#LeConseilDuMois – Les précautions à prendre pour mettre fin à une relation commerciale

Il n’y a pas de relation perpétuelle. La fin d’une relation commerciale est inhérente à la relation elle-même et fait partie de la vie courante des affaires. Une partie peut souhaiter vouloir arrêter de travailler avec une autre pour des raisons aussi multiples que variées : absence de besoins, chute de sa propre activité, naissance de nouveaux besoins, absence de compétitivité ou de satisfaction du partenaire, réorganisation ou réorientation de ses activités, sans omettre tous les cas de fautes ou d’inexécutions contractuelles qui peuvent intervenir au cours d’une relation. Ces hypothèses de fin de relations doivent cependant être anticipées longtemps à l’avance, mûrement réfléchies et organisées du point de vue juridique de façon à éviter de mettre son entreprise à risque. Le présent conseil a pour objet de synthétiser les principaux réflexes à adopter.

1. Anticiper et préparer la décision. Agir dans la précipitation constitue le premier risque. Il faut prendre le temps d’analyser la situation juridique en prenant connaissance de tous les documents et faits pouvant faire naître des obligations.

2. Associer les juristes à la décision. En aucun cas un opérationnel ou un commercial ne peut mettre en œuvre seul une décision de résiliation. Une erreur commune est de s’en tenir au contrat en croyant qu’une décision conforme à celui-ci sera nécessairement valable. Or, nombre de clauses contractuelles apparemment sensées et largement répandues sont contraires au droit. Tel est le cas des clauses qui autorisent une résiliation pour cause de procédure collective, fréquentes dans les contrats issus de templates européens simplement traduits en non vérifiés en vue de leur application en France (V. not. Cass. com., 29 mai 1990, LawLex200200005786JBJ), ou encore de celles qui prévoient un préavis de six mois par exemple, qui peut ne plus correspondre au préavis à respecter compte tenu de la longue durée des relations (V. not. Paris, 13 juin 2018, LawLex201800000925JBJ). De même, une résiliation apparemment conforme au droit et accordant un préavis suffisant peut être constitutive d’un abus de droit si elle intervient peu de temps après qu’un partenaire ait exigé d’importants investissements spécifiques non reconvertibles ayant donné de faux espoirs de poursuite des relations (V. not. Paris, 25 janv. 2012, LawLex201200000183JBJ).

3. Penser à respecter à la fois le formalisme du droit civil et la rigueur du droit commercial quant au fond. Le droit français est à la fois très formaliste et très rigoureux au fond en matière de résiliation. Il est vrai que le Code civil (art. 1224) admet la résiliation d’un contrat soit par application d’une clause résolutoire, soit en cas d’inexécution suffisamment grave par notification du créancier au débiteur, soit par une décision de justice. Mais le formalisme est strict : la résiliation par mise en jeu d’une clause résolutoire est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution (Rennes, 28 sept. 2021, LawLex202100005454JBJ ; Paris, 16 mai 2018, LawLex201800000743JBJ) et la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire (Rennes, 3 juin 2008, LawLex201300000786JBJ). De même, en cas de résiliation par notification, sauf urgence, le créancier doit mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure doit elle-même mentionner expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat (Orléans, 16 avr. 2015, LawLex201500000542JBJ) et si l’inexécution persiste, le créancier doit notifier au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. En outre, même si le formalisme du Code civil est parfaitement respecté, en cas de mise en jeu de la responsabilité délictuelle pour rupture abusive de relations commerciales établies, il faudra justifier par exemple que non seulement les conditions de la clause résolutoire sont remplies mais aussi qu’elles caractérisent une faute suffisamment grave pour autoriser une rupture sans préavis (V. not. Cass. com., 5 avr. 2018, LawLex201800000568JBJ).

4. Tenir compte des arcanes de la rupture de relations commerciales établies. Le droit de la rupture de relations commerciales établies a abouti à des règles d’une grande complexité, que ce soit en termes de compétence, de délai de préavis, de fautes pouvant justifier une absence de préavis ou d’indemnisation en cas de préavis insuffisant. Il convient d’anticiper un éventuel contentieux en en tenant compte.

5. Gérer et anticiper également la situation post-résiliation. Il arrive que lorsque le contrat est résilié et qu’un préavis a été accordé, une partie considère que l’autre n’est plus vraiment un partenaire. Cependant, le préavis doit, sauf exception, être exécuté comme l’était le contrat (V. not., pour le non-respect d’une clause d’approvisionnement exclusif au cours du préavis, Paris, 13 oct. 2021, LawLex202100005613JBJ).

6. Adapter la décision aux droits spéciaux et aux particularités des relations internationales. Un certain nombre de contrats prévoient des règles spéciales en termes de préavis et/ou d’indemnités. Une attention particulière s’impose notamment en cas de résiliation d’un contrat d’agent, celui-ci bénéficiant en droit français d’un statut ultra-protecteur. De même, la résiliation d’une relation internationale comporte des facteurs de complexité additionnels qu’il faut prendre en considération.

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