Un candidat éconduit à l’entrée du réseau de distribution sélective Rolex saisit le juge. Il dénonce le caractère anticoncurrentiel du refus d’agrément que lui oppose la tête de réseau et, subsidiairement, se prétend victime d’un abus de droit. Débouté de sa demande d’agrément forcé par les premiers juges, il interjette appel.

Selon le revendeur, le marché pertinent serait celui des montres Rolex ou des montres de luxe commercialisées à Paris, sur lequel la tête de réseau n’établit pas détenir une position inférieure à 30 %, de sorte que l’exemption du règlement 330/2010 ne s’appliquerait pas. Rolex, qui ne lui a communiqué aucun critère de sélection, qui n’a ni examiné sa candidature, ni motivé son refus d’agrément et qui a ensuite intégré deux autres distributeurs, aurait commis une pratique discriminatoire sanctionnée par l’article 101 TFUE.

Selon la cour, cependant, le candidat ne peut pas à la fois prétendre remplir les critères de Rolex et se plaindre de l’absence de tout critère précis et objectif. En outre, il n’excipe d’aucune clause contraire aux articles 4 ou 5 du règlement 330/2010. En effet, les pratiques discriminatoires invoquées, seraient-elles constituées, ne s’analysent pas en des restrictions caractérisées et sont donc exemptées en deçà de 30 % de part de marché. Or, le candidat ne démontre ni l’existence d’un marché constitué par les seules montres Rolex, ni d’un marché parisien des montres de luxe. Mais Rolex, qui ne prouve pas non plus détenir une part de marché inférieure à 30 % sur le marché pertinent, ne peut se prévaloir de l’exemption par catégorie. Pour autant, le juge rappelle qu’un accord non exempté n’est pas automatiquement contraire à l’article 101 TFUE ou à l’article L. 420-1 du Code de commerce.

Pour être prohibé, un refus d’agrément doit être de nature à éliminer la concurrence ou permettre cette élimination. Cependant, de nombreuses marques d’horlogerie de luxe et de prestige existent et le candidat en commercialise déjà vingt-cinq. Dès lors, il ne prouve pas que le refus d’agrément au sein du réseau Rolex, qui doit résulter d’une entente entre la tête de réseau et ses distributeurs, peut affecter le fonctionnement concurrentiel du marché. Si la conclusion apparaît satisfaisante, n’aurait-il pas été plus judicieux, pour y parvenir, de reconnaître à l’instar d’autres juges (T. com. Paris, 29 juin 2016, LawLex201600001202JBJ), qu’un refus d’agrément constitue un acte unilatéral, et non un accord entre un fabricant et les membres de son réseau ?

A titre subsidiaire, le candidat soutient que le refus d’agrément opposé par Rolex caractérise un abus de droit. Selon le juge, en l’absence de violation des articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce, le demandeur doit établir une faute détachable du seul refus d’agrément. Or, la loi Galland a supprimé l’interdiction du refus de vente et la loi LME celle des pratiques discriminatoires.

Le principe fondamental de liberté contractuelle, même encadré par l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles, laisse tout opérateur économique organiser librement son réseau de distribution. La Cour d’appel de Paris définit plus largement cette liberté : Rolex peut non seulement refuser d’agréer un candidat qui respecte ses critères (Paris, 30 sept. 2015, LawLex201500001190JBJ ; 7 oct. 2015, LawLex201500001240JBJ), mais aussi se dispenser d’examiner sa candidature, « sans avoir à en justifier ». Or, le candidat ne démontre pas s’être trouvé dans la situation des magasins agréés. Si ces derniers ont rejoint le réseau postérieurement à sa candidature, leurs dossiers avaient été instruits avant. Le refus d’agrément n’est donc aucunement discriminatoire.

Enfin, selon le candidat, la tête de réseau aurait violé l’article L. 441-6 du Code de commerce par son refus de lui communiquer ses conditions générales de vente. Cependant, n’ayant pas été agréé, le candidat ne peut acheter les montres Rolex :  la communication des conditions de vente de la marque ne se justifie pas (V. déjà, exigeant la qualité d’acheteur au moins potentiel, Cass. com., 1er juin 1999, LawLex200200123JBJ ; Aix-en-Provence, 31 mars 2006, LawLex200600001816JBJ).


Cour d’appel de Paris, 19 octobre 2016, LawLex201600001737JBJ