Contexte
Le 10 octobre 2024, les deux ex-députés Anne Laure Babault et Alexis Izard ont remis leur rapport sur la loi EGalim à Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire française, et Laurence Garnier, secrétaire d’État à la Consommation. Ce rapport, demandé par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, avait pour objectif d’évaluer l’opportunité d’une nouvelle réforme du dispositif, afin de rééquilibrer davantage les rapports de force entre agriculteurs, industriels et distributeurs.
Processus / objectifs
Les anciens députés ont entendu près de 70 professionnels représentants de l’agriculture, des filières, des industries agroalimentaires, de la grande distribution, de la restauration…
Rapidement, ils ont pointé la difficulté du sujet : « L’enjeu que représentent les coûts de production agricoles pour la préservation de la compétitivité de l’agriculture et de l’industrie alimentaire française souligne la complexité de l’équation à résoudre dans une optique d’amélioration de la rémunération des agriculteurs. ».
Néanmoins, l’objectif n’était pas de « renverser la table » et de remettre en question l’intégralité des lois EGalim, mais de renforcer les négociations à l’amont et simplifier celles à l’aval tout en poursuivant un rééquilibrage des rapports de force entre les acteurs.
Présentation du rapport
Aboutissement de trois mois de travaux et de 70 auditions, ce rapport a cherché à trouver un équilibre entre les diverses demandes des acteurs de la chaîne alimentaire. Il se donbne également pour objectif de concilier la nécessité d’une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre ces différents acteurs sans pour autant nuire à la compétitivité-prix de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire françaises. En effet, la compétitivité-prix est déjà fragilisée par des coûts de production plus élevés que ceux d’autres Etats membres de l’Union européenne ou non.
27 propositions ont été avancées afin de s’inscrire dans la continuité de « l’action de réforme entreprise depuis 2017 » par le président de la République. Cette action c’était déjà traduite par l’adoption des trois lois Egalim en 2018, 2021 et 2023. Dans la continuité de ces textes, les auteurs proposent de renforcer davantage les négociations commerciales à l’amont et de simplifier celles à l’aval afin de poursuivre le rééquilibragedes rapports de force entre les différents acteurs.
Les propositions :
Regroupées par thématiques, les propositions visent principalement à :
- Structurer et renforcer les organisations de producteurs (OP)
L’un des objectifs du rapport est de consolider les organisations de producteurs afin d’améliorer leur pouvoir de négociation. Il encourage les agriculteurs à adhérer à des OP, la proposition 1 conditionnant l’accès à certaines aides à cette appartenance. Également, la proposition 2 entend relever le seuil de constitution des OP afin de réduire leur nombre et de renforcer leur concentration. Par ailleurs, des mécanismes de contrôle et sanctions seront prévus pour les manœuvres visant à contourner ou affaiblir les OP lors des négociations (proposition 3).
- Renforcer la transparence dans les coopératives
Les coopératives, qui sont un outil central de la négociation collective, devront renforcer leur transparence. Notamment, les coopératives de grande taille se verront imposer d’informer régulièrement leurs membres des écarts entre la rémunération proposée et les coûts de production afin de garantir une meilleure redistribution des gains aux agriculteurs (proposition 4).
- Inclure plus de filière dans les dispositions EGalim
Dans le but de sécuriser les revenus des agriculteurs, la proposition 6 préconise d’étendre l’obligation de contractualiser à des filières qui en étaient jusque-là exemptées, telles que celle des fruits et légumes destinés à la transformation et la filière viti-vinicole. Dans le même sens, la proposition 7 souhaite mettre en place un dispositif d’accompagnement spécifique notamment pour la filière bovine, où des expérimentations locales seront menées pour promouvoir la contractualisation.
- Simplifier les outils d’évaluation des coûts de production des agriculteurs
Afin de permettre aux producteurs de calculer plus facilement leurs coûts de production et de les comparer à ceux de la filière ou à l’indicateur de référence, un outil gratuit sera développé et mis à leur disposition conformément à la proposition 8.
- Offrir un cadre juridique plus cohérent et lisible
La proposition 9 a vocation à simplifier le rapport juridique afin de rendre les contrats plus clairs et plus adaptés aux réalités des filières. Les producteurs devront proposer des contrats simplifiés, et les acheteurs seront tenus d’accepter ou de proposer une alternative en cas de refus.
