La question des « clauses de désignation » dans les accords de branche organisant la prévoyance collective des salariés est devenue, depuis 2013, un serpent de mer.

Les clauses de désignation ont pour objet d’obliger les entreprises d’une branche à adhérer à un organisme de prévoyance désigné par les partenaires sociaux. En 2013, le Conseil constitutionnel avait profité de l’examen de la loi de sécurisation de l’emploi (Décision du Conseil de la concurrence n° 2013-672 DC du 13 juin 2013), qui complétait les dispositions existantes relatives à l’inclusion de clauses de désignations dans les accords collectif, pour censurer ces dispositions, jugées contraires à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre.

Depuis, plusieurs tentatives ont été faites pour réintroduire ces dispositions, la dernière résultant d’un amendement introduit lors des débats sur le PLFSS pour 2017. Le PLFSS prévoyait que les partenaires sociaux pourraient, dans le cadre des accords collectifs, désigner au moins deux organismes assureurs pour la mutualisation des risques dits de « prévoyance lourde ». Les entreprises entrant dans le champ de l’accord avaient alors l’obligation de s’affilier à l’un des organismes désignés par les partenaires sociaux. Cette proposition réintroduisait donc le système des clauses de désignation, en supprimant toutefois la migration obligatoire des entreprises déjà assurée et en portant le nombre d’organismes désignés à deux minimum (codésignation).

Le Conseil constitutionnel vient de censurer cette nouvelle tentative par une décision du 22 décembre 2016. La censure est cependant motivée par le fait qu’il s’agissait d’un « cavalier social », étant étrangère à l’objet d’une loi de financement de la sécurité sociale.

Il faut relever qu’outre cet élément « procédural », ces clauses, déjà censurées par le Conseil constitutionnel pour les restrictions à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle qu’elles impliquent, entrainent d’importantes restrictions de concurrence. Ayant pour objet d’imposer la mutualisation des risques entre toutes les entreprises d’une même branche en forçant celles-ci à s’assurer auprès du même organisme, elles aboutissent à un cloisonnement du marché par branche et à un verrouillage au détriment des organismes non sélectionnés.

Au regard de l’ampleur et de la durée très longue (cinq ans) de ce verrouillage, la codésignation prévue par le projet de loi paraît être un remède insuffisant.

Ceci d’autant que, si les assureurs sont sélectionnés aux termes d’un appel d’offres organisé par les partenaires sociaux, ces derniers se trouvent en situation de conflit d’intérêts : ils administrent eux-mêmes les institutions de prévoyance qui sont au nombre des candidats.

Les règles ayant pour objet de prévenir ce conflit d’intérêt paraissent à cet égard insuffisantes. Si elles interdisent aux salariés ou dirigeants d’une institution de prévoyance de siéger à la commission paritaire de désignation, cette interdiction ne s’étend pas à l’ensemble des personnes affiliées à l’institution, lesquelles peuvent pourtant avoir tendance à choisir l’institut de prévoyance dont ils sont membres plutôt qu’une entreprise tierce.