L’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne la rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie, sans respect d’un préavis écrit suffisant. Faisant une interprétation contra legem de ce texte qui visait au départ à favoriser la reconversion de l’entreprise résiliée par l’instauration d’un préavis, certaines juridictions estiment que la durée « raisonnable » du préavis et le préjudice théorique en résultant devraient s’apprécier au regard de la durée des relations et des autres circonstances de la rupture, au moment de la notification de la rupture, abstraction faite d’évènements postérieurs tels que la renonciation du distributeur à une partie du préavis ou sa reconversion. Heureusement, la Cour de cassation, qui avait faite sienne cette approche formaliste du texte de l’article L. 442-6, 5°, semble aujourd’hui revenir sur sa position.

Dans un arrêt, critiquable, du 6 novembre 2012, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait admis que la durée du préavis utile de rupture, et en conséquence également le préjudice qui s’en inférait, devaient s’apprécier au regard de la durée des relations et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture, et non d’événements postérieurs, telle la reconversion réussie du partenaire évincé avant le terme du préavis effectivement accordé ou même la renonciation du distributeur à une partie du préavis. Autrement dit pour apprécier la responsabilité de l’auteur de la rupture (faute, préjudice et lien de causalité), il fallait se placer au jour de l’envoi de la lettre de résiliation.

 

Cette solution suscite un certain malaise.

  1. D’abord, il ne faut pas confondre faute et préjudice : en droit commun de la responsabilité, le préjudice s’apprécie toujours au jour où le juge statue, et non au jour du fait générateur de la responsabilité.
  2. Ensuite, celui qui renonce à son droit à préavis (même s’il est d’ordre public en application de L. 442-6, 5°, C.com) parce qu’il a trouvé une solution de substitution au cours du préavis qui lui a été accordé, ne peut logiquement prétendre qu’il a subi un préjudice en raison de son insuffisante durée.
  3. Enfin, l’absence de prise en considération de la reconversion réussie du distributeur en cours de préavis conduit de façon contestable à l’indemnisation automatique de ce dernier, c’est-à-dire à une indemnité de fin de contrat alors que l’article L. 442-6 n’a pas vocation à indemniser la fin des relations mais seulement le préjudice lié à son caractère brutal.

 

Par un arrêt du 14 mai 2013, la Chambre commerciale de la Haute juridiction vient d’opérer un revirement en retenant que le distributeur qui a trouvé de nouveaux fournisseurs au cours du préavis, ne peut se plaindre de son caractère insuffisant. Autrement dit, la Cour admet l’incidence de la reconversion du distributeur dans l’appréciation du caractère suffisant du préavis et du caractère abusif de la rupture en elle-même. Et l’on ne peut que s’en féliciter !