Quelles obligations et précautions à prendre en matière de logistique d’ici la fin de l’année 2023 et le début de l’année 2024 ?

La loi n° 2023-221 du 30 mars 2023, loi dite « Descrozaille », a été l’occasion de compléter le dispositif relatif aux pénalités logistiques qui font l’objet de nombreux débats et d’un certain nombre de dérives de la grande distribution.

Depuis la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021, loi dite « EGalim 2 », l’article L. 441-17 du Code de commerce prévoyait que des pénalités peuvent être infligées par le distributeur au fournisseur en cas d’inexécution d’engagements contractuels, tout en prévoyant une marge d’erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues par le contrat.

Au mois de mars 2023, la loi « Descrozaille » est venue apporter un certain nombre de précisions et a aussi rectifié le champ d’application en excluant les grossistes. Elle a également prévu l’obligation de conclure une convention logistique distincte de la convention écrite.

Eu égard aux nombreuses interrogations et inquiétudes des opérationnels, la DGCCRF a mis à jour, le 3 novembre dernier, ses Lignes directrices en matière de pénalités logistiques. Ces lignes directrices prennent la forme d’une foire aux questions et sont disponibles sur son site Internet.

Il en résulte qu’à la fin de l’année 2023 et notamment dans le cadre des négociations annuelles, toutes les entreprises, à l’exception des grossistes tels que définis à l’article L. 441-1-2, I du Code de commerce, devront :

 

Veiller à conclure, conformément aux dispositions de l’article L. 441-3, I bis du Code de commerce, une convention écrite propre aux pénalités logistiques distincte de celle mentionnée à l’article L. 441-3, I du Code de commerce :

La loi « Descrozaille » a inséré un point I bis au sein de l’article L. 441-3 du Code de commerce relatif à la convention écrite de droit commun.

Il résulte de cette disposition que « Les obligations réciproques en matière de logistique auxquelles s’engagent le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de service, notamment le montant des pénalités mentionnées à l’article L. 441-17 et les modalités de détermination de ce montant » doivent faire l’objet d’une convention distincte de la convention écrite de l’article L. 441-3 du Code de commerce.

Aucune précision sur le contenu de la convention logistique et son champ d’application n’a été donnée, même pas la définition du terme « logistique ».

Il semblerait toutefois que cette convention logistique ne doit pas être limitée aux seules pénalités logistiques puisque l’article L. 441-3, I bis du Code de commerce visent aussi les obligations réciproques et contient le terme « notamment ». Il faut toutefois être vigilant sur les éléments à faire figurer dans la convention logistique afin d’éviter d’y intégrer des éléments et obligations qui devraient in fine apparaître dans la convention écrite, et inversement.

Le non-respect de ces dispositions est soumis aux sanctions de l’article L. 441-6 du Code de commerce, à savoir une amende administrative dont le montant ne pourra excéder 75.000 euros pour une personne physique et 375.000 euros pour une personne morale.

Conseil pratique : pour se conformer au texte et éviter de faire figurer dans la convention logistique des éléments devant figurer dans la convention écrite, il pourrait être envisagé de faire un copier-coller des dispositions de la convention écrite au sein d’une convention logistique distincte et/ou de prévoir un renvoi entre les deux conventions.

Dans le cas où aucune pénalité logistique ne serait prévue, il pourrait être envisagé de conclure une convention logistique très simple et générale au sein de laquelle un renvoi aux conditions générales de vente prévoyant les obligations du fournisseur et du distributeur en matière de logistique serait intégré.

 

Veiller à intégrer, au sein de la convention logistique, une marge d’erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues au contrat (article L. 441-17, I, alinéa 1er du Code de commerce) :

Tel que le prévoit l’article L. 441-17, I, alinéa 1er du Code de commerce, doit désormais être prévue au sein de la convention logistique « une marge d’erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues par le contrat ».

L’introduction d’une telle marge d’erreur a tout simplement pour conséquence de faire cesser la pratique habituelle de la plupart des accords qui visaient quasiment systématiquement des taux de service à 100%.

