En mars 2012, le Hellenic Republic Asset Development Fund a informé la Commission d’un projet de privatisation de Larko, entreprise spécialisée dans l’extraction et la transformation du minerai de latérite, l’extraction de lignite et la production de ferronickel et de sous-produits. Dans le cadre de cette privatisation, le gouvernement grec avait accordé à Larko une garantie à 100% d’un prêt bancaire. Le 27 mars 2014, la Commission a adopté la décision 2014/539/, concernant l’aide d’État accordée par la Grèce à Larko par laquelle elle a considéré que les mesures en cause constituaient des aides d’État, accordées en violation des obligations de notification et d’interdiction de mise à exécution établies à l’article 108, paragraphe 3, TFUE et qu’elles étaient incompatibles avec le marché intérieur et soumises à récupération.
La Cour de justice se prononce en l’occurrence sur le pourvoi formé par Larko contre la décision du Tribunal (TUE, 4 mai 2022, Larko/Commission, Τ-423/14 RENV) qui a rejeté son recours en annulation contre la décision de la Commission. Le Tribunal avait, dans sa décision, estimé que la Commission disposait de suffisamment d’éléments pour considérer que la prime de garantie accordée à Larko n’était pas conforme à un prix de marché dans la mesure où un créancier raisonnable n’aurait pas fourni de garanties à ces conditions. La Cour précise les règles applicables à la preuve d’un avantage.
La charge de la preuve de l’existence d’une aide d’État pèse sur la Commission
Larko prétend que le Tribunal a méconnu les règles régissant la charge de la preuve de l’existence d’un avantage compétitif octroyé par un État membre à une entreprise. Elle soutient qu’il revient à la Commission, lorsque le critère de l’investisseur privé en économie est appliqué de prouver que ses conditions d’application ne sont pas remplies.
Pour mémoire, le critère de l’investisseur privé en économie permet à la Commission d’apprécier l’existence d’une aide d’État lorsque l’État agit en tant qu’acteur du marché, et non en tant que puissance publique. La conformité d’une intervention étatique avec les conditions du marché s’apprécie ex ante, en prenant en considération les informations disponibles au moment où la décision d’intervenir a été prise. La Commission se livre, à cette occasion, à une analyse économique des faits pour déterminer si un opérateur privé aurait adopté un comportement identique dans les mêmes circonstances
Larko estimait qu’en l’occurrence, le Tribunal, sous prétexte de faciliter la démonstration par l’État membre qu’une garantie publique individuelle n’implique pas une aide d’État devant être notifiée, aurait dégagé une obligation de ce dernier de fournir lui-même les informations pertinentes, notamment d’ordre économique, qui, selon la Commission, sont susceptibles d’exclure à suffisance la présence d’une aide d’État, renversant ainsi la charge de la preuve.
La Cour rappelle que lorsque le critère de l’investisseur privé est applicable, c’est sur la Commission que pèse la charge de prouver, en tenant compte, notamment, des informations fournies par l’État membre concerné, que les conditions d’application du principe de l’opérateur privé ne sont pas remplies, de telle sorte que l’intervention étatique en cause renferme un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, même lorsque la Commission est confrontée à un État membre qui, manquant à son devoir de collaboration, a omis de lui fournir des renseignements qu’elle lui a enjoint de communiquer, elle doit fonder ses décisions sur des éléments d’une certaine fiabilité et cohérence qui fournissent une base suffisante pour conclure que l’entreprise concernée a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État. Toutefois, si elle ne doit pas se décharger sur les États membres de son obligation de prouver l’existence d’une aide d’État, il ne lui incombe pas de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même ces informations se trouveraient dans le domaine public.
L’application du critère de l’investisseur privé doit reposer sur des éléments contemporains de la mesure
Larko reprochait au Tribunal de s’être fondé sur des éléments postérieurs à l’octroi de la mesure pour juger que les autorités grecques avaient ou auraient dû avoir connaissance, lors de cet octroi, des prétendues difficultés de Larko. Sont, en effet, seuls pertinents, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles à la date à laquelle la décision de procéder à l’investissement a été prise.
La Cour considère, cependant, que, contrairement à ce que soutient Larko, le Tribunal s’est fondé sur des éléments antérieurs ou contemporains de l’octroi de la garantie. Le que les observations des autorités grecques sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen soient postérieures à l’octroi de la garantie ne signifie pas que ces observations, par définition, postérieures à la date à laquelle la mesure susceptible d’être qualifiée d’aide d’État a été adoptée, ne pouvaient pas décrire des événements antérieurs ou contemporains à l’octroi de cette garantie et qu’elles ne permettaient pas de fournir des indices fiables et cohérents selon lesquels ces autorités avaient connaissance des difficultés financières de Larko à cette date. Enfin, la Cour précise que même si l’appréciation du Tribunal ne repose pas sur des preuves formelles de la connaissance par l’État grec de ces difficultés financières à la date de l’octroi de la garantie, lorsque la Commission doit faire face à un manquement de l’État membre à son devoir de collaboration, en ne lui fournissant pas les renseignements demandés, sa décision est justifiée si elle est fondée sur des éléments d’une certaine fiabilité et cohérence.