Comme annoncé lors du lancement de sa roadmap, en novembre 2018, la Commission souhaite déterminer s’il s’avère plus approprié de laisser expirer le règlement actuel, de prolonger sa durée, ou de le réviser. Il a donc fallu vérifier si les objectifs du règlement ont été atteints, s’ils sont toujours appropriés et si, compte tenu des coûts et des avantages liés à son application, le règlement a été efficace dans la réalisation de son objectif fondamental.

Il résulte du bilan final de 917 pages publié le 25 mai dernier que le cadre actuel demeure pertinent, mais mérite d’être modernisé et clarifié sur plusieurs points. Pour autant, le rapport ne dégage aucune piste permettant aux entreprises d’anticiper avec certitude les options qui seront retenues, car sur plusieurs questions, la Commission dresse un bilan pour le moins ambivalent sur le caractère pro- ou anti-concurrentiel des restrictions étudiées.

L’étude, qui s’appuie sur l’analyse de 391 cas individuels signalés par les autorités nationales de concurrence et juridiction nationales, des entretiens menés avec 623 entreprises et associations industrielles et les résultats d’une analyse économétrique, a cherché à identifier et analyser les dispositions rendues obsolètes par les derniers développements du marché ou qui pourraient donner lieu à d’éventuelles incohérences. Elle s’est principalement concentrée sur la distribution sélective, la distribution exclusive, les restrictions sur les prix de revente, les clauses du client le plus favorisé (MFNs) et les effets cumulatifs des restrictions verticales.

Les modèles de distribution ont profondément évolué au cours des dix dernières années

L’expansion rapide du commerce en ligne a nécessité une adaptation des modèles de distribution existants : les entreprises ont été confrontées à une concurrence accrue, qui a elle-même modifié le comportement des consommateurs. De nouveaux modèles commerciaux, y compris de nouvelles formes de distribution, telles que les plateformes de réservation en ligne, sont apparus et ont eu un impact substantiel dans certains secteurs, tels que l’hôtellerie.

Ces évolutions ont conduit les entreprises à s’adapter à leur nouvel environnement commercial, et nécessité une surveillance accrue des accords limitant les ventes croisées comme la distribution sélective ou exclusive ou des restrictions à la vente en ligne, qui ont continué de se développer au cours de la période. Le recours aux clauses de parité, qui n’étaient pas couvertes par les lignes directrices, s’est également accéléré. Ces différents facteurs expliquent que le règlement et ses lignes directrices demeurent pertinents, mais insuffisants, car ils ne couvrent pas les plateformes en ligne.

Les restrictions verticales les plus couramment pointées concernent les restrictions de prix, comme les prix minimum imposés, l’interdiction de la vente en ligne ou sur des marketplaces dans la distribution sélective, les prix duals, l’exigence de magasins physiques, les restrictions territoriales et d’exportation ou l’interdiction des ventes croisées dans la distribution exclusive, les clauses de parité et le monomarquisme.

Clauses de parité (MFNs)

Deux catégories de clauses de parité ont été identifiées, celles mises en œuvre dans le commerce de gros et celles mises en oeuvre au niveau du commerce de détail. Les premières, répandues dans le segment du «marché de masse», où la concurrence est fortement axée sur les prix, présenteraient l’avantage d’une réduction des négociations de prix entre fabricants et fournisseurs, qui justifierait leur exemption par catégorie. Les secondes, répandues dans le marché en ligne, sont utilisées par les plateformes pour obtenir des fournisseurs des garanties de parité des prix. Au sein de celles-ci, il convient de distinguer les clauses de parité vastes (wide MFNs), en vertu desquelles des meilleures conditions que celles offertes au cocontractant ne peuvent être présentées à aucune autre partie, ou par aucun autre canal, des clauses de parité limitées (narrow MFNs), selon lesquelles de meilleures conditions ne peuvent être offertes au travers du propre canal de vente du fournisseur. L’étude laisse apparaître que dans le domaine hôtelier, les secondes génèrent les mêmes effets anticoncurrentiels que premières. Cependant, les effets de ces clauses dépendent des caractéristiques particulières du marché sur lequel elles sont utilisées et nécessitent donc une analyse au cas par cas. Dans les domaines autres que l’hôtellerie, l’étude n’a trouvé aucune indication que les clauses de parité limitées ou vastes produiraient des effets anticoncurrentiels.

Restrictions concernant le prix de revente

D’après les entretiens menés, les pratiques des prix de revente imposés auraient diminué au cours des dix dernières années, même si elles persistent. Si les lignes directrices livrent des indications permettant de vérifier les conditions dans lesquelles les prix imposés peuvent être justifiés (pt 225), l’étude montre cependant qu’elles mériteraient d’être clarifiées, à l’aide d’exemples plus concrets. Dans le même temps, l’étude semble estimer qu’il n’existe pas d’exemple clair des contextes de marché où le régime du prix minimum imposé serait « presque certainement proconcurrentiel ». La confrontation des différentes études effectuées ne permettrait toujours pas de dégager un bilan autre que mitigé du caractère pro- ou anti-concurrentiel des pratiques de prix imposés.

Effets cumulatifs des restrictions verticales

Sans surprise, l’étude révèle que par leurs effets cumulatifs, les restrictions verticales sont plus susceptibles de nuire significativement à la concurrence et à l’efficacité économique que de manière isolée. Ainsi, une large couverture du marché par des clauses de parité peut aider à stabiliser tout arrangement collusoire potentiel et indique une intention générale de s’abstenir de s’engager dans une concurrence par les prix entre les acteurs du marché. Même sans collusion, lorsque les clauses de parité couvrent une partie substantielle du marché, elles peuvent entraîner une rigidité significative des prix en rendant les remises plus improbables dans un nombre substantiel de transactions sur le marché en question.

Efficacité du règlement et des lignes directrices

Les résultats de l’étude montrent que le règlement et ses lignes directrices en place ont diminué les frais juridiques des entreprises et augmenté leur sécurité juridique. Leur maintien apparaît donc souhaitable, même si en l’état, ils ne reflètent pas suffisamment les changements du marché, en particulier en ce qui concerne les progrès du numérique et que, par conséquent, leur pertinence et leur efficacité ont progressivement diminué.

Un document de travail contenant les propositions de la Commission devrait suivre d’ici la fin de l’année 2020.