Une centrale d’achats spécialisée dans l’optique assigne un de ses concurrents : elle lui reproche de démarcher ses clients avec des offres tarifaires constitutives de revente à perte. Le tribunal estime cependant que le défendeur peut appliquer le coefficient grossiste défini à l’article L. 442-2, alinéa 3, du Code de commerce et licitement abaisser son seuil de revente à perte.

Le concurrent réplique que l’article L. 442-2, contraire à la directive, ne peut lui être opposé. De fait, le texte européen ne prohibe pas seulement les réglementations qui poursuivent exclusivement un objectif de protection des consommateurs et n’exige pas un rapport direct entre la pratique et le consommateur. En revanche, le coefficient grossiste est applicable : sa clientèle est composée de professionnels, auxquels ses conditions générales laissent une grande liberté commerciale. Même s’il n’en allait pas ainsi, son offre demeurerait valable, car il extrapole la remise de 20 % qu’il propose à partir de l’évolution réelle de son chiffre d’affaires sur l’année en cours et des objectifs négociés avec son fournisseur.
L’offre calculée non à partir d’un prix d’achat effectif mais d’une extrapolation, par un opérateur qui ne peut abaisser le seuil de revente à perte par application du coefficient grossiste, est déloyale.
La cour d’appel infirme néanmoins le jugement. Selon la cour, la directive rappelle à plusieurs reprises sa finalité de protection des consommateurs et envisage la pratique déloyale dans le cadre d’un rapport direct entre le professionnel et les consommateurs. La Cour de justice a d’ailleurs consacré cet objectif en soulignant qu’une législation nationale ne peut interdire une pratique commerciale non visée à l’annexe que si elle poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs. Tel n’est pas, selon la cour, le cas de l’article L. 442-2, qui s’insère dans une partie du Code de commerce relative aux pratiques restrictives de concurrence, qui concernent les rapports entre professionnels. Le juge relève que le législateur a édicté la prohibition de la revente à perte afin d’éviter la disparition des petits commerçants au profit de la grande distribution ainsi que les pressions exercées sur les fournisseurs pour qu’ils s’alignent sur les conditions pratiquées par l’opérateur vendant à perte. En outre, après la condamnation de la loi belge par la Cour de justice, le législateur n’a pas modifié par la loi consommation du 17 mars 2014 l’article L. 442-2, ce qui démontre qu’il souhaitait davantage assurer l’équilibre des relations commerciales que protéger les consommateurs. La cour en conclut que l’article L. 442-2 n’entre pas dans le champ d’application de la directive et est pleinement opposable au concurrent de la centrale.
La cour réfute également la qualité de grossiste, et par conséquent l’abaissement du seuil de revente à perte offert à ce dernier. En effet, les conditions générales du concurrent organisent un rapport d’affiliation avec ses revendeurs caractérisé par des droits et obligations réciproques allant bien au-delà des seules relations d’achat-vente. Hors coefficient grossiste, l’offre relève bien d’une revente à perte, car elle n’est pas calculée à partir d’un prix d’achat « effectif » mais d’un prix extrapolé.
Pour autant, la cour n’accorde qu’une indemnisation limitée à la centrale victime de l’offre de son concurrent. En effet, elle ne démontre ni la nécessité généralisée de renégocier ses conditions à l’égard de ses adhérents, ni le lien de causalité entre les manoeuvres du concurrent et la fuite de certains d’entre eux.
Cour d’appel de Douai, 31 mars 2016, LawLex20160000751JBJ

















