L’autorité allemande de concurrence, le BKA, vient de rendre le 18 juillet 2016 une décision importante par laquelle elle a clôturé la procédure qu’elle avait engagée à l’endroit de Lego sur la base de plaintes de distributeurs[1]. La marque s’est engagée à modifier son système de réductions tarifaires actuel, permettant ainsi aux distributeurs utilisant la vente en ligne d’obtenir les mêmes réductions que celles accordées aux ventes en magasins physiques (« brick and mortar »).


[1] Pressemitteilung v. 18.07.2016, LEGO passt Rabattsystem an. Künftig fairere Bedingungen für den Online-Handel ; Press Release, 18.07.2016, LEGO changes its discount system – Fairer conditions for online sales.

Auparavant, Lego accordait des « points de réduction » visant à récompenser certains services fournis par ses revendeurs. Certains de ces points ne pouvaient être obtenus qu’en échange de services ne pouvant être rendus que dans des magasins physiques, excluant de facto les revendeurs en ligne. A titre d’exemple, Lego octroyait des « points de réduction » suivant la longueur de l’étagère de présentation des produits Lego. Le BKA a considéré qu’il s’agissait d’un « désavantage structurel » pour les revendeurs en ligne.

Si le communiqué de presse du BKA ne les nomme pas comme tels, ces réductions semblent être prohibées en ce qu’elles constituent selon le BKA des prix duals. En effet, le communiqué de presse renvoie aux affaires Dornbracht (Décembre 2011), Gardena (Novembre 2013) et Bosch Siemens Hausgeräte (Décembre 2013), qui ont pour point commun d’avoir condamné des systèmes de prix duals.

Le BKA semble ici franchir une étape supplémentaire dans son opposition aux prix ou rémunérations duals et ses positions pro-internet. Dans les autres affaires citées, la présence de prix duals était plus évidente que dans la présente affaire : par exemple, dans les affaires Gardena et Bosch Siemens Hausgeräte, la réduction accordée variait selon que la vente avait été réalisée en ligne ou hors ligne. Dans le système mis en place par Lego, certains des services offerts en vente physique qui étaient récompensés ne trouvaient tout simplement pas d’équivalent dans le cadre de la vente en ligne[2]. Encore une fois le BKA se montre hostile aux rémunérations duales. Il conviendra d’observer si d’autres ANC et/ou la Commission retiendront la même analyse à ce sujet.

La position de l’Autorité allemande de concurrence apparaît cependant très critiquable. Le droit de la concurrence se doit d’être neutre. Il n’a pas à favoriser une catégorie d’opérateurs au détriment d’une autre. Si un service est rendu uniquement par une catégorie de distributeurs, il est légitime que ce service favorisant les ventes du fournisseur puisse être rémunéré de façon proportionnée. Le fait d’interdire la rémunération de services de vente sous prétexte que certains distributeurs ne les rendent pas conduit à une ingérence dans le fonctionnement normal du jeu de la concurrence et relève davantage de l’économie administrée que du jeu du marché. Il est regrettable que la pratique de l’Autorité allemande, imposée de facto aux entreprises par le biais de procédures d’engagements, ne puisse pas faire l’objet d’un véritable débat judiciaire contradictoire sous le contrôle de juridictions. Il est en tout état de cause urgent que la question des rémunérations duales en fonction des services rendus par chaque type de distribution fasse l’objet d’une clarification, de préférence par la Cour de justice, afin d’unifier le droit de la concurrence et mettre fin aux incertitudes actuelles.


[2] HEINZ S., The German Federal Cartel Office terminates antitrust proceedings against a toy manufacturer (Lego), 18 July 2016, e-Competitions Bulletin August 2016-I, Art. N° 80701.