La DGCCRF a en outre précisé dans ses Lignes directrices que cette marge d’erreur doit être déterminée par les parties au contrat et au cas par cas. Elle doit ainsi prendre en considération un certain nombre d’éléments, et en particulier les caractéristiques des produits concernés, les modalités d’approvisionnement, les caractéristiques de l’entreprise qui fournit le distributeur, les volumes de livraison prévus au contrat et ceux effectivement livrés, et s’apprécier à la lumière d’éventuels retards dans le cadre des déchargements de livraison.

Une chose est sûre, l’Administration considérera comme abusifs « les taux de service proches de 100% »[1] et en appréciera les contours au cas d’espèce.

Pour autant, la non-atteinte du taux de service ne dispensera pas le distributeur de prouver, pour chacun des manquements constatés, sa réalité, son imputabilité au fournisseur et le préjudice en résultant.

Dans le cas où la convention logistique ne prévoirait pas de marge d’erreur suffisante tel que l’impose le texte, une action pourrait être intentée sur le fondement de l’article L. 442-1, I, 3° du Code de commerce. Une nouvelle pratique restrictive de concurrence propre aux pénalités logistiques a en effet été intégrée avec la loi « EGalim 2 ».

Désormais, engage la responsabilité de son auteur le fait d’imposer des pénalités logistiques non-conformes aux dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce.

Notons par ailleurs que dans la mesure où seules les dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce sont visées par l’article L. 442-1, I, 3° du Code de commerce, seul le distributeur pourrait se voir infliger les sanctions des pratiques restrictives de concurrence prévues à l’article L. 442-4 du Code de commerce.

Conseil pratique : proscrire les taux de service égaux à 100% ou proches de 100% (par exemple, 99,9%), et tenter, dans la mesure du possible, de déterminer et de tomber d’accord sur un taux de service cohérent et raisonnable en prenant en considération les différentes caractéristiques rappelées, ci-avant.

 

Veiller à préciser, au sein de la convention logistique, que le montant des pénalités logistiques ne pourra excéder 2% de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie des produits au sein de laquelle l’inexécution d’engagements contractuels a été constatée (article L. 441-17, I, alinéa 2 du Code de commerce) :

Un plafond de 2% a été intégré à l’article L. 441-17 du Code de commerce.

Il en résulte que le montant des pénalités pouvant être infligées par le distributeur à l’égard du fournisseur ne peut être supérieur à 2% « de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l’inexécution d’engagements contractuels a été constatée » (article L. 441-17, I, alinéa 1er du Code de commerce).

Au vu des précisions apportées par la DGCCRF dans ses Lignes directrices, il semblerait que le terme « catégorie » fait référence à un type de produits. Elle prend notamment l’exemple des produits laitiers pour indiquer que le beurre et les yaourts font partis de deux catégories distinctes[2].

Ce plafond de 2% doit en outre être calculé « à la commande »[3] notamment pour être proportionné au préjudice subi.

De même que pour le taux de service, le fait de ne pas respecter ce plafond de 2% au sein de la convention logistique pourra être sanctionné en tant que pratique restrictive de concurrence sur le fondement de l’article L. 442-1, I, 3° du Code de commerce. Les sanctions de l’article L. 442-4 du Code de commerce, à savoir la cessation des pratiques, la réparation du préjudice, la nullité des clauses, la répétition de l’indu et le prononcé d’une amende civile, pourront ainsi être prononcées à l’encontre du distributeur.

Conseil pratique : veiller à respecter scrupuleusement les règles relatives à la détermination des pénalités, et ainsi :

– prévoir au sein de la convention logistique un plafond de 2% ;

– préciser que ce plafond s’apprécie uniquement commande par commande, et non au regard de l’ensemble des produits d’une même catégorie commandés au cours de l’année ;

– considérer que chaque type de produits correspond à une catégorie et que les différents produits pouvant être regroupés dans une seule et même grande catégorie de produits doivent être dissociés.

