Le projet de loi du 2 mai 2013, dit projet de loi Hamon, prévoit l’introduction en droit français d’une nouvelle voie procédurale largement utilisée aux Etats Unis mais considérée avec méfiance en France où la tradition n’est pas à la judiciarisation des relations : l’action de groupe. Celle-ci devrait probablement voir le jour dans le courant du premier semestre 2014.

Le projet de loi, qui revendique d’éviter « les dérives des « class actions » à l’américaine », prévoit un dispositif au format limité. La mesure proposée est limitée au droit de la consommation et aux effets des pratiques anticoncurrentielles sur les consommateurs. L’action de groupe visera exclusivement la réparation des préjudices matériels (excluant les préjudices moraux et corporels notamment). Enfin l’action de groupe ne pourra être introduite que par une association de consommateurs agréée et représentative au niveau national (et non par des avocats).

La mesure proposée revendique de concilier « renforcement de la protection du consommateur » et « compétitivité des entreprises ». Est-ce bien le cas ? Ne doit-on pas craindre au contraire que l’introduction en droit français de cette nouvelle voie procédurale soit porteuse de nombreux inconvénients, alors même que, tant en droit de la consommation qu’en droit de la concurrence, il existe d’ores et déjà en droit français, plusieurs moyens pour le consommateur de faire valoir ses droits en cas de litige avec un professionnel, et des armes de dissuasion incitant les entreprises à respecter la législation.

L’objectif affiché par le projet est d’offrir aux consommateurs un recours leur permettant de se fédérer pour obtenir une réparation collective de l’entreprise mise en cause. En d’autres termes, les entreprises doivent se préparer à l’arrivée d’un contentieux « de masse ».

L’intérêt du consommateur sera-t-il « renforcé », par le fait que l’action de groupe ne pourra être introduite que par une association de consommateurs agréée et représentative au niveau national ? Cette disposition ne constitue pas en soi un garde-fou contre d’éventuelles actions infondées. L’action de groupe doit être encadrée et contrôlée, de manière minutieuse et équilibrée. Il n’est pas certain que le projet de loi réponde à cette exigence.

Le projet de loi revendique une procédure « équilibrée ». Force est de constater qu’en l’absence de toute mesure actuelle tendant à assouplir l’environnement fiscal, juridique et administratif déjà extrêmement contraignant des entreprises et qui entrave leur développement, l’introduction de l’action de groupe en France, quelle que soit sa légitimité, risque en réalité d’ajouter une nouvelle charge sans mesure corrélative d’allègement qui seule aurait permis d’aboutir à un résultat équilibré soucieux de renforcer la protection des consommateurs tout en préservant la compétitivité des entreprises. C’est finalement le principal défaut du texte : rajouter des contraintes sans réformer structurellement l’économie en allégeant d’autres contraintes.