La réforme du droit des contrats avance à grands pas. Le Gouvernement vient de publier l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (JO, 11 février 2016). Après ratification par le Parlement, le nouveau droit des contrats entrera en vigueur le 1er octobre 2016. Selon le Gouvernement, la réforme dotera notre pays d’un droit plus lisible, plus protecteur et plus attractif. Un examen attentif du texte conduit plutôt à penser que notre futur droit des contrats deviendra plus incertain et plus imprévisible, moins protecteur et moins efficient, et fort peu attractif.

Fruit de présupposés idéologiques, la réforme remplace des concepts précis, définis par une abondante jurisprudence, par des notions floues et incertaines qui alimenteront le contentieux. Elle fragilise le contrat et autorise sa remise en cause généralisée : elle permet au juge de contrôler s’il a été formé de bonne foi, au cocontractant d’invoquer un abus de dépendance pour en obtenir l’annulation en sanctionnant toute clause déséquilibrée dans les contrats d’adhésion, y compris entre professionnels, et permet à chaque partie de demander au juge sa révision en cas d’imprévision. Cette hyper-protection du cocontractant supposé faible conduira vraisemblablement les entreprises à s’abstenir de contracter avec des parties économiquement dépendantes. Le Gouvernement sacrifie la liberté contractuelle au protectionnisme juridique.

Les entreprises éviteront, dans les rapports internationaux, ce nouveau droit des contrats. Les entreprises étrangères préféreront soumettre leurs rapports avec des partenaires français à un droit plus protecteur de la volonté des parties et moins aléatoire, comme le droit suisse. Corrélativement, les entreprises françaises souffriront d’un handicap de compétitivité car dans leurs rapports avec les contractants français, elles seront soumises au droit français alors que leurs concurrents étrangers y échapperont en prévoyant une clause attributive de compétence à un tribunal étranger et en soumettant leur contrat à un droit étranger. Comment se préparer à la réforme ?

1. Conclure les contrats importants de l’entreprise avant le 1er octobre 2016 sous l’empire de l’ancien droit des contrats.

En l’état actuel de l’ordonnance, ses dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2016, mais, conformément aux règles habituelles de droit transitoire, la quasi-totalité de ses dispositions ne s’appliquera pas aux contrats en cours, qui, s’ils sont conclus avant cette date, demeureront soumis à la loi ancienne. Les entreprises concluront donc les contrats importants le plus rapidement possible pour bénéficier de la loi ancienne, plus protectrice de la volonté des parties.

2. Se ménager la preuve du respect du devoir d’information précontractuelle.

Le droit nouveau prévoit un devoir d’information précontractuelle très large qui impose à son débiteur de rechercher quelle information est déterminante pour le consentement de son cocontractant. Il l’informera donc et surtout, documentera cette démarche.

3. Négocier les contrats autrement.

Dès lors que les clauses sources de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties peuvent être déclarées abusives dans tout contrat d’adhésion, les entreprises éviteront les obligations non réciproques, les droits discrétionnaires ou disproportionnés et décriront dans le contrat tous les avantages conférés à l’autre partie sans se réserver unilatéralement des droits inutiles.

4. Motiver les augmentations de prix.

Si le droit de fixation unilatérale du prix est maintenu dans les seuls contrats-cadres, sous réserve de l’absence d’abus, le cocontractant qui fait usage de cette faculté est désormais tenu d’une obligation de motivation à laquelle il se conformera. Les entreprises anticiperont donc les augmentations difficiles à motiver.

5. Ecarter les dispositions supplétives inopportunes.

Une partie des dispositions de l’ordonnance présente un caractère supplétif. Ainsi, l’imprévision pourra être écartée par accord des parties.

6. Prévoir une clause fixant la durée du préavis contractuel.

S’il n’est pas possible d’écarter le jeu de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qui prévoit l’obligation de respecter un préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale entre les parties, il semble permis de convenir d’un préavis contractuel pour écarter l’obligation de préavis légal imposée par le droit commun des contrats. Il sera donc plus prudent de déterminer un préavis fixe pour limiter le risque de supporter un très long préavis dans un contrat non soumis à l’article L. 442-6.

7. Evaluer l’opportunité de soumettre les contrats internationaux à un droit et à un juge étranger.

L’insécurité juridique générée par le nouveau droit des contrats pourra conduire à soumettre ses contrats internationaux à un droit plus stable et plus respectueux de la volonté des parties, comme le droit suisse, et à sécuriser ce choix du droit applicable par une attribution de compétence à un juge ou un arbitre étranger.

8. Bien choisir ses partenaires commerciaux.

Les entreprises éviteront les partenaires procéduriers qui transformeront le contrat en un nid à contentieux grâce à la boîte à outils que leur fournit le nouveau droit des contrats et privilégieront des partenaires de confiance, non dépendants.