Ces trois dernières années, Google constitue avec Apple l’une des firmes les plus lourdement sanctionnées par la Commission européenne avec l’infliction, au titre de l’article 102 TFUE, de trois amendes pour un montant total de 8,25 milliards d’euro :
- 2,42 milliards d’euro, en juin 2017, pour abus de position dominante sur le marché de la recherche en ligne, pour avoir favorisé son comparateur de prix Google Shopping au détriment de ses concurrents ;
- 4,34 milliards d’euro, en juillet 2018, pour avoir abusé de la position dominante de son système d’exploitation gratuit pour smartphone, Android, afin de renforcer la position dominante de son service de recherche en ligne, Google Search ;
- 1,49 milliards d’euro, en mars 2019, pour avoir abusé de la position dominante de sa régie publicitaire AdSense, en imposant des clauses anticoncurrentielles dans les contrats passés avec les éditeurs (plates-formes de commerce ou média en ligne) empêchant les régies concurrentes de placer leurs publicités contextuelles sur ces sites.
1. Union européenne
Les affaires Google se suivent et se ressemblent avec, à leur source, la capacité du GAFAM à profiter de sa position de force pour imposer ses outils et enfermer les utilisateurs dans son écosystème. Le 30 décembre 2019, la Commission a ouvert une enquête sur les pratiques de Google en matière de collecte et d’utilisation des données relatives notamment aux services de recherche locaux, à la publicité en ligne, aux services de connexion et aux navigateurs web. Elle a par ailleurs annoncé, le 5 août 2020, enquêter sur le rachat de Fitbit, spécialiste des objets connectés pour les activités physiques, par Google, qui, par ce biais, accroîtrait le volume de données personnelles, déjà très important, dont il dispose, qu’il pourrait utiliser pour personnaliser les publicités qu’il propose ou qu’il affiche, et ainsi renforcer sa position dominante sur le marché de la publicité en ligne, et/ou compromettre la capacité d’autres entreprises à proposer de nouveaux produits aux consommateurs.
2. France
En France, Google a déjà subi les foudres de l’Autorité de la concurrence qui a prononcé à son encontre en 2019 et 2020 des mesures conservatoires visant à faire cesser deux pratiques potentiellement abusives, l’une résultant de la mise en œuvre de ses règles Google Ads et l’autre, commise à l’occasion de l’application de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins (V. notre billet de blog du 22 octobre dernier).
3. Italie
Le 28 octobre dernier, l’autorité de concurrence italienne a annoncé à son tour qu’elle ouvrait une enquête concernant un éventuel abus de position dominante sur le marché de la publicité d’affichage en ligne de la part de Google, à qui il est reproché d’utiliser l’énorme quantité de données collectées via ses applications (Chrome, Google Maps, Waze) ou les services fournis par Google ID (Gmail, Drive, Docs et YouTube) pour empêcher ses concurrents de rivaliser efficacement, alors même que les ventes de publicité en ligne constituent la deuxième source de revenus du secteur des médias. En outre, l’autorité a fait valoir que la qualité du contenu destiné aux consommateurs finals, appauvri par l’absence de concurrence, risquait de réduire les ressources allouées aux producteurs et éditeurs de site internet et à terme, de décourager l’innovation technologique pour le développement de techniques publicitaires moins intrusives pour le consommateur.
4. Chine
Le 30 septembre 2020, la Chine a elle aussi déclaré vouloir s’attaquer à Google en s’inspirant des exemples européen et indien, dont la Commission de concurrence, en février 2018, a déjà condamné le géant américain à hauteur de 1,36 milliards de roupies, soit 17 millions d’euro, pour abus de position dominante concernant les recherches en ligne et sponsorisées et qui, prochainement, devrait se prononcer sur une plainte l’accusant de tirer parti de la forte position d’Android, pour promouvoir son application Google Pay au détriment des autres applications de paiement. L’enquête, qui viserait également le système d’exploitation Android de Google, à l’heure où la réglementation antitrust de la Chine est en train de se durcir, aurait pour origine des accusations portées, en 2019, par Huawei qui, du fait des sanctions américaines l’ayant frappé à cette époque motif pris de la sécurité nationale, avait vu ses smartphones privés de l’accès aux services de Google, et subi une perte de 12 milliards de dollars…
5. États-Unis
Enfin, le 20 octobre 2020, le Département de la justice américain a déposé une plainte contre Google pour abus de position dominante devant un tribunal fédéral de Washington. Après une année d’enquête, Google se voit reprocher d’avoir « illégalement maintenu des monopoles sur le marché de la recherche et de la publicité en ligne » au prix de milliards de dollars de dépense pour maintenir sa position auprès des fabricants de téléphone ou de navigateurs. Concrètement, le géant américain aurait maintenu sa position dominante sur le marché de la recherche d’informations sur internet en imposant de fait l’utilisation de son logiciel Android et de son moteur de recherche Google aux acheteurs de smartphones, y compris les utilisateurs d’iPhone puisqu’il rémunère Apple pour que son moteur soit incorporé à Safari. Google aurait également mis la main à la poche pour rester le fournisseur par défaut de fonctionnalités essentielles telle que la messagerie électronique (Gmail). En outre, le GAFAM est accusé d’influer déloyalement sur les prix de la publicité et de réduire les choix de contenus offerts aux consommateurs. D’autres plaintes étant susceptibles de venir se greffer à la procédure, l’affaire n’est pas sans rappeler le retentissant procès qui a visé, à la fin des années 90, un autre « big tech », Microsoft, contraint par les autorités antitrust américaines, de ne plus imposer, de fait, aux internautes son système de navigation, Explorer. Par cette décision, la justice américaine a obligé Microsoft à laisser la place à une start up d’avenir, Google, accusé des mêmes comportements abusifs vingt ans plus tard…