Par décret du 28 décembre 2023[1], Bercy renforce son contrôle relatif aux investissements étrangers (IEF) en France à compter du 1er janvier.  En outre, la mesure de contrôle des franchissements de seuil de 10 % dans les sociétés cotées est définitivement pérennisée et le champ du contrôle est étendu.

Souhait de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France depuis la loi PACTE[2] se poursuit.

En effet, afin de continuer à protéger les entreprises et les technologies clefs françaises, le cadre du contrôle IEF fait l’objet de nouvelles adaptations qui entrent en vigueur au 1er janvier 2024.

En substance, la mesure de contrôle des franchissements de seuil de 10% dans les sociétés cotées est pérennisée (1), le champ du contrôle est étendu (2) et de nouveaux secteurs sont couverts (3).

Pour rappel, sont concernés par ces mesures, les investisseurs étrangers, les sociétés faisant l’objet d’un investissement étranger et les entités de droit étranger possédant une succursale en France.

  1. Pérennisation du franchissement du seuil de 10% des droits de vote par un investisseur extra-européen dans une société cotée.

En juillet 2020, dès le début de la crise sanitaire, l’Etat a adopté une mesure temporaire visant à abaisser de 25% à 10% des droits de vote le seuil déclenchant le contrôle lorsque des investissements sont réalisés par des investisseurs hors Union européenne et EEE au sein des sociétés cotées.

Au regard du contexte économique en lien avec la crise énergétique, cette mesure a été prorogée par le ministre de l’Économie jusqu’au 31 décembre 2023[3].
Conformément aux annonces faites par Bruno Le Maire lors de ses vœux aux acteurs économiques le 5 janvier 2023, cette mesure est désormais consacrée et pérennisée.

Ainsi, le contrôle est systématique dès lors qu’un investisseur tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen « seul ou de concert » franchit le seuil des 10% de détention de droits de vote pour une société cotée sur un marché réglementé.

Toutefois, l’investisseur bénéficie d’une procédure accélérée dans deux hypothèses :

1.     L’investisseur étranger est exempté de l’obligation de demande d’autorisation dès lors que le projet d’investissement a fait l’objet d’une pré-notification préalable.
·       Cette pré-notification doit être adressée à la direction générale du Trésor par voie électronique (iefautorisations@dgtresor.gouv.fr).
·       Sauf opposition du ministre, l’investissement peut être réalisé sans autorisation préalable à l’issue d’un délai de dix jours ouvrés à compter de la notification[4].

2.     L’investisseur est dispensé de la demande d’autorisation lorsque l’investisseur en dernier ressort dans la chaine de contrôle avait, antérieurement à l’investissement, déjà acquis le contrôle, au sens de l’article L.233-3 du Code de commerce, de l’entité objet de l’investissement[5].

[1] Décret n°2023-1293 du 28 décembre 2023 relatif aux investissements étrangers en France, ECOT2323089D
[2] Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
[3] Décret n° 2022-1622 du 23 décembre 2022 relatif à l’abaissement temporaire du seuil de contrôle des investissements étrangers dans les sociétés françaises dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé
[4] Article 3, décret n°2023-1293 du 28 décembre 2023 relatif aux investissements étrangers en France, ECOT2323089D
[5] Article 4, décret n°2023-1293 du 28 décembre 2023 relatif aux investissements étrangers en France, ECOT2323089D

  1. Etendue du champ de contrôle

Afin d’éviter toutes stratégies de contournement de la réglementation, le contrôle des IEF qui s’appliquait aux entités de droit français est désormais étendu à la prise de contrôle des succursales immatriculées en France des entités de droit étranger.

  1. Les nouveaux secteurs couverts

Enfin, toujours dans cette poursuite d’un contrôle accentué des IEF, de nouveaux secteurs sont désormais couverts par la réglementation. A savoir :

  • Les activités d’extraction, de transformation et de recyclage de matières premières critiques ;
  • Les activités de recherche et de développement dans la photonique et dans les technologies de production d’énergie bas carbone dès lors qu’elles sont destinées à être mises en œuvre dans l’un des secteurs de la réglementation ;
  • Les activités essentielles à la sécurité des établissements pénitentiaires.

L’article R.151-3 du Code monétaire et financier identifie l’ensemble des secteurs d’activité dans lesquels les IEF sont soumis à autorisation préalable.

La direction générale du Trésor est particulièrement active dans l’application de la réglementation du contrôle des investissements étrangers. A ce titre, son rapport annuel pour l’année 2022[6] précise que 325 dossiers relatifs à des IEF ont été instruits et 131 seulement ont été autorisés au titre du contrôle des IEF.

En cas de non-respect de la réglementation en vigueur, le ministère de l’Economie dispose d’un arsenal de sanctions allant des mesures conservatoires à une amende dont le montant peut s’élever jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel hors taxes de la cible, le double du montant de l’investissement irrégulier ou encore cinq millions d’euros pour les personnes morales et un million d’euros pour les personnes physiques[7].

[6] Direction générale du Trésor, Contrôle des Investissements Etrangers en France, Rapport annuel 2023. Accessible ici : 68cd8466-0b98-44d2-9182-777b8768cee0 (economie.gouv.fr).
[7] Articles R..151-12 et suivants du Code monétaire et financier.