Par un arrêt du 27 juin 2013, la Cour de justice a rejeté le recours en manquement formé par la Commission à l’encontre de l’Etat français pour avoir instauré une nouvelle taxe contraire à la directive 2002/20/CE. Cette directive, dite directive « autorisation », harmonise les conditions de délivrance des autorisations d’exercer une activité de fourniture de services télécommunications sur le territoire des Etats membres et prévoit que les taxes perçues au titre de ces autorisations doivent exclusivement permettre de couvrir les coûts administratifs engendrés par les régimes d’autorisation.

Dans l’arrêt Albacom (arrêt du 18 septembre 2003, C-292/01), la Cour avait estimé que la directive limite la souveraineté fiscale des Etats membres, leur interdisant d’introduire des taxes dues en raison de la détention d’une autorisation car « le cadre commun en matière d’autorisations (…) dans les services de télécommunications (…) serait privé d’effet utile si les Etats membres étaient libre de déterminer les charges fiscales que doivent supporter les entreprises du secteur ». La Cour jugeait alors qu’une taxe sur chiffre d’affaires imposée par l’Etat italien à toute entreprise titulaire d’une autorisation individuelle pour la fourniture de services de télécommunications était contraire à la directive.

La taxe télécom instituée en France pour compenser le manque à gagner lié à l’arrêt de la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures est largement comparable à la taxe italienne. De la même manière, elle vise toutes les entreprises titulaires d’une autorisation générale (soit celles ayant fait une déclaration préalable à l’ARCEP) et elle est assise sur le chiffre d’affaires.

Mais, de façon tout à fait surprenante, la Cour écarte dans son arrêt du 27 juin 2013 la solution retenue dans l’arrêt Albacom. Elle prend prétexte du fait que, contrairement au texte italien, le texte français prévoit certains exonérations et abattements (la taxe n’étant notamment pas due en deçà d’un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros) pour considérer que le fait générateur de la taxe ne serait pas la détention de l’autorisation mais l’exercice de l’activité de fourniture de prestations de communications électroniques aux usagers en France. Selon la Cour, la taxe ne relève donc pas du champ d’application de la directive.

La solution retenue par la Cour est extrêmement critiquable. La mise à l’écart de la jurisprudence Albacom qui concernait une taxe semblable et la distinction opérée par la Cour entre taxe due du seul fait de la détention d’une autorisation et taxe due à raison de l’exercice de l’activité d’opérateur de télécommunication paraissent artificielles et injustifiées. A travers l’harmonisation des conditions de délivrance des autorisations et des taxes perçues à ce titre, l’objectif de la directive est bien de permettre le libre exercice de l’activité d’opérateur de télécommunications en levant les obstacles, notamment financiers, à ce libre exercice. L’interprétation retenue par la Cour ignore cet objectif et permet aux Etats de contourner très facilement l’interdiction d’instituer une taxe (non destinée à couvrir les coûts administratifs) liée à la détention d’une autorisation de fournir des services de télécommunication.