L’accord conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni le 24 décembre 2020 et publié au Journal officiel le 31 décembre met fin à quatre ans de négociation. Cet accord d’un nouveau genre, qui pose le principe d’une absence de droits de douane et de toute limitation quantitative des flux de marchandises, dessine les relations des parties à compter du 1er janvier 2021 dans tous les domaines. Certaines règles demeurent donc, telles que le libre-échange ; d’autres disparaissent comme la libre circulation des personnes ou les échanges Erasmus. Cet accord complète l’accord de retrait d’octobre 2019 qui réglait la question des droits des ressortissants européen, et britanniques, des engagements financiers mutuels et de la stabilité en Irlande.

Marchandises

Les biens qui satisfont aux règles d’origine peuvent librement circuler sans droits de douane ni quotas dès lors que les règles du commerce international sont respectées. En revanche un contrôle est mis en place aux frontières avec des déclarations d’importation et d’exportation, qui risquent d’engendrer des coûts supplémentaires et provoquent d’ores et déjà un ralentissement du flux transmanche.

Chaque partie accorde ainsi un traitement national aux marchandises de l’autre partie, avec un transit libre à travers le territoire ou à destination du territoire de chaque partie. Les marchandises originaires sont également concernées : le produit originaire d’une partie constitue un produit originaire de l’autre dès lors qu’il est utilisé comme matière première dans la production d’un autre produit de cet Etat. Si la part de la production est insuffisante, le caractère originaire n’est toutefois pas accordé au produit en cause (par ex. opération de conservation, lavage, nettoyage, décorticage, etc.).

Les règles techniques et de transparence applicables aux marchandises demeurent applicables, le Brexit n’ayant pas réduit à néant les dispositions régissant la matière au Royaume Uni.

L’accord organise naturellement la coopération douanière entre les parties, en particulier en mettant en place un système d’échange d’informations concernant la législation douanière, sa mise en œuvre et les procédures douanières, en établissant la reconnaissance mutuelle des programmes relatifs aux opérateurs économiques agréés ou encore en faisant respecter les droits de propriété intellectuelle par les autorités douanières. Chaque partie s’engage par ailleurs à simplifier ses exigences et formalités relatives au régime douanier pour en réduire la durée et les coûts pour les entreprises. Un guichet unique est ainsi établi pour permettre aux négociants de présenter les documents ou données requis pour l’importation, l’exportation ou le transit des marchandises à un point d’entrée unique.

Services

Les services transfrontières peuvent être fournis sans restriction quant au nombre de fournisseurs pouvant offrir un service spécifique, quant à la valeur totale des transactions ou des actifs en rapport avec les services, quant au nombre total d’opérations de services ou à la quantité totale de services produits. Chaque partie ne peut exiger que le fournisseur établisse ou exerce une activité ou qu’il réside sur son territoire en tant que condition à la fourniture transfrontière d’un service. Le texte impose un traitement national : les fournisseurs de l’autre partie doivent recevoir le même traitement que celui accordé à ses propres services et fournisseurs dans des conditions similaires.

Pour les fournisseurs de services contractuels et les professionnels indépendants, qui offrent leurs prestations sur le territoire de l’autre partie, l’entrée et le séjour temporaire sont autorisés dans la limite de 12 mois cumulés ou pour une durée égale à celle du contrat. Une liste limitative fixe les secteurs et sous-secteurs concernés et les limitations applicables.

Les parties prévoient par ailleurs de faciliter le commerce électronique pour garantir un environnement en ligne ouvert, sûr et digne de confiance pour les entreprises et les consommateurs. La protection des données personnelles demeure soumise à des règles strictes.

Personnes

L’accord sonne le glas de la libre circulation des personnes entre l’Union et le Royaume-Uni. Pour les courts séjours, les conditions restent inchangées. En revanche, les séjours de plus de six mois sont soumis à l’obligation d’obtenir un visa. Les personnes désirant travailler outre-manche devront obtenir un visa de travail et présenter une offre d’’emploi avec un salaire minimum de 26 500 livres (environ 30 000 euro), la règle ayant pour but de réserver les petits boulots aux locaux. En revanche, l’entrée et le séjour des personnes faisant l’objet d’un transfert temporaire intragroupe demeurent autorisés. Il en est de même pour les visiteurs se déplaçant pour affaires en vue d’un établissement.

L’accord met également fin au programme Erasmus d’échange d’étudiants. Les étudiants européens seront à compter de septembre 2021 considérés comme des étrangers et devront s’acquitter de droits universitaires plus onéreux.

Capitaux`

Les mouvements de capitaux demeurent libres afin de favoriser la libéralisation des investissements. Le texte prévoit la création d’un comité spécialisé «Commerce» chargé des services, de l’investissement et du commerce numérique au sein duquel les parties se consultent afin de faciliter les mouvements de capitaux entre les parties pour promouvoir les échanges commerciaux et l’investissement. Les parties peuvent adopter des mesures restrictives à la libre circulation des capitaux lorsqu’elles éprouvent ou risquent d’éprouver des difficultés en matière de balance des paiements ou de situation financière extérieure.

Concurrence équitable et loyale

L’article 1.1 pose le principe du respect d’une concurrence loyale et équitable, le commerce et l’investissement devant en outre se dérouler d’une manière propice au développement durable.

Les règles européennes de concurrence, notamment celles relatives à la prohibition des ententes et abus de position dominante ou aux concentrations produisant des effets anticoncurrentiels, continuent de s’appliquer entre les parties. Leur respect et leur mise en œuvre sont assurés par les autorités indépendantes de l’UE et du Royaume-Uni. A terme cependant, le fait que le Royaume-Uni n’ait pas accepté un alignement dynamique de ses normes sur les normes européennes recèle le risque d’un décalage entre celles-ci même si le Royaume-Uni s’est engagé au maintien d’un standard élevé.

Règlement des différends

Le Royaume-Uni n’ayant pas souhaité le maintien de la compétence de la Cour de justice, c’est un Conseil de partenariat qui aura à connaître de la mise en œuvre, de l’application et de l’interprétation de l’accord. Il peut siéger en formation différente selon les thèmes traités.

Vers une Union plus forte

Le Brexit semble avoir incité l’Union à évoluer et à ne plus s’envisager comme un simple marché. L’adoption, pour faire face à la crise sanitaire et économique liée au Covid, d’un plan de relance commun et la mobilisation des fonds européens pour cofinancer des coopérations entre entreprises de l’Union en matière de défense paraissent aller dans ce sens. Là où on craignait une division des Etats membres, la dureté des négociations pourrait avoir resserré des liens que l’on pouvait croire distendus.