Les autorités de concurrence ont développé ces dernières années de multiples procédures collaboratives destinées à amener les entreprises à dénoncer des ententes (procédure de clémence) ou à reconnaître des pratiques anti-concurrentielles (procédure de transaction) ou de simples problématiques de concurrence (procédure d’engagements). Toutes ces procédures sont destinées à faciliter le travail de l’administration et à accroître son efficacité. Au sein de cette panoplie, la transaction mérite une attention particulière pour plusieurs raisons.

I Les facteurs économiques, financiers et juridiques à prendre en compte pour s’engager ou non dans une transaction
1. L’entreprise peut préférer une sanction connue à un stade avancé de la procédure plutôt qu’espérer une sanction moindre ou une absence de sanction au prix d’une longue procédure. Très souvent, les entreprises préfèrent la sécurité. Conformément au paradoxe d’Allais, elles choisissent une amende certaine, mesurée et connue, à une amende peut-être plus faible ou nulle, mais incertaine. Les entreprises cotées en bourse y sont particulièrement sensibles. La transaction leur permet de réaliser cet arbitrage.
2. Quelles que soient les préférences de l’entreprise en fonction de son aversion au risque, la décision doit être précédée d’un diagnostic judiciaire précis. Si la régularité de la procédure et le bien-fondé des pratiques anticoncurrentielles sont très difficilement contestables, la transaction devra être naturellement privilégiée. En revanche, en cas de procédure manifestement nulle et/ou de griefs de caractère très contestable, la voie de la contestation retrouve son intérêt juridique.
3. Le risque d’anticipation et de probabilité renforcée du private enforcement doit être pris en compte. Si le choix de la transaction accélère la procédure de concurrence, elle conduit aussi à anticiper le risque pratique d’actions en dommages-intérêts. La plupart des victimes de pratiques anti-concurrentielles attendent en effet la décision de l’autorité de concurrence avant de s’engager le cas échéant dans une action en dommages-intérêts. L’anticipation de la décision de public enforcement et la reconnaissance de l’infraction accélèrent donc le risque et la probabilité du private enforcement, y compris celle des actions de groupe.
II Les précautions à prendre
4. L’absence de contestation des griefs. L’entreprise doit accepter les griefs et ne peut pas les mettre en cause directement ou indirectement. Elle ne peut dès lors contester ni la procédure ni les pratiques anticoncurrentielles qui lui sont opposées, y compris leur durée et les qualifications retenues. Il convient d’être très prudent en cantonnant sa défense à la contestation de l’évaluation de la sanction tenant notamment à l’absence de gravité des pratiques ou du dommage à l’économie, mais sans remettre en cause les effets anticoncurrentiels avérés ou potentiels, ce qui n’est pas nécessairement évident.
5. Eviter de changer de stratégie en cours de procédure. La pratique montre que le changement de stratégie n’est généralement pas payant. Au plan communautaire, l’affaire Timab Industries (CJUE, 12 janv. 2017, LawLex2017000071JBJ) illustre ce principe. Des entreprises se sont retirées de la procédure de transaction après avoir pris connaissance de la fourchette d’amendes de 41 à 44 millions d’euro proposée par la Commission pour une entente s’étalant de 1978 à 2004. Bien qu’elles aient réussi à ramener au contentieux la durée des pratiques à une période beaucoup plus courte (1993-2004), elles ont écopé d’une amende plus élevée (59 millions d’euro). Le TUE (TUE, 20 mai 2015, LawLex20150000638JBJ) et la CJUE ont rejeté leur recours, validant le fait que l’amende infligée à une entreprise abandonnant la procédure transactionnelle peut être plus élevée dans le cadre de la procédure contentieuse ordinaire que la fourchette transactionnelle, à la seule condition que le montant de l’amende soit motivé correctement.
6. Négocier des engagements de nature à réduire le montant de l’amende. Comme dans l’ancienne procédure de non-contestation des griefs, en matière de transaction, l’entreprise ou l’organisme qui ne conteste pas la réalité des griefs notifiés peut en outre s’engager pour l’avenir à modifier son comportement et dans ce cas le rapporteur général peut proposer au collège d’en tenir compte dans le montant de la sanction. Il convient cependant d’être certain de pouvoir tenir ces engagements car leur non-respect ultérieur exposerait l’entreprise à un risque d’amende.

















