Conclusions de la Commission sur l’évaluation du cadre de l’UE de mise en œuvre des règles concernant les pratiques anticoncurrentielles

Publication des conclusions de la Commission sur l’évaluation du cadre de l’UE de mise en œuvre des règles concernant les pratiques anticoncurrentielles

Des conclusions positives

Le 5 septembre 2024, la Commission européenne a publié les conclusions de son évaluation des règlements de l’UE relatifs à l’application des règles de concurrence des actuels articles 101 et 102 TFUE. La mise en œuvre et le cadre procédural de ces articles sont organisés par les règlements n° 1/2003 et n° 773/2004.

L’évaluation a été réalisée à l’issue d’une consultation publique et d’une enquête menée au sein du Réseau européen de concurrence (REC), rassemblant les autorités nationales de concurrence (ANC) ainsi que la Commission européenne. Elle a également été enrichie par près de 250 entretiens avec des experts, des recherches documentaires et l’analyse de données de la Commission, des ANC et des pays tiers.

La Commission conclut que, de manière générale, les règlements ont atteint leur objectif, à savoir une application effective, efficace et uniforme des règles de concurrence de l’Union européenne. La Commission a en particulier relevé que ces règlements apportaient une « valeur ajoutée européenne manifeste » et que le cadre légal instauré en 2003 demeurait pertinent pour protéger l’objectif d’application « effective et uniforme » des articles 101 et 102 TFUE.

Les effets fructueux de la modernisation apportée par le règlement n° 1/2003

Avant l’entrée en vigueur du règlement n° 1/2003, l’application des actuels articles 101 et 102 TFUE était encadrée par le règlement n° 17, adopté en 1962. Ce règlement permettait aux ANC et aux tribunaux nationaux d’appliquer l’article 101, paragraphe 1, mais seule la Commission européenne était en mesure d’accorder, sur notification, des exemptions sur le fondement de l’article 101, paragraphe 3. Le système applicable à l’époque était donc un système centralisé.

Cependant, avec l’entrée dans l’Union européenne de nouveaux Etats membres à la fin années 1990, le système centralisé parut inadapté au regard du grand nombre de notifications qu’allait recevoir la Commission.

Ainsi, à compter de l’entrée en vigueur du règlement n° 1/2003 et de son règlement d’exécution, le règlement n° 773/2004, un nouveau système d’auto-évaluation a été mis en place. Depuis le 1er mai 2004, les parties prenantes n’ont plus demander à la Commission l’obtention d’une exemption sur le fondement de l’article 101, paragraphe 3, TFUE : il leur appartient de vérifier elles-mêmes si l’accord qu’elle ont signé est bien conforme à l’article 101.

L’introduction de ce système d’auto-évaluation est considérée comme une véritable réussite par la Commission européenne. En effet, il apparaît que les entreprises ainsi que leurs conseils se sont rapidement adaptés à ce nouveau système, qui a par ailleurs permis à la Commission de réaliser des économies. Ces nouvelles mesures témoignent, selon la Commission, de l’efficience des règlements.

Une coopération avec les autorités nationales de concurrence

Un autre objectif des règlements de 2003 et 2004 était de donner plus de pouvoir aux autorités nationales de concurrence dans l’application des articles 101 et 102 TFUE. Depuis leur entrée en vigueur, la possibilité d’appliquer les articles 101 et 102 aux accords de nature à affecter le commerce entre les Etats membres leur a été reconnue. Néanmoins, les ANC se sont vu imposer certaines limites. Elles ne sauraient, par exemple, interdire une pratique concertée qui ne serait pas prohibée par l’article 101. La solution contraire a néanmoins été retenue dans le cas des pratiques unilatérales : les règlements permettent en effet aux législations nationales de prendre des mesures plus strictes que ce que prévoit l’article 102 TFUE.

Les règlements ont ainsi attribué aux ANC le rôle général de contrôler et maintenir l’application efficace des règles européennes de concurrence, en coopération avec la Commission européenne. L’introduction du REC était destinée à matérialiser cette coopération.

L’étude relève un important nombre de décisions rendues par les autorités nationales, ce qui démontre le succès du système décentralisé de contrôle parallèle de l’application des règles de concurrence de l’Union par la Commission et les ANC. Les ANC sont ainsi devenues de véritables piliers de la mise en œuvre uniforme de ce corpus de règles. La Commission a indiqué que le REC a joué un rôle primordial dans l’application uniforme et effective des articles 101 et 102 TFUE.

Des points à améliorer

La Commission a néanmoins relevé plusieurs pistes d’amélioration.

Tout d’abord, la Commission a relevé que la numérisation des relations d’affaires entrave de plus en plus certains de ses outils d’enquête (dont elle a également souligné l’insuffisance, en raison, par exemple, de l’absence de sanctions en cas de fausses déclarations).

La numérisation de l’économie est une problématique à laquelle la Commission porte une attention toute particulière. Il s’agit d’ailleurs d’un enjeu qui l’a motivée à initier une évaluation de la mise en œuvre des politiques relatives à la réglementation des pratiques anticoncurrentielles. Elle note en particulier une tension de plus en plus importante entre l’exigence de rapidité induite par cette transformation de l’économie et la durée moyenne des procédures relatives aux pratiques anticoncurrentielles

La durée de ces procédures constitue un autre point d’amélioration relevé par la Commission. Elle a notamment déploré la longueur des inspections et des procédures relatives aux engagements, qui s’explique néanmoins par leur complexité.

La Commission a enfin souligné la nécessité de mettre en cohérence les règlements de 2003 avec les règlementations qui sont entrées en vigueur depuis 2004, en particulier la directive ECN+La Commission avait déjà procédé à des modifications du règlement 773/2004 afin de le rendre compatible avec la directive « Dommages » de 2014 (p° 39).

Quelle suite à cette évaluation ?

A la suite de cette évaluation, la Commission prévoit de réfléchir à une potentielle révision des règlements afin de continuer d’assurer au mieux l’efficacité de l’application des articles 101 et 102 TFUE. La Commission estime que la durée des procédures constitue le problème qui ressort le plus de l’évaluation. Pour pallier cette difficulté, elle considère qu’il serait opportun de s’inspirer des dispositions procédurales du Digital Market Act ou du règlement sur les subventions étrangères.

Connexion