- Simplifiier les règles de négociation
Afin de responsabiliser les acheteurs et simplifier la négociation, la proposition 10 prévoit d’obliger les acheteurs à proposer un contrat en cas de refus délibéré de transmission par le producteur des éléments essentiels de la proposition de contrat. Également, en vertu de la proposition 11, la durée des contrats devra être adaptée selon les spécificités des filières pour correspondre aux cycles de production. Enfin, une date butoir amont pour la signature des contrats sera instaurée pour garantir que les accords soient conclus avant la mise en marché des produits (proposition 13).
- Mieux réguler la formation du prix sur l’amont en renforçantles indicateurs de coûts de production
Les indicateurs de coûts de production jouent un rôle central dans la fixation des prix. Pour cela, des indicateurs actualisés qui prendront en compte la productivité des filières devront être élaborés et utilisés dans les formules de prix (Propositions 14 et 15). De plus, s’agissant de ces formules, la proposition 16 prévoit que la pondération des coûts de production devra être supérieure à 50 % afin de garantir une juste rétribution des agriculteurs.
- Assurer la transparence sur l’origine des matières premières agricoles dans la négociation
Afin de renforcer la confiance sur l’origine des matières premières agricoles, la proposition 17 entend imposer aux fournisseurs d’informer les distributeurs sur l’origine française ou non des matières premières agricoles. Si l’origine française est revendiquée, elle devra être justifiée. Ce point apparaît essentiel afin de promouvoir les produits français et renforcer par la même occasion la confiance des consommateurs.
- Lutter contre les abus commerciaux en clarifiant la notion de prix abusivement bas
Pour éviter les abus dans les négociations tarifaires, les distributeurs devront justifier toute demande de baisse de prix de manière quantitative. En parallèle, conformément à la proposition 19, des lignes directrices seront élaborées par la DGCCRF afin de préciser les situations de prix abusivement bas, facilitant ainsi leur identification et sanction.
- Mieux assurer le séquencement des négociations d’aval et d’amont
Les auteurs se sont interrogés sur l’opportunité d’assouplir le cadre contractuel. A cet effet, la proposition 13 bis prévoit l’instauration d’une date butoir mobile au plus tard 3 mois après la transmission par le fournisseur de ses CGV. Le fournisseur resterait libre de choisir la date d’envoi de ses CGV, sous réserve d’avoir préalablement conclu ses contrats d’approvisionnement en matières premières agricoles.
- Simplifier les conditions de la négociation commerciale
Dans un souci de simplification et de fluidification des négociations commerciales, le rapport avance trois propositions.
La proposition 20 vise tout d’abord à fusionner les options actuelles en proposant aux fournisseurs de présenter des informations agrégées sur l’origine et la part des trois principales matières premières agricoles entrant dans la composition de leurs produits. La proposition 21 préconise la suppression des dispositions du Code de commerce et du Code rural concernant la révision automatique des prix. Enfin, la proposition 22 recommande de rendre les clauses de renégociation des prix facultatives à moins qu’elles ne soient inscrites dans les conditions générales de vente. Dans ce cas, elles seront obligatoires, mais leur contenu restera soumis à la libre négociation des parties.
- Pérenniser l’encadrement des promotions
Avec la proposition 23, l’encadrement des promotions sera pérennisé. Il s’agira notamment de limiter les rabais excessifs sur les produits alimentaires afin de protéger les marges des producteurs. De plus, la proposition 24 entend interdire la publicité comparative sur les prix des produits alimentaires pour épargner une guerre des prix à l’ensemble de la filière.
- Harmoniser les pratiques au niveau européen
Le rapport plaide également pour des règles européennes harmonisées afin de mieux encadrer les relations commerciales dans l’Union européenne. La proposition 25 envisage ainsi des actions contre les abus des centrales d’achat à l’échelle européenne.
- Renforcer les moyens de contrôle et de sanctions
Enfin, pour garantir l’application de ces mesures, la proposition 27 prévoit de renforcer les moyens d’action de la DGCCRF en termes de contrôles et de sanctions.