Les contraintes et les risques liés à la rupture de relations commerciales établies sont devenus une question majeure pour toutes les entreprises ayant une activité en France. On le sait, en droit français, en cas de rupture de relations commerciales établies, l’initiateur de la rupture doit laisser à son partenaire un préavis suffisant tenant compte en particulier de la durée de la relation commerciale. Ce préavis légal l’emporte sur le préavis prévu contractuellement entre les parties. Parmi les nombreuses questions posées par cette disposition figure le montant de l’indemnité due en cas de préavis insuffisant.

Les juridictions françaises écartent les demandes fondées sur le chiffre d’affaires qui effectivement ne correspond pas à un préjudice.

Traditionnellement, en cas de rupture d’une relation commerciale établie sans préavis suffisant, les juridictions indemnisent la partie qui subit la rupture en lui octroyant des dommages et intérêts correspondant à la marge perdue.

La marge est calculée sur la durée du préavis qui aurait dû être accordé (préavis insuffisant) ou, en cas de baisse d’activité pendant le préavis si cette baisse est imputable au fournisseur, sur les ventes que le fournisseur n’a pas permis de réaliser (préavis suffisant mais mauvaise exécution du préavis par le fournisseur).

La loi ne définissant pas comment les dommages et intérêts doivent être calculés, les distributeurs ou réparateurs demandent toujours à être indemnisés à hauteur de la marge brute (ventes – achats).

En l’absence de critiques de la partie poursuivie quant au calcul du préjudice et notamment quant à la prise en compte de la marge brute, les juridictions françaises n’hésiteront pas à allouer des dommages et intérêts fondés sur la marge brute.

Les fournisseurs doivent donc expliquer aux juges que calculer un préjudice en tenant compte de la marge brute n’est pas justifié.

En effet, en cas d’arrêt d’une relation ou de baisse du volume de cette relation, de nombreux frais ne sont plus supportés du fait que le distributeur n’a plus d’activité ou que son activité baisse. Il s’agit de frais variables qui disparaissent automatiquement s’il n’y a plus de ventes ou si l’activité diminue. Par exemple, il peut s’agir de frais de publicité qui ne sont plus engagés, des primes des vendeurs et des charges sociales payées sur ces primes qui ne sont plus réglées en l’absence de ventes, des taxes qui tiennent compte dans leur calcul du chiffre d’affaires, de la préparation des produits avant la vente, etc……

Il est donc logique de déduire ces frais de la marge brute. La marge semi-brute (marge brute – frais variables qui ne sont plus supportés) correspond à un calcul plus juste du préjudice.

Si les juridictions peuvent être sensibles à un calcul de dommages et intérêts fondés sur la marge semi-brute, en revanche, il est très difficile de les convaincre qu’il faudrait également déduire les frais fixes car même si ces frais vont diminuer ou disparaître également en cas de cessation ou de baisse d’activité, cette baisse ou cette disparition se feront plus lentement. Pourtant, il serait normal de tenir compte dans le calcul du préjudice des frais dits « fixes » qui ont pu être réduits afin de pas les faire supporter à l’auteur de la rupture si la partie résiliée ne les a plus à charge.

Un calcul plus juste du préjudice effectif nécessite en tout état de cause de ne pas en rester au stade de la marge brute et de s’efforcer d’approcher le préjudice effectivement subi. Il est indispensable que dans le cadre des contentieux, le préjudice invoqué qui est souvent excessif soit discuté, l’assistance d’un expert-comptable ou d’un expert financier pouvant s’avérer très utile dans ce cadre.

En principe, la marge perdue est calculée sur la moyenne des trois derniers exercices clos précédant l’envoi de la lettre de résiliation. Cette méthode traditionnelle n’est pas non plus exempte de critiques car le calcul devrait être orienté vers l’avenir, ce qui dans bien des cas, notamment en cas de baisse tendancielle de l’activité, amène à des résultats différents de ceux basés sur un historique ne correspondant plus à la réalité de l’activité.

Enfin, reste la question de la comparaison de la marge réalisée effectivement pendant le préavis non effectué par l’entreprise qui a développé d’autres activités et qui peut très bien compenser ou surcompenser la marge perdue avec l’ancien partenaire. Un courant jurisprudentiel très critiquable a tendance à se baser sur un préjudice théorique apprécié artificiellement au jour de l’envoi de la lettre de résiliation en fonction de la marge théorique alors que dans le cadre d’une action en responsabilité, seul un préjudice effectif peut être indemnisé.