 

Veiller à respecter les nouvelles obligations déclaratives résultant de l’article L. 441-19 du Code de commerce :

L’article L. 441-19 du Code de commerce met à la charge du distributeur, mais également du fournisseur, des obligations déclaratives pour l’application des articles L. 441-17 et L. 441-18 du Code de commerce.

En particulier, le distributeur doit avant le 31 décembre 2023 communiquer à la DGCCRF en détaillant pour chacun des mois (article L. 441-19, alinéas 2 et 3) :

  • les montants des pénalités logistiques qu’il a infligées à ses fournisseurs en 2021, 2022 et 2023, étant précisé que les pénalités logistiques infligées correspondent aux « factures des pénalités émises mais non encore recouvrées»[4] ; et
  • les montants effectivement perçus, autrement dit « les pénalités recouvrées par le distributeur»[5].

De la même manière, le fournisseur doit avant le 31 décembre 2023 communiquer à la DGCCRF (article L. 441-19, alinéa 4) :

  • les montants des pénalités logistiques qui lui ont été infligées par ses distributeurs au cours des 12 derniers mois, étant précisé que les pénalités logistiques infligées correspondent « aux factures de pénalités reçues, mais non encore réglées»[6] ;
  • les montants qu’il a effectivement versés, autrement dit « les pénalités réglées par le fournisseur »[7].

Ces éléments doivent être communiqués sur la messagerie du bureau 3C « Commerce et relations commerciales de la DGCCRF » à l’adresse suivante : remontees-penaliteslogistiques@dgccrf.finances.gouv.fr.

À cet égard, il est important de préciser qu’un délai de forclusion a été intégré à l’article L. 441-17, I, alinéa 3 du Code de commerce lequel dispose qu’ « Aucune pénalité logistique ne peut être infligée pour l’inexécution d’engagements contractuels survenue plus d’un an auparavant ». La DGCCRF a par ailleurs précisé dans ses Lignes directrices que la date à prendre en considération est « celle de la facture relative à la pénalité, et non pas celle de la date de l’envoi de l’avis préalable de pénalité »[8]. Il en résulte que ce n’est que lorsqu’elle est facturée que la pénalité est considérée comme infligée et qu’aucune facture de pénalités ne pourra être adressée pour des incidents logistiques datant de plus d’un an avant son envoi. En revanche, il sera tout à fait possible d’envoyer en fin d’année des avis de pénalités préalables pour des incidents logistiques survenus au cours de l’année précédente.

Le non-respect de ces obligations est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75.000 euros pour une personne physique et 500.000 euros pour une personne morale. En cas de réitération du manquement dans le délai de 2 ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive, le montant de l’amende sera porté au double, soit 150.000 euros pour une personne physique et 1.000.000 euros pour une personne morale.

Conseil pratique : le plus opportun pourrait être de communiquer ces informations sous la forme d’un tableau. Ce tableau pourrait, s’agissant des distributeurs, comporter des colonnes pour les années et des sous-colonnes pour les mois, et deux lignes, l’une pour les pénalités logistiques infligées (tous fournisseurs confondus), et l’autre pour les pénalités logistiques effectivement perçus (tous fournisseurs confondus).

S’agissant des fournisseurs, ce tableau pourrait comporter, de la même manière, des colonnes pour les années et des sous-colonnes pour les mois, et deux lignes, l’une pour les pénalités logistiques qui leur ont été infligées (tous distributeurs confondus), et l’autre pour les pénalités logistiques effectivement versées (tous distributeurs confondus).

[1] Lignes directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023, page 6.

[2] Lignes directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023, pages 6 et 7.

[3] Lignes directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023, page 7.

[4] Lignes directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023, page 12.

[5] Lignes directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023, page 12.

[6] Lignes directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023, page 12.

[7] Lignes directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023, page 12.

[8] Lignes directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023, page 7.

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