Si un concurrent utilise un concept publicitaire, il serait mal venu de prétendre qu’une comparaison portant sur ce même concept qu’il met en avant dans ses propres publicités serait dépourvu de sens.
  4. Mettre en évidence de manière objective les avantages des différents produits comparés.
  5. Préparer un dossier documenté pour être en mesure de justifier le moment venu de la véracité de ses affirmations.
  6. Eviter soigneusement de dénigrer ses concurrents. Bien entendu, le propre de la publicité comparative est de comparer et l’on ne saurait considérer que l’affirmation selon laquelle un concurrent pratique des prix plus élevés ou excessifs constitue en soi un dénigrement. En revanche, il ne saurait être question de suggérer que son concurrent pratique des prix usuraires (CJCE, 8 avril 2003, point 78).
  7. En cas de référé, faire valoir l’absence de trouble manifestement illicite lié à une publicité comparative pratiquée depuis longtemps par soi-même ou un concurrent. Le trouble manifestement illicite est celui qui doit être arrêté sur le champ. Il paraît donc contraire aux conditions requises en matière de référé de mettre en cause une publicité en vigueur depuis des mois.
  8. Prendre en compte les délais techniques de retrait des publicités litigieuses. En cas de contestation, il convient d’être conscient que le retrait ou la modification des publicités peut être ordonné à très bref délai sous astreinte. Il est important d’être prêt à modifier rapidement les publicités et d’être en mesure de les remplacer dans les délais impartis. En cas de prononcé d’une astreinte, il est important de tout mettre en œuvre pour se conformer à la décision et d’être en mesure d’en justifier devant le juge de l’exécution en vue de solliciter une modération de l’astreinte dans le cadre de sa liquidation.