L’équipe Après-vente/Responsabilité du fait des produits/Risques industriels du cabinet Vogel & Vogel vient d’obtenir une nouvelle confirmation de la jurisprudence selon laquelle l’action en garantie des vices cachés est subordonnée à un double délai de prescription de deux ans à compter de la découverte du vice et de cinq ans à compter de la vente (Cass. 1è civ. 1er juin 2022 Pourvoi F 18.23.859), le premier étant enfermé dans le second.

 

Dans une affaire très classique d’appel en garantie formé à l’encontre de l’importateur automobile dans le cadre d’une demande de résolution de vente d’un véhicule entre particuliers, l’importateur avait invoqué la prescription de l’article L 110-4 du Code de commerce et, au visa d’une jurisprudence bien établie, avait considéré que le point de départ de la prescription devait courir à compter de la (sa) vente.

Ainsi était soutenu que le délai de deux ans pour agir au visa de la garantie légale des vices cachés qui lui court à compter de la découverte du vice, est enfermé dans le délai de 5 ans visé à l’article L 110-4 du Code de commerce qui court, lui, à compter de la vente.

Depuis plusieurs années maintenant, cette position a été clairement consacrée par plusieurs arrêts de la Cour de cassation, rendus par la chambre commerciale et la première chambre civile, exclusivement compétentes pour ce type de contentieux, telles que : Cass.Civ 1ère 08.04.2021 (Pourvoi 20-13.493) ; Cass. Com 09.09.2020 (Pourvoi 19-12.728) ; Cass. Civ 1ère 22.01.2020 (Pourvoi 18-23.778), Cass.Civ 1ère 06.11.2019 (Pourvoi 18-21.481) ; Cass.Civ 1ère 24.10.2019 (Pourvoi 18-14720) ; Cass.Com 16.01.2019 (Pourvoi 17-21.477) ; Cass. Civ 1ère 06.06.2018 (Pourvoi 17-17 438).

Au cas d’espèce, le vendeur initial débouté de son appel en garantie à l’encontre de l’importateur (arrêt d’appel infirmant le jugement de première instance), a formé un pourvoi en cassation, et saisi la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité ainsi libellée :

« Les articles L 110-4 du code de commerce et 1648 du code civil, tels qu’interprétés par la Cour de cassation, sont-ils contraires à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’ils ont pour effet d’interdire à l’acquéreur ou le sous-acquéreur d’un bien d’agir contre le vendeur commerçant sur le fondement de la théorie des vices cachés dès lors que celui-ci a découvert le vice affectant la chose postérieurement à l’échéance du délai de prescription prévu par l’article L .110-4 du code de commerce ? ».

La question prioritaire de constitutionnalité a fait l’objet d’un rejet motivé par la première chambre le 23.05.2019. Pourvoi n° F 18-23.859.

Sur le fond, dans l‘arrêt ici commenté rendu le 01.06.2022, la première chambre civile (Pourvoi F. 18.23.859), sans motiver de nouveau sa position, a rejeté le pourvoi. Le rapporteur ayant proposé le rejet au visa de la jurisprudence (précitée) parfaitement établie en la matière.

La position de la première chambre civile (qui est donc aussi celle de la chambre commerciale) est ainsi réitérée.

Cette position demeure en opposition avec celle de la 3ème chambre civile qui ne propose pas la même lecture de la combinaison des articles L 110-4 du Code de commerce et 1648 du Code civil, y intégrant les dispositions de l’article 2224 du Code civil pour considérer que le point de départ de la prescription de l’article L 110-4 du Code de commerce doit se confondre avec celui du délai d’action de la garantie légale des vices cachés (Voir Civ. 3ème 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, Bull. ; 16 février 2022, pourvoi n° 20-19.047, Bull. et très récemment du 25.05.2022, Pourvoi 21-18.218).

Certains voyaient en ces décisions récentes de la 3ème chambre civile un possible revirement global de jurisprudence alors que pas du tout, les trois chambres de la Cour de cassation n’ont pas la même lecture de la combinaison des textes, dans des matières qui diffèrent.

La controverse jurisprudentielle et doctrinale demeurera encore certainement dans les prochains mois, et la divergence sera peut-être tranchée dans le cadre de la prochaine réforme attendue du droit des contrats spéciaux ; néanmoins, l’argumentation soutenue sur la combinaison des deux textes, demeure le droit applicable à ce jour pour cette matière.

Vous trouverez ci-joint l’arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2022, l’arrêt d’appel et la décision de rejet de la QPC.