La Cour d’appel de Paris conforte une évolution bienvenue de la jurisprudence qui limite le champ d’application de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, après de longues années d’application exagérément extensive.

Dans l’affaire du 13 avril 2016, un grossiste, qui s’approvisionnait en produits de la marque Revlon auprès d’Allegro, apprend en 2009 par cette dernière que la société Babyliss détient désormais la licence exclusive de distribution de ces produits et qu’elle ne pourra plus le fournir. Estimant que la société Babyliss, qui appartient au même groupe qu’Allegro, vient aux droits de cette dernière, le grossiste l’assigne en rupture brutale de relations commerciales établies. Les premiers juges déclarent l’action irrecevable : le grossiste ne prouve pas l’existence d’une relation établie avec Babyliss.

En appel, le grossiste soutient que Babyliss et Allegro, domiciliée à la même adresse, appartiennent à un même groupe et qu’il est victime de leur action concertée. Cependant, comme le constate la cour d’appel, le grossiste n’a jamais ni directement, ni indirectement, commandé de produits à Babyliss. L’appartenance des sociétés à un même groupe ne les prive pas pour autant de leur qualité d’entités juridiques distinctes ni de leur autonomie (V. Paris, 2 sept. 2015, LawLex201500001047JBJ ; 15 oct. 2015, LawLex201500001276JBJ; Cass. com., 6 oct. 2015, LawLex201500001237JBJ; 5 janv. 2016, LawLex2016000052JBJ). En l’absence de relation commerciale avec Babyliss, cette dernière ne peut être l’auteur d’une rupture brutale au sens de l’article L. 442-6.

Dans l’affaire du 6 mai 2016, un importateur de feux d’artifice fait ordinairement appel à un transitaire, qui recourt, pour assurer le transport des marchandises, à une société de transport maritime. En 2008, cette dernière notifie au transitaire son refus d’assurer le transport de feux d’artifice provenant de Chine. Invoquant un refus de prestation abusif du transporteur (C. com., art. L. 420-2), ainsi qu’une rupture brutale de relations commerciales établies (C. com., art. L. 442-6, I, 5°), l’importateur l’assigne en indemnisation de son préjudice. Les premiers juges l’ayant débouté de l’intégralité de ses prétentions, il interjette appel. Constatant que le refus ne concerne pas des produits fabriqués dans l’Union européenne et qu’il peut être justifié par un impératif de sécurité, la Cour d’appel de Paris rejette le grief d’abus de position dominante. Par ailleurs, les juges parisiens relèvent l’absence de relation directe entre l’importateur et le transporteur. En effet, l’importateur n’a contracté qu’avec le transitaire, qui sous-traitait la prestation de transport. Or, la jurisprudence exclut l’existence d’une relation commerciale établie entre le maître d’ouvrage et le sous-traitant en l’absence de rapports directs (V. not. Cass. com., 7 oct. 2014, LawLex201400001068JBJ).

Par conséquent, la cour rejette le grief de rupture brutale de relations commerciales établies. En effet, comme l’a retenu la Cour de cassation, dans le souci de canaliser le contentieux de la rupture, « une relation commerciale établie s’entend d’échanges commerciaux conclus directement entre les parties » (Cass. com., 7 oct. 2014, préc.).


Cour d’appel de Paris
13 avril 2016
LawLex20160000845JBJ

Cour d’appel de Paris
6 mai 2016
LawLex20160000905JBJ