Le 8 novembre 2016, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (« Sapin II »). Pouvant encore être censuré par le Conseil constitutionnel, saisi le 15 novembre, le texte apporte des retouches au dispositif qui encadre les relations commerciales entre les professionnels en général et modifie plus sensiblement les règles applicables au domaine agricole. Il réforme également l’article L. 442-6 du Code de commerce et renforce les sanctions administratives.

1. Des conventions récapitulatives annuelles, biennales ou triennales.

La loi Sapin II assouplit le régime de la convention unique, qui scelle les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (art. L. 441-7 C. com.) et entre fournisseurs et grossistes (art. L. 441-7-1 C. com.). Afin de rendre visibles les prix à plus long terme, il sera désormais possible de conclure des conventions récapitulatives d’une durée d’un, de deux ou de trois ans. Le texte précise ainsi : « Lorsqu’elle est conclue pour une durée de deux ou de trois ans, elle doit fixer les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités peuvent prévoir la prise en compte d’un ou de plusieurs indices publics reflétant l’évolution du prix des facteurs de production ». Alors que la date de conclusion des conventions uniques devait être avancée au 1er février, le texte n’a finalement pas modifié les dispositions actuellement en vigueur : la date butoir demeure donc le 1er mars. En revanche, alors qu’à l’origine, ces modifications ne devaient s’appliquer qu’aux conventions conclues à compter du 1er janvier 2018, le texte adopté prévoit finalement leur entrée en vigueur dès le 1erjanvier 2017.

2. Des sanctions renforcées et une nouvelle dérogation en matière de délais de paiement.

Pour mieux lutter contre les délais de paiement abusifs, la loi Sapin II renforce les sanctions administratives. Le plafond de l’amende applicable aux personnes morales est porté de 375 000 euro à 2 millions d’euro. L’article L. 441-6 introduit un nouveau délai de paiement conventionnel maximal de 90 jours à compter de la date d’émission de la facture pour le paiement des achats effectués en franchise de taxe sur la valeur ajoutée, en application de l’article 275 CGI, de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne, c’est-à-dire dans le cadre d’activités de « grand export ». Cette dérogation, qui sera expressément stipulée au contrat, ne devra pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier et ne pourra pas être utilisée pour les achats effectués par les grandes entreprises (c’est-à-dire celles qui, en vertu du D. 2008-1354, emploient au moins 5 000 salariés ou réalisent plus de 1,5 milliard d’euro de chiffre d’affaires et plus de 2 milliards d’euro de total de bilan).

3. De nouvelles pratiques restrictives.

Le texte étend le champ de la pratique qui consiste à obtenir d’un partenaire un avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au service rendu (art. L. 442-6, I, 1° C. com.), aux activités de promotion commerciale ainsi qu’à l’éventuelle « rémunération de services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs ». Il introduit aussi de nouvelles pratiques restrictives : i) l’imposition d’une clause de révision du prix (pour les conventions uniques des art. L. 441-7 et L. 441-7-1) ou de renégociation du prix (pour les contrats de l’art. L. 441-8) qui ferait référence à un ou plusieurs indices publics sans rapport direct avec les produits ou prestations de service sur lesquels porte la convention ou le contrat concerné (nouveau 7° de l’art. L. 442-6) ; ii) l’imposition d’une clause permettant de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure (nouveau 13° de l’art. L. 442-6).

4. Des sanctions plus sévères.

L’amende civile de l’article L. 442-6, III passe de deux à cinq millions d’euro en cas d’action diligentée par le ministre. Elle peut toujours être portée au triple du montant des sommes indûment versées ou, « de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement », à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’entreprise contrevenante. L’article L. 465-2, V prévoit désormais une publication systématique des sanctions prononcées en application des articles L. 441-6, IV et L. 443-1, relatifs aux délais de paiement.

5. De nouvelles dispositions spécifiques au secteur agricole.

Parmi celles-ci, l’on retiendra : i) l’obligation d’indiquer dans les CGV de certains produits alimentaires composés de produits agricoles non transformés le « prix prévisionnel moyen » proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles ; ii) la limitation du montant des NIP à 30 % de la valeur du barème des prix unitaires, frais de gestion compris, pour les produits agricoles mentionnés à l’article L. 441-2-1, ainsi que pour le lait et les produits laitiers ; iii) l’obligation de faire figurer dans certains contrats de vente de produits agricoles, parmi les critères et modalités de détermination du prix, la référence à un ou plusieurs indicateurs ou indices publics désignés par la loi ; iv) l’interdiction de céder les obligations nées de contrats entre producteurs et acheteurs portant sur l’achat de lait de vache pendant une période de sept ans à compter de la publication de la loi ; et v) l’obligation de mentionner, dans les contrats d’une durée inférieure à un an conclus entre un fournisseur et un distributeur, le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des produits agricoles non transformés qui entrent dans la composition des produits alimentaires.