Le droit français ne favorise guère le vendeur mais au contraire protège particulièrement l’acheteur. En cas de défaut allégué d’un produit, l’acheteur dispose en France d’une véritable panoplie d’actions : il peut mettre en jeu la garantie de conformité sur le fondement des articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation en prétendant que le produit acheté ne serait pas conforme au contrat de vente, ou encore l’obligation de délivrance sur le fondement plus classique de l’article 1604 du Code civil. Il peut aussi invoquer un vice de son consentement (dol ou erreur) et solliciter à ce titre la nullité du contrat de vente ou encore faire valoir qu’il existerait un vice caché rendant le produit impropre à son usage.

L’acheteur peut enfin se prévaloir de la responsabilité du fait des produits défectueux. Des acheteurs mécontents invoquent de plus en plus souvent ce dernier fondement. Ce régime de responsabilité récent, issu d’une directive européenne, prévoit une responsabilité sans faute, l’acheteur devant simplement prouver un dommage, un défaut de l’objet qui compromet sa sécurité et un lien de causalité. Pour la Cour de cassation, le fabricant est tenu de livrer un produit exempt de tout défaut de nature à causer un danger aux personnes ou aux biens, sans pouvoir, ou très difficilement écarter, sa responsabilité par des clauses limitatives.

Ces actions, souvent formées par voie de référé, consistent pour les distributeurs, à solliciter la résolution des contrats de vente et des dommages-intérêts. Comment se défendre contre de telles actions ?

I Les moyens d’irrecevabilité

1. Faire valoir l’irrecevabilité de l’action en l’absence de demande de conciliation préalable.

Si le contrat prévoit une procédure de conciliation préalable, celle-ci doit être impérativement respectée sous peine d’irrecevabilité, cette fin de non-recevoir ne pouvant être corrigée en cours de procédure (Paris, 7 mai 2014, LawLex20140000670JBJ ; 18 juin 2015, LawLex20150000810JBJ). A défaut de clause, depuis le décret 2015-282 du 11 mars 2015, sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, le demandeur doit justifier des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

2. Invoquer l’irrecevabilité de la demande à l’égard du fournisseur non producteur.

En vertu de l’article 1386-7 du Code civil, si le producteur ne peut être identifié, le vendeur est responsable du défaut de sécurité du produit, à moins qu’il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur dans un délai de trois mois à compter de la notification de la demande de la victime. La responsabilité du fournisseur n’est prévue que lorsque le producteur ne peut être identifié (CJCE, 10 janv. 2006, LawLex20060000236JBJ, point 34). Si l’identité du producteur est connue, les demandes formées contre de simples revendeurs sont irrecevables (Nouméa, 7 juin 2012, LawLex201500001719JBJ ; Aix-en-Provence, 22 janv. 2015, LawLex201500001726JBJ), sans que le revendeur n’ait à se substituer au producteur identifié ou défaillant (Paris, 26 juin 2015, LawLex201500001723JBJ). Le revendeur désignera son fournisseur et le fabricant au plus vite.

II L’incompétence du juge des référés

3. Faire valoir l’incompétence du juge des référés.

Les demandeurs sollicitent souvent en référé sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, la résolution du contrat de vente et des dommages-intérêts. Une double incompétence du juge des référés peut être opposée à de telles demandes. D’abord, le juge des référés ne rend que des décisions provisoires qui n’ont pas pour objet de trancher le fond du litige. Juge de l’évidence, il ne peut pas se prononcer sur la validité (Cass. civ. 3e, 27 janv. 1999, Bull., n° 20), l’interprétation (Cass. civ. 1re, 4 juill. 2006, Bull., n° 337) ou l’annulation (Cass. com., 29 sept. 2009, Bull., n° 118) d’un acte juridique. A fortiori, il ne peut ordonner la résolution d’une vente, celle-ci ne relevant pas des mesures provisoires (Aix-en-Provence, 29 oct. 1987, n° 86/3378 ; TGI Soissons, réf., 22 mai 2015, n° 14/00102). Par ailleurs, le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent invoqués sont souvent contestables.

III L’absence de fondement de la demande

4. Contester le défaut de sécurité.

Non seulement la preuve de la défectuosité du produit pèse sur celui qui l’invoque et qui doit identifier précisément le défaut, mais le demandeur doit aussi caractériser le défaut de sécurité au regard du niveau de sécurité légitimement attendu. A défaut de cette démonstration, le demandeur sera débouté (Cass. civ. 2e, 13 déc. 2012, LawLex201500001730JBJ).

5. Invoquer l’absence de dommages relevant de l’article 1386-2 du Code civil.

Très souvent, les demandeurs allèguent un dommage relatif au produit lui-même. Or, selon l’article 1386-2 du Code civil, les dispositions des articles 1386-1 et s. du Code civil s’appliquent à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même. Par conséquent, la responsabilité du fait des produits défectueux ne s’applique pas à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte au produit défectueux lui-même (Cass. civ. 1re, 14 oct. 2015, LawLex201500001291JBJ).

6. Soulever l’absence de lien de causalité ou l’existence d’un fait exonératoire.

Ces défenses sont plus circonscrites et plus complexes à mettre en œuvre mais peuvent jouer dans certains cas (absence de lien de causalité, absence de mise en circulation ou de défaut au moment de la mise en circulation, faute de la victime ; sous certaines conditions, défaut lié à des normes impératives ou au risque de développement).