L’article L. 111-1, II, du Code de la consommation oblige actuellement le fabricant/importateur de biens meubles à informer le vendeur professionnel de la période pendant laquelle les pièces nécessaires à la réparation du bien acquis seront disponibles sur le marché, à charge pour le vendeur de répercuter cette information auprès du consommateur, avant la conclusion du contrat. Le projet de loi Hamon, adopté en deuxième lecture par le Sénat, renforce cette obligation d’information et impose, au surplus, la fourniture desdites pièces de rechange pendant la période de disponibilité annoncée par le fabricant ou l’importateur « aux vendeurs professionnels ou aux réparateurs, agréés ou non ».

Le projet de loi Hamon, tel qu’adopté en deuxième lecture par le Sénat, prévoit l’introduction dans le Code de la consommation d’un nouvel article L. 111-3, ainsi rédigé :

« Art. L. 111-3. – Le fabricant ou l’importateur de biens meubles informe le vendeur professionnel de la période pendant laquelle ou de la date jusqu’à laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens sont disponibles sur le marché. Cette information est délivrée obligatoirement au consommateur par le vendeur de manière lisible avant la conclusion du contrat et confirmée par écrit, lors de l’achat du bien. [ ]

« Dès lors qu’il a indiqué la période ou la date mentionnées au premier alinéa, le fabricant ou l’importateur fournit obligatoirement, dans un délai de deux mois, aux vendeurs professionnels ou aux réparateurs, agréés ou non, qui le demandent les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens vendus.

« Un décret précise les modalités et conditions d’application du présent article. »

En outre, selon le projet de loi, tout manquement au futur article L. 111-3 du Code de la consommation, tel que modifié, serait passible d’une amende administrative dont le montant ne pourra excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale (futur Art. L. 111-5 du Code de la consommation), les dispositions du chapitre relatif à l’obligation générale d’information précontractuelle étant désormais réputées d’ordre public (futur Art. L. 111-6 du Code de la consommation).

Si le Sénat et l’Assemblée nationale doivent encore se réunir en Commission mixte paritaire pour débattre de certaines divergences entre les textes adoptés en deuxième lecture par les deux assemblées, celles-ci avaient voté en des termes identiques la création de l’obligation de fourniture des pièces de rechange aux vendeurs professionnels ou aux réparateurs, agréés ou non,  mise à la charge du fabricant ou de l’importateur, et les sanctions y afférentes.

Si le texte est définitivement adopté, le fabricant/importateur ne sera plus en mesure de définir sa propre politique commerciale en matière de pièces de rechange, et sera passible de sanctions en cas de refus de vente à des réparateurs, même non agréés (y compris, dans le cas où l’agrément leur a été refusé) ….De façon très paradoxale, notre droit interne mettrait ainsi à la charge des producteurs une obligation qui irait dans certains cas au-delà de ce que prévoient les textes européens en matière de concurrence, voire les contredisent. Les règlements d’exemption, notamment le règlement restrictions verticales n°330/2010, autorisent par exemple les fabricants à recourir pour la vente de pièces de rechange à la distribution sélective, qui par définition repose sur un engagement du fournisseur de ne pas vendre les produits contractuels à des revendeurs non agréés. De la même manière, ce règlement exempte la distribution exclusive, qui repose sur l’engagement du fournisseur de ne vendre qu’à un distributeur désigné et agréé par lui au sein d’un territoire.

Si la distribution sélective ou exclusive sont exemptées, certes sous certaines conditions de parts de marché, non applicables en cas de recours à  la distribution sélective purement qualitative, c’est par définition qu’elles comportent des avantages pour le consommateur et engendrent des effets pro-concurrentiels qui dépassent leurs éventuels effets anti-concurrentiels.

Lorsque le besoin s’en fait sentir, comme par exemple dans le domaine automobile, les règlements d’exemption obligent par ailleurs les réparateurs agréés à fournir les pièces de rechange nécessaires aux réparateurs non agréés.

Le texte du projet loi a été modifié au cours des travaux parlementaires pour parvenir à la solution ci-dessus décrite, aux motifs que le droit de la concurrence l’imposerait ; il aboutit en définitive à une solution qui peut s’avérer contraire au droit de la concurrence.