#LeConseilDuMois – Les bonnes et les mauvaises nouvelles résultant de l’adoption des Lignes directrices de la DGCCRF du 2 décembre 2021 sur les sanctions des délais de paiement

La DGCCRF a publié sur son site internet le 2 décembre 2021 des « Lignes directrices relatives à la détermination des sanctions pour dépassement des délais de paiement interprofessionnels ». Ce document était attendu depuis longtemps par les entreprises et les praticiens. En effet, l’expérience montre que les procédures de contrôle étaient très variables selon les administrations locales, à la fois s’agissant des méthodes de contrôle et des critères de sanction. Une clarification était donc souhaitable, et les Lignes directrices répondent en partie à ce besoin. Bien qu’elles présentent d’indéniables points positifs, elles ne remédient cependant pas aux principaux défauts de notre droit des délais de paiement et les aggravent même par certaines de leurs dispositions.

I. Les points positifs

1. Une présentation pédagogique de la procédure de contrôle. Même si le déroulement des enquêtes était connu des praticiens ayant à traiter des dossiers de retards de paiement, les lignes directrices fournissent une présentation claire et pédagogique de la procédure de contrôle allant de la communication des documents exigés de l’entreprise contrôlée aux différentes mesures à la disposition de l’Administration (avertissement, injonction ou amende). Elles décrivent avec précision les phases d’envoi de la lettre d’intention de sanction, d’ouverture de la phase contradictoire, d’envoi de la lettre de sanction administrative et les différents recours ouverts aux entreprises (gracieux, hiérarchique ou contentieux).

2. Une harmonisation de la détermination du montant de l’amende. Même si le critère de détermination du montant de l’amende retenu à titre principal par les lignes directrices apparaît critiquable, il est enfin harmonisé au niveau national.

3. Le plafonnement global de l’ensemble des amendes à 2 millions d’euro (4 millions en cas de réitération). Les débats parlementaires de la loi Sapin II avaient fait craindre le pire en termes de sanctions. La DGCCRF avait annoncé dans un premier temps que le montant de l’amende de 2 millions d’euro constituait un plafond par type de délai, par exemple 2 millions pour les délais LME et 2 millions pour les délais transport (Fiche pratique Délais de paiement, DGCCRF, sept. 2021, 2). Les lignes directrices indiquent de façon très positive qu’« afin de ne pas pénaliser une entreprise soumise à plusieurs délais légaux de paiement de ses factures, le plafond est en principe appliqué non à chaque amende par type de délais – le cas échéant – mais au montant total de la sanction, c’est-à-dire à la somme de ces amendes ». Le montant total de l’amende est ainsi plafonné à 2 millions d’euro (4 millions en cas de réitération).

4. La confirmation de la prise en considération de la situation financière. Codifiant notamment la pratique décisionnelle de certaines juridictions administratives (CAA Marseille, 11 oct. 2021, LawLex202200000433JBJ), les lignes directrices admettent la possibilité d’une réduction d’amende en cas de difficultés financières.

II. Les points négatifs

5. L’absence de critères d’application des sanctions douces par rapport aux sanctions lourdes. Une grande marge de manœuvre est laissée aux DREETS « en fonction de l’ampleur et des circonstances des manquements, de mettre en œuvre des suites » très différentes. Or, entre le simple avertissement ou l’injonction et l’amende administrative avec publication obligatoire au nom du Name & Shame, il y a une différence considérable. Il est anormal que le choix des suites ne soit pas objectif et prévisible. En pratique, une entreprise ayant à peine un taux de 1 % de factures en retard (en nombre et en volume) a pu être soumise à une amende et clouée au pilori des mauvais payeurs alors qu’un tel traitement est parfaitement injuste et infondé. Il conviendrait de prévoir qu’en-dessous de 90 % de factures payées en retard, des mesures de rappel au règlement ou d’injonction d’amélioration des systèmes de paiement doivent être mises en œuvre à l’exclusion de toute amende.

6. Le choix critiquable du critère principal de la rétention de trésorerie. Le critère principal de détermination de l’amende est désormais le montant de la rétention de trésorerie générée par les retards de paiement, correspondant aux gains en besoin de fonds de rendement (BFR) équivalant au montant des factures payées en retard multiplié par la durée moyenne pondérée des retards de paiement rapportée au nombre de jours de la période contrôlée. Le résultat de ce calcul est ensuite ajusté en tenant notamment compte de la taille de l’entreprise, de l’importance de son chiffre d’affaires et de l’importance relative du retard par rapport au délai maximum prévu par la réglementation. Ce type de critère ne tient pas compte de la gravité du comportement qui est reflétée par le taux de factures en retard, en nombre et en volume. Il conduit à sanctionner automatiquement par une amende et une publication une entreprise dont le taux de factures payées en retard peut être infinitésimal. Enfin, la valeur absolue d’une rétention de trésorerie constitue un critère qui ignore le poids relatif de l’infraction compte tenu de l’importance des achats de l’entreprise alors que celui-ci devait être déterminant.

7. L’absence de remède aux défauts de notre droit des retards de paiement. Notre droit actuel des retards de paiement n’est pas satisfaisant. Il sanctionne par des peines élevées et infamantes (publication sur le site de la DGCCRF et le cas échéant sur le site de l’entreprise) des entreprises dont le taux de paiement en retard est marginal en proportion, conduit à d’importants effets pervers (demandes de réédition de factures avec une nouvelle date), ignore au nom du principe très artificiel de la coresponsabilité des factures le fait que de très nombreux retards sont liés à un retard dans l’envoi des factures des fournisseurs et impose en matière de transport un délai réduit à 30 jours inconnu des autres pays européens et quasiment impossible à respecter en pratique du fait du retard chronique de l’envoi des factures par de nombreux transporteurs. Ce système de sanctions qui conduit à des peines automatiques d’opérateurs pourtant diligents n’est pas efficient et devrait en conséquence être revu au plus vite.

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