Après avoir acquis un ordinateur équipé d’un logiciel d’exploitation, un consommateur demande le remboursement des logiciels. Il estime que l’obligation d’acheter ensemble les deux éléments de l’offre constitue une pratique commerciale déloyale. Tel n’est pas l’avis du premier juge : particulièrement avisé, connaisseur du marché et fervent défenseur du logiciel libre, le demandeur n’a subi aucune contrainte de nature à altérer son jugement (Juge prox. Asnières, 13 sept. 2012, LawLex201200002108JBJ).

Sur appel du consommateur, la Cour de Versailles rejette tant la qualification de vente forcée (le vendeur ne lui a pas livré des éléments qui ne faisaient pas partie de l’offre ou qu’il aurait préalablement refusés) que celle de vente subordonnée (il peut acheter auprès d’autres fabricants un matériel sans logiciels ou associé à d’autres logiciels). La cour consacre ainsi la liberté du fabricant de ne pas proposer d’offre séparée si son analyse du marché le conduit à privilégier une gamme de produits qu’il estime correspondre à la demande d’une plus large clientèle. Enfin, le fabricant ne se rend pas coupable d’omission trompeuse lorsqu’il ne détaille pas le coût de chacun des éléments de l’offre : le calcul du prix global relève en effet de sa liberté commerciale (Versailles, 5 nov. 2013, LawLex201300001590JBJ). Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation sursoit à statuer et demande à la Cour de justice si l’offre conjointe de l’ordinateur et de ses logiciels constitue une pratique commerciale déloyale lorsque le consommateur ne peut qu’accepter les logiciels ou obtenir la révocation de la vente. Elle demande également si le fait de ne pas préciser le coût de chacun des éléments d’une telle offre s’analyse en une pratique commerciale trompeuse (Cass. civ. 1re, 17 juin 2015, LawLex20150000803JBJ).

La Cour rappelle que les offres conjointes qui s’inscrivent dans la stratégie commerciale du professionnel et visent à promouvoir ses ventes constituent des pratiques commerciales (CJUE, 23 avr. 2009, LawLex200900001482JBJ ; 11 mars 2010, LawLex20100000290JBJ ; 18 juill. 2013, LawLex201300001165JBJ). Non visées par la liste des pratiques interdites per se de l’annexe I de la directive, elles s’apprécient au regard des critères des articles 5 à 9.

Pour être déloyale au sens de l’article 5, la pratique en cause doit d’abord être contraire aux exigences de la diligence professionnelle. L’article 2, sous h) définit celle-ci comme « le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité ». S’agissant d’une offre faite dans le domaine de la production de matériel informatique destiné au grand public, la Cour invite le juge national à s’assurer que : i) le consommateur a été correctement informé, ii) l’offre est conforme aux attentes d’une part importante des consommateurs et que iii) ces derniers ont la faculté d’accepter tous les éléments de l’offre ou d’obtenir la révocation de la vente. Le juge doit ensuite vérifier si l’offre est susceptible d’altérer significativement le comportement économique du consommateur moyen, c’est-à-dire de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Tel ne serait pas le cas, selon la Cour, si le consommateur avait été dûment informé avant l’achat que le modèle concerné n’était pas commercialisé sans logiciels préinstallés et qu’il était, de ce fait, libre de choisir un ordinateur d’une autre marque, pourvu de caractéristiques techniques comparables, vendu sans logiciels ou associé à d’autres logiciels.

L’indication d’un prix global sans détailler le prix des éléments qui composent l’offre conjointe constitue-t-elle une omission trompeuse au sens de l’article 7 ? Non, car selon la Cour ce texte  n’érige en information substantielle que celle portant sur le prix toutes taxes comprises du produit proposé à la vente, c’est-à-dire sur son prix global. Une telle appréciation est renforcée par le fait que le fabricant ne propose pas à la vente de manière séparée les différents éléments qui composent son offre, laquelle, comme on l’a vu, ne constitue pas en soi une pratique commerciale déloyale. Ne pas préciser le prix de chacun des logiciels n’empêche pas le consommateur de prendre une décision commerciale en connaissance de cause et ne le conduit pas à prendre une décision qu’il n’aurait pas prise autrement.


Cour de justice de l’Union européenne 7 septembre 2016 LawLex201600001380JBJ