Par un arrêt rendu le 29 novembre 2023, la Cour d’appel de Paris a apporté des éclaircissements sur plusieurs pratiques restrictives de concurrence mises en œuvre lors des négociations commerciales.

En l’espèce, la société AMC, la centrale de référencement du groupe Casino, entretenait des relations commerciales avec la société FG Diffusion, active dans l’édition et l’impression de produits de carterie. Leur relation était régie par des contrats cadres, conclus chaque année, afin de définir les conditions commerciales pour la distribution des produits FG Diffusion dans les magasins de l’enseigne Casino. Cependant, à l’occasion de la négociation du dernier contrat cadre signé le 28 février 2018, un différend est apparu entre les parties, conduisant la société AMC à rompre leur relation commerciale d’abord partiellement, pour certains magasins Casino, puis totalement, pour l’ensemble des magasins.

La société FG Diffusion a assigné la société AMC devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la rupture partielle puis totale des relations commerciales établies, du déséquilibre significatif et de l’obtention d’avantages sans contrepartie, en indemnisation du préjudice subi. La Cour d’appel de Paris a fait droit à ses demandes et condamné la société AMC sur ces trois chefs.

I. Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

L’article L. 442-1, II du Code de commerce prohibe la rupture brutale de relations commerciales établies. Pour sanctionner cette pratique, le juge doit établir l’existence d’une relation commerciale entre les parties puis constater une rupture brutale.

La cour retient que le déréférencement des produits d’un fournisseur, par le blocage technique des commandes de ses produits par les membres du réseau de distribution, caractérise une rupture partielle de relations commerciales établies. Il en va de même de l’annonce du déréférencement de produits du fournisseur dans 24 des 64 magasins du distributeur.

Le texte ne sanctionne pas la rupture en soi, mais la brutalité de celle-ci, caractérisée par l’absence ou l’insuffisance de préavis. A ce titre, la cour considère que l’allongement du préavis à l’approche de son expiration ne doit pas être pris en considération s’il n’a pas permis au fournisseur de se projeter et d’organiser son redéploiement. Enfin, elle souligne qu’une baisse de 45 % du niveau des commandes au cours du préavis le rend également non effectif.

II. Sur le déséquilibre significatif

L’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce réprime quant à lui le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La cour estime que l’élément de soumission visé par ces dispositions est établi lorsque le distributeur notifie un déréférencement partiel puis total des produits du fournisseur pendant la période de négociation annuelle, en refusant toute entrée en négociation, arguant que l’accord-cadre signé l’année précédente est prorogé pendant toute la période du préavis octroyé.

Le déséquilibre significatif procède en l’occurrence de la soumission aux conditions de ristournes de la convention écrite de l’année précédente, négociées sur le fondement d’un plan d’affaires deux fois supérieur à celui prévu pour le nouvel exercice, et du bouleversement de l’économie de la relation commerciale pendant la durée de son application qui en résulte.

III. Sur l’avantage manifestement disproportionné

L’article L. 442-1, I, 1° du Code de commerce sanctionne le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie engage la responsabilité de son auteur.

En l’occurrence, de nombreux services de coopération commerciale ont été jugés fictifs, dès lors que la preuve de leur réalisation n’a pas été apportée. D’autres ne se distinguaient pas suffisamment, selon la cour, du simple référencement des produits et n’étaient donc pas détachables de l’opération d’achat-vente. Enfin, d’autres étaient déjà facturés sous d’autres dénominations. Le distributeur est par conséquent condamné à restituer les sommes indûment facturées au titre de ces services.