Une réforme d’ampleur du droit des contrats entrera en vigueur en France le 1er octobre 2016. Le texte, objet de débats passionnés entre civilistes, a déjà donné lieu à des centaines d’articles et à une demi-douzaine d’ouvrages dont le plus complet comprend plus de 1 000 pages (CHANTEPIE et LATINA, La réforme du droit des obligations, Dalloz, 2016). La réforme demeure cependant peu connue du grand public et des entreprises, alors qu’elle révolutionnera en profondeur le droit français des contrats, relativement préservé depuis le Code civil de 1804. Nous avons dit à l’occasion de nombreuses conférences et tribunes tout le mal que nous pensons de cette réforme mal conçue et déconnectée des réalités économiques (V. not. L. VOGEL, Le nouveau droit des contrats : obsolète et contre-productif, AJCA, 2016, 309). Contrairement aux objectifs affichés, elle ne rendra pas notre droit des contrats plus lisible et plus protecteur, mais peu attractif et peu compétitif pour les entreprises.

L’impact de la réforme se révèlera particulièrement important et négatif pour le droit de la distribution. Dans ce domaine, en-dehors de quelques commentaires isolés (V. not. OSTOJSKI, La distribution à l’aune du droit des contrats nouveaux, Jur. auto., juin 2016, 32; RIERA, La réforme du droit des contrats : l’impact sur la franchise, AJCA, 2016, 20), les changements profonds qu’entraînera le nouveau droit des contrats n’ont guère été étudiés de façon spécifique. Il convient de les anticiper et de prendre un certain nombre de mesures pour s’y préparer au mieux.

I Une formation du contrat fragilisée

1. Veiller à respecter l’obligation d’information pré-contractuelle.

La réforme pose un devoir général d’information du cocontractant s’agissant des informations dont l’importance détermine le consentement de l’autre partie, dès lors que, légitimement, cette dernière les ignore ou fait confiance à son cocontractant. Combiné à l’obligation de bonne foi dans la formation du contrat, ce devoir d’information permettra d’engager la responsabilité extra-contractuelle de la tête de réseau ou d’obtenir la nullité du contrat. Pour certains auteurs, en matière de franchise, le droit commun impose désormais d’aller plus loin que la loi Doubin et de fournir aux futurs franchisés les comptes de résultats prévisionnels. Compte tenu de ce risque, la tête de réseau fournira au futur distributeur un document d’information pré-contractuelle loi Doubin même lorsqu’il n’est pas requis, notamment en l’absence d’exclusivité, et se ménagera la preuve que ce dernier a réalisé lui-même les prévisionnels de rentabilité de son exploitation. Plus généralement, elle conservera soigneusement la preuve de la transmission des informations pré-contractuelles pendant la durée de la prescription.

2. Négocier et rédiger les contrats de distribution autrement.

Le nouveau droit va bien au-delà de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce qui sanctionne l’imposition d’obligations déséquilibrées à un partenaire commercial. Le Code de commerce suppose en effet d’être déjà en relations et qu’un cocontractant se voie imposer des obligations abusives. Le Code civil réputera non écrite dans un contrat d’adhésion (c’est-à-dire, celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties), toute clause déséquilibrée. Un distributeur mécontent fera aisément valoir que le contrat de distribution rédigé par le fournisseur constitue un contrat d’adhésion et contestera systématiquement toutes les clauses non réciproques ou avantageant ce dernier, le cas échéant en invoquant le droit commun et le droit spécial cumulativement. Compte tenu de ce risque général, lorsqu’il contracte avec un groupement de distributeurs, comme c’est souvent le cas, le fournisseur se ménagera la preuve de la négociation et du mandat donné par les distributeurs au groupement afin d’éviter la qualification de contrat d’adhésion. Il ne se donnera pas, en tant que rédacteur du contrat, des droits unilatéraux inutiles, veillera à bilatéraliser les droits et les obligations et en cas de droit unilatéral, le justifiera objectivement. Enfin, plutôt que de prévoir de multiples décharges de responsabilité, il définira et limitera avec précision l’objet du contrat puisqu’en droit commun, l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation.

3. Éviter de choisir des cocontractants très dépendants.

Le fournisseur choisira des cocontractants financièrement solides et si possible diversifiés dans leur activité compte tenu du risque généré par tout contrat passé avec un partenaire dépendant.

II Une vie du contrat moins sécurisée

4. Conserver les justifications du prix contractuel et de ses variations.

Le nouveau droit des contrats codifie la jurisprudence de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation de 1995 qui autorise la fixation unilatérale du prix par l’une des parties sous réserve de l’abus de droit, sanctionné par l’indemnisation du préjudice qui en résulte ou la résolution du contrat. Mais le nouveau droit modifie le droit positif en inversant la charge de la preuve. Désormais, il n’appartient plus au demandeur de prouver l’abus, mais à celui qui fixe le prix d’en motiver le montant en cas de contestation. Le fournisseur qui définit le prix contractuel ou le plus souvent sa variation en cours de contrat conservera donc, pendant toute la durée de la prescription, les justificatifs du bien-fondé de la fixation ou de la variation du prix.

III Une fin du contrat plus risquée

5. Ne pas s’enfermer contractuellement dans un formalisme trop contraignant mais respecter celui imposé par la loi en cas de résiliation.

La réforme, qui codifie la faculté de résolution aux risques et périls de son auteur, ne se prononce pas sur l’exercice de ce droit sans respecter le formalisme ou les causes prévues par les clauses résolutoires contractuelles, comme l’y autorise la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Les parties formuleront donc les clauses résolutoires de façon non limitative et non exclusive de la faculté de résolution unilatérale de droit commun. Par ailleurs, dans l’exercice de celle-ci, le fournisseur respectera le nouveau formalisme légal qui impose, sauf urgence, une mise en demeure préalable et une lettre de résolution au contenu très encadré.

6. Soumettre le contrat international de distribution à un droit et une juridiction étrangère.

Puisque le droit français des contrats devient particulièrement peu respectueux de la volonté des parties et de la force obligatoire du contrat et rend les entreprises françaises moins compétitives que leurs concurrentes étrangères, les entreprises et leurs conseils se poseront la question du choix du droit applicable et de la juridiction compétente.