Selon le Rapport annuel 2022 de l’Observatoire des délais de paiement, si les PME figurent parmi les bons élèves en termes de délais de paiement – les trois quarts règlent leurs factures en moins de 60 jours –, elles sont les premières à être pénalisées par les retards de paiements. La trésorerie des TPE et PME est fortement impactée par les retards de paiement de leurs partenaires : en 2021, l’effet négatif global sur leur trésorerie s’élevait à 12 milliards d’euro selon ce même Rapport.

Il existe donc d’importantes disparités structurelles parmi les entreprises en matière de retards de paiement, malgré la dernière tentative d’harmonisation de 2011 (Dir. 2011/7/UE). Ce texte impose aujourd’hui un délai de 30 jours pour les opérations B2B, qui peut être porté à 60 jours ou plus s’il ne s’agit pas d’un abus à l’égard du créancier.

La Commission, sur l’initiative du Commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, a proposé un projet de règlement pour lutter contre les retards de paiement dans les transactions commerciales. Ce règlement réviserait la directive existante, afin d’accroitre la protection des PME et TPE, et de réduire l’effet domino des retards de paiement. En effet, selon la Commission, « 70 % des entreprises de l’UE ont confirmé qu’être payées dans les délais leur permettrait également de payer leurs propres fournisseurs à temps. ». Le choix du règlement permettrait notamment une meilleure harmonisation à l’échelle de l’UE, puisqu’il serait directement applicable à l’ensemble de l’UE, contrairement à une directive qui nécessiterait une transposition.

En l’état actuel, le projet de règlement propose des dispositions plus strictes que les dispositions en vigueur :

  • il fixe ainsi un délai de paiement maximal et unique de 30 jours pour toutes les transactions commerciales ;
  • les taux d’intérêts et l’indemnité forfaitaire pour le recouvrement seront augmentés ;
  • le paiement des intérêts deviendra automatique et obligatoire jusqu’au règlement de la dette
  • les dispositions ou pratiques contraires seront considérées nulles et non avenues ;
  • des autorités nationales seront créées, avec pour mission l’application des règles et la sanction des entreprises ne respectant pas le règlement.

Quelles sont les implications du texte pour les entreprises françaises s’il était adopté ?

Le nouveau délai de 30 jours entraînerait, en droit interne, un raccourcissement du délai généralement convenu (de 60 jours date de facture ou 45 jours fin de mois ou fin de mois 45 jours) et une suppression de toutes les dérogations de paiement prévues par les articles L. 441-10 et L. 441-11 du Code de commerce et imposerait donc des dispositions bien plus strictes que celles actuellement en vigueur. Par sa brièveté, il sera difficile à honorer dans certains domaines faisant actuellement l’objet de dérogations en raison de leurs spécificités.

De façon générale, le texte est à l’avantage des vendeurs et des prestataires de services et au désavantage des acheteurs et des distributeurs. Il impliquerait dans beaucoup de secteurs une augmentation des besoins en fonds de roulement.

Par ailleurs, l’expérience en matière de délais de 30 jours dans les transports en France montre qu’il s’agit souvent de délais difficiles à respecter, un délai de 30 jours s’avérant très contraint pour contrôler et traiter les factures, qui souvent sont envoyées en retard.

Si les principales dispositions du règlement sont maintenues, il faudra donc revoir l’organisation du traitement des factures avec notamment la mise en place d’un système de relances personnalisées, systématiques et répétées en cas de non-envoi des factures des fournisseurs et de documentation de tous les litiges. De façon générale, une vigilance accrue des entreprises est donc à préconiser et une anticipation de l’entrée en vigueur du règlement, afin de traiter les paiements dans le délai imparti.

Enfin, plusieurs commentateurs ont relevé qu’imposer des dispositions aussi strictes pourrait amener certaines entreprises à favoriser les importations en dehors de l’Espace économique européen, afin de bénéficier de délais plus souples, créant alors des disparités avec les entreprises locales.

Le projet de règlement doit à présent être examiné par le Parlement et le Conseil, et risque d’évoluer avant son adoption et son entrée en vigueur. La Commission précise enfin que le règlement sera applicable aux transactions commerciales effectuées après la date d’entrée en vigueur, quand bien même le contrat aurait été conclu avant.