Définition de « l’abus de dépendance économique » : une proposition de loi « aux effets pervers », estime le cabinet Vogel, Autoactu, 27 avril 2016

Définition de « l’abus de dépendance économique » : une proposition de loi « aux effets pervers », estime le cabinet Vogel, Autoactu, 27 avril 2016

Le 28 avril, l’Assemblée nationale se prononcera sur une proposition de loi visant à définir « l’abus de dépendance économique ». Si elle est adoptée, une telle loi qui vise à protéger les entreprises dépendantes de leurs clients ou fournisseurs pourrait au contraire jouer contre elles, estime le cabinet Vogel et Vogel. 

Début avril, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi du député Bernard Accoyer (Les Républicains) « visant à mieux définir l’abus de dépendance économique » entre un fournisseur et son distributeur.

Cette proposition part d’une bonne intention puisqu’elle a pour objectif principal de lutter contre les effets des rapprochements entre centrales d’achats de la grande distribution sur les petits fournisseurs (notamment sur la compression des marges). Mais comme le regrette le Cabinet Vogel&Vogel sur son blog, puisque cette loi ne se cantonne pas au seul secteur de la grande distribution (dans lequel elle aurait quoi qu’il en soit des effets pervers), elle pourrait affecter l’ensemble de l’économie française. « Ce texte suscitera des difficultés dans d’autres secteurs sans résoudre le problème auquel il s’attaquait« , prévient le cabinet Vogel. « Il faut traiter les relations difficiles entre la grande distribution et les fournisseurs de préférence par des actions jurisprudentielles ciblées et non par des textes législatifs, et surtout pas des textes législatifs d’application générale », explique-t-il.

Introduction d’une notion de dépendance « à court ou moyen terme »

Cette loi définit la situation de dépendance économique en la caractérisant par « une rupture des relations commerciales entre le fournisseur et le distributeur [qui] risquerait de compromettre le maintien de son activité« . Il y aurait également dépendance économique dès lors que « le fournisseur ne dispose pas d’une solution de remplacement auxdites relations commerciales, susceptible d’être mise en œuvre dans un délai raisonnable. »
Mais ce texte introduit aussi un raisonnement prospectif. Alors qu’une infraction au droit de la concurrence s’évalue aujourd’hui sur une action passée ou actuelle, ce projet de loi prévoit d’interdire désormais tout abus de dépendance économique susceptible d’affecter le fonctionnement de la concurrence  » à court ou moyen terme« . Ainsi, il y aurait par exemple abus de dépendance économique si la rupture de relation commerciale entre un petit fournisseur de pièces et un client pouvait mettre en péril l’activité du fournisseur à « court ou moyen terme ». Pour le cabinet Vogel, « les distributeurs risquent de mettre fin à leurs relations avec des fournisseurs susceptibles d’être dépendants afin d’éviter le risque d’amende très élevée (10% du chiffre d’affaires du groupe auquel l’entreprise fautive appartient) et de dommages-intérêts au cas où un abus de cette situation de dépendance leur serait reproché« . Et cela d’autant plus qu’en introduisant la notion de « court à moyen terme », la condamnation à une amende reposerait sur une analyse totalement « aléatoire« . « Loin de protéger les partenaires dépendants, ce texte insuffisamment réfléchi et concerté fragilisera la situation de ceux-là mêmes qu’il voulait protéger et leur fermera des débouchés« , poursuit le cabinet.

La proposition de loi sera débattue demain jeudi à l’Assemblée nationale.

Emilie Binois 

Lire la proposition de loi de Bernard Accoyer