La loi Macron du 6 août 2015, adoptée après plus de sept mois de débats parlementaires et le recours, à trois reprises, à l’article 49, 3° de la Constitution, touche des secteurs très divers allant du transport par autocar aux autoroutes, en passant par les aéroports et les auto-écoles. Le droit de la concurrence et de la distribution ne lui a pas échappé. Paradoxalement, les principaux changements attendus dans ce domaine ne se feront pas, au moins dans l’immédiat. La disposition phare en matière de concurrence, l’injonction structurelle, a fort heureusement été invalidée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2015-715 DC du 5 août 2015. Elle aurait permis à l’Autorité de la concurrence (AdlC) d’obliger une entreprise exploitant un ou plusieurs magasins de détail à céder des magasins ou des actifs ou à résilier ou modifier ses contrats en cas de position dominante avec une part de marché de plus de 50 % sans qu’elle en ait abusé, simplement parce que ses prix ou marges auraient été considérés comme élevés par rapport au secteur économique concerné. Le Conseil constitutionnel a jugé que ce pouvoir de déconcentration sans abus de position dominante constituait une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété. Malgré les déclarations du ministre, il faut espérer que ce projet ne sera pas remis en chantier : ce type de mesure ferait planer une menace permanente de déconcentration sur des entreprises innovantes ayant acquis leur position sur le marché par leurs mérites. Il est contraire à la sécurité juridique et à l’efficience économique et a été rejeté à juste titre aux Etats-Unis. Le Conseil constitutionnel a également invalidé la faculté des autorités de concurrence d’obtenir la communication des fadettes téléphoniques sans autorisation judiciaire, en raison de sa contrariété avec le droit au respect de la vie privée.

Que reste-t-il alors de la loi Macron ? Quelques avancées et de nouvelles contraintes.

Côté positif, la loi assouplit les obligations de la convention unique pour les grossistes. Côté négatif, elle renforce de manière excessive les amendes pour pratiques restrictives.

Convention unique grossiste

Plutôt que d’exempter totalement les grossistes de l’obligation de rédiger une convention unique, la loi Macron du 6 août 2015 a préféré les soumettre à un formalisme allégé (nouvel art. L. 441-7-1 C. com.). Ce nouveau dispositif ne concerne que les relations entre les grossistes et leurs fournisseurs. Le texte définit le grossiste comme « toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité ». Il assimile par ailleurs aux grossistes les centrales d’achat ou de référencement de grossistes, mais exclut expressément les entreprises ou les groupes de personnes physiques ou morales qui exploitent, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail ou interviennent dans le secteur de la distribution comme centrale d’achat ou de référencement pour des entreprises de commerce de détail.

Contrairement à la convention unique de droit commun, la convention grossiste n’aura pas besoin : de mentionner le barème de prix du fournisseur, avec ses CGV, ni les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation ; de prévoir une rémunération proportionnée à leur valeur des services rendus ; d’être communiquée trois mois avant le 1er mars ou deux mois avant la période de commercialisation de produits soumis à des cycles particuliers. Le grossiste sera également dispensé de l’obligation de répondre à toute demande du fournisseur sur l’exécution de la convention. Les parties ne devront pas nécessairement faire coïncider la date d’entrée en vigueur du prix convenu avec le 1er mars. Enfin, extérieure à la relation fournisseur/consommateur, la convention grossiste ne contiendra pas de dispositions relatives aux avantages promotionnels.

L’article L. 441-7-1 prévoit une disposition spécifique à la convention grossiste : celle-ci pourra, le cas échéant, fixer les types de situation et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont susceptibles d’être appliquées. Le texte permet au grossiste de convenir avec son fournisseur de l’application de conditions de rémunération (par exemple de conditions tarifaires) différentes de celles convenues au 1er mars, dans des situations ou types de situations définis dans la convention unique. Tout assouplissement du formalisme excessivement rigide de la convention unique est le bienvenu, en particulier pour les grossistes, qui subissent déjà un double formalisme en amont en aval et sont soumis à des contraintes permanentes de renégociation de prix avec leurs clients professionnels.

Clause de renégociation

La loi Hamon du 17 mars 2014 avait prévu l’obligation, sous peine d’amende administrative, de stipuler une clause de renégociation du prix permettant de prendre en considération les fluctuations « à la hausse comme à la baisse » du coût des matières premières agricoles et alimentaires dans les contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois (art. L. 441-8 C. com.). La loi Macron étend le champ d’application du texte aux produits fabriqués sous marque de distributeur.

Délais de paiement

La loi Macron aligne complètement le régime français des délais de paiement conventionnels sur la directive 2011-7 du 16 février 2011. Le délai de soixante jours à compter de la date d’émission de la facture devient le délai de principe, et celui de quarante-cinq jours fin de mois, l’exception. Ce dernier délai ne peut plus s’appliquer que si les parties l’ont expressément stipulé au contrat et s’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. Parallèlement, la loi renforce le régime dérogatoire institué par la loi du 22 mars 2012 en faveur des produits présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué. Ainsi, par exception aux délais conventionnels de droit commun, les parties pourront convenir, pour ces produits, « d’un délai de paiement qui ne peut dépasser le délai maximal applicable en 2013 en application d’un accord conclu sur le fondement du III de l’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives ». Ce délai devra être expressément stipulé par contrat et ne devra pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier. Un décret fixera la liste des secteurs concernés.

Amende civile

La loi LME avait renforcé le pouvoir de sanction du ministre de l’Économie en matière de pratiques restrictives en précisant que le plafond de l’amende civile de deux millions d’euro pourrait être porté à trois fois le montant des sommes indûment perçues. La loi Macron s’inscrit dans cette logique répressive en alourdissant considérablement le risque financier encouru par les entreprises. Rapprochant le régime de l’amende civile de celui de la sanction des pratiques anticoncurrentielles, elle ajoute un nouveau mode de détermination de l’amende qui pourra désormais atteindre 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en Å“uvre. Le texte précise cependant que le juge devra calculer l’amende « de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement ».

Clauses de parité

Stigmatisées par le Tribunal de commerce de Paris, sur le fondement du déséquilibre significatif qu’elles créent dans les droits et obligations des parties (V. CDC 05/2015), les clauses de parité tarifaire dans les rapports entre établissements hôteliers et plateformes de réservation en ligne font désormais l’objet d’une incrimination spécifique insérée dans le Code du tourisme. Leur stipulation est expressément prohibée et les contrats conclus avant la publication de la loi cessent de produire leurs effets dès son entrée en vigueur.

Prêts interentreprises

L’article 67 de la loi Macron prévoit de faciliter les prêts entre entreprises sans toutefois contourner le plafonnement des délais de paiement, ce qui peut s’avérer délicat à mettre en œuvre en pratique.