Le projet de loi de simplification de la vie économique, présenté le 24 avril en Conseil des ministres, a été déposé ce même jour au Sénat et sera examiné à compter du 3 juin. Il contient 26 mesures de simplification à destination des entreprises.
Ce projet de loi poursuit plusieurs objectifs : réduire la charge induite par les démarches administratives, revoir la relation entre l’Administration et les entreprises, rationaliser la norme et enfin faciliter les projets industriels ou d’infrastructures.
Le projet de loi comprend un chapitre II intitulé « alléger les contraintes qui pèsent sur la croissance des entreprises », au sein duquel un article 8 prévoit le relèvement des seuils applicables au contrôle des concentrations, prévus par l’article L. 430-1 et suivants du Code de commerce. Avant d’être déposé au Sénat, le texte de l’avant-projet de loi a été transmis, début avril, au Conseil d’Etat, qui a estimé que le relèvement des seuils n’appelait pas d’observations particulières, sous réserves de précisions et d’améliorations de rédaction, notamment quant à l’entrée en vigueur de ces dispositions.
Selon le projet de loi, serait ainsi soumise au contrôle ex ante toute opération de concentration, lorsque sont réunies les trois conditions suivantes :
- le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 250 millions d’euro (au lieu de 150 millions d’euro) ;
- le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 80 millions d’euro (au lieu de 50 millions d’euro) ;
- l’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.
Outre ce relèvement des seuils principaux, le projet de loi modifie les seuils applicables en matière de commerce de détail.
Ainsi, selon le projet de loi, lorsque au moins deux des parties à la concentration exploitent un ou plusieurs magasins de commerce de détail, serait soumise au contrôle ex ante toute opération de concentration, si trois conditions sont réunies :
- le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 100 millions d’euro (au lieu de 75 millions d’euro) ;
- le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France dans le secteur du commerce de détail par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 20 millions d’euro (au lieu de 15 millions d’euro ) ;
- l’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004.
S’agissant des opérations de concentration réalisées dans les départements ou collectivités d’outre-mer, il convient de noter que les seuils demeurent, selon le projet de loi, inchangés.
En somme, ce projet de loi ne constitue pas tant une réforme systémique qu’un simple relèvement des seuils. Ceci peut en effet surprendre, le Président de l’Autorité ayant laissé entendre que le gouvernement envisageait de relever les seuils, en contrepartie de la possibilité pour l’Autorité d’aller rechercher ