La loi Hamon du 17 mars 2014 a entendu réformer profondément le régime des délais de paiement. L’objectif poursuivi depuis vingt ans par le gouvernement et le législateur est toujours le même : réduire la durée des délais de paiement effectués en France qui sont plus longs que dans d’autres pays. Cette situation fragilise les entreprises et les rend particulièrement vulnérables en cas de défaillance d’un client important. La trésorerie dont par les entreprises sont privées du fait de délais de paiement trop longs est évaluée à 15 milliards d’euro. La réforme des délais de paiement par la loi Hamon appelle trois observations.

Le socle du droit des délais de paiement demeure inchangé (I). En revanche, la loi renforce considérablement la rigueur du droit des délais de paiement par un encadrement plus strict et surtout des sanctions draconiennes (II). Cependant, le résultat de la réforme demeure très incertain car la loi s’attaque davantage à un symptôme qu’aux véritables causes des retards de paiement (III).

I. Le socle du droit des délais de paiement demeure inchangé

Hormis l’instauration d’un délai de paiement maximal de 45 jours à compter de la date d’émission de la facture pour les factures récapitulatives et l’introduction de règles formalisant les relations commerciales, la loi Hamon n’a pas révolutionné le droit des délais de paiement.

La loi du 17 mars 2014 conserve ainsi les délais de paiement conventionnels « plafonds » de droit commun (de 60 jours à compter de la date d’émission de la facture ou de 45 jours fin de mois) fixés par la loi de modernisation de l’économie (LME) pour encadrer les délais de paiement.

La loi Hamon ne modifie pas non plus les dispositions législatives antérieures régissant les pénalités de retard. Les conditions de règlement doivent ainsi préciser les modalités de calcul et conditions d’application des pénalités pour paiement tardif, ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire (de 40 euros) pour frais de recouvrement, due au créancier en cas de règlement tardif. Le taux d’intérêt minimum des pénalités de retard reste égal à trois fois le taux légal, sachant qu’à défaut de stipulations, le taux d’intérêt applicable est celui de la Banque Centrale européenne (BCE), majoré de dix points.

Partant du constat que sous l’empire de la loi ancienne, les délais de paiement continuaient d’accuser un retard d’une douzaine de 12 jours en moyenne, la loi Hamon durcit sensiblement le régime des sanctions des délais de paiement.

II. La loi du 17 mars 2014 renforce considérablement la rigueur du droit des délais de paiement par un encadrement plus strict et des sanctions draconiennes

La loi Hamon impose ainsi aux sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes (CAC) de publier les informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients (C. com., art. 441-6-1). Le CAC devra rédiger un rapport sur ces informations et l’adresser au ministre de l’Économie, s’il démontre, de façon répétée, des manquements significatifs au délai de paiement maximum légal ou interprofessionnel.

Auparavant, le non-respect des délais de paiement maximum de droit commun constituait aux termes de l’article L. 442-6, 7°, du Code de commerce, un abus de dépendance. Pour que le juge octroie des dommages-intérêts, les conditions de règlement devaient être manifestement abusives au regard des bonnes pratiques et usages commerciaux et s’écarter du délai légal de 30 jours suivant la date de réception de la marchandises ou d’exécution de la prestation demandée, ou du plafond conventionnel de 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. Par ailleurs, le non-respect de certains délais de paiement spécifiques (délai supplétif de 30 jours, délais de paiement en matière de transport et de denrées alimentaires périssables) était passible d’amendes pénales. En pratique, les sanctions se faisaient rares compte tenu de la lourdeur de la procédure pénale, les procédures étant la plupart du temps réglées par voie de transaction.

La loi Hamon a abrogé le 7° de l’article L. 442-6 et instauré un mécanisme d’amendes administratives pour sanctionner le non-respect des délais de paiement plafonds de droit commun. Désormais, le non-respect des délais maximum, mais aussi du mode de computation de ces délais, peut faire l’objet de sanctions administratives, dont le montant n’excède pas 75 000 €, pour une personne physique, et 375 000 €, pour une personne morale. En cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive, le montant de l’amende encourue est doublé. L’on passe ainsi d’un droit peu sanctionné à des règles d’une très grande sévérité.

L’instauration de sanctions si sévères à l’égard des entreprises dénote cependant un manque de pragmatisme contreproductif.

III. La loi Hamon s’attaque davantage à un symptôme qu’aux véritables causes des retards de paiement

Les nouvelles sanctions ont pour effet d’augmenter sensiblement les risques pour les entreprises. En cas de non-respect des délais de paiement ou de leur mode de computation, les entreprises se verront ainsi imposer une amende, quasi-automatiquement, sans que l’Administration n’ait à les assigner. En outre, ce sera à l’entreprise sanctionnée de contester le bien-fondé des sanctions devant les juridictions administratives, sachant qu’un tel recours n’aura pas d’effet suspensif sur l’exigibilité des amendes.

Les délais de paiement en France sont supérieurs notamment à ceux en cours dans les pays rhénans. Vouloir les réduire est une chose. Mais pourquoi tant de sévérité à l’égard des entreprises, quand, par ailleurs, sur les 15 milliards de déficit de trésorerie des PME dus aux délais de paiement, 6 milliards sont liés aux retards de paiement de l’Etat et des collectivités locales ? De surcroît, les entreprises françaises ont un taux de marge inférieur de 10 points par rapport à leurs principales concurrentes. Il apparaît donc illusoire de vouloir réduire leurs délais de paiement dont la cause se trouve fréquemment dans une trésorerie insuffisante liée à la faiblesse structurelle de leurs marges.

L’efficacité d’une loi suppose la mise en œuvre de sanctions adaptées et réalistes. En l’occurrence, le nombre considérable de contrevenants visés par la loi Hamon (potentiellement des millions d’entreprises) risque de la rendre complètement inefficace. A l’inverse, certaines dispositions législatives antérieures inopérantes ont été maintenues, comme le taux d’intérêt minimum des pénalités de retard (correspondant à trois fois le taux de l’intérêt légal de 0,04 %, soit actuellement 0,12 %), si bas qu’il n’incite en rien à payer à l’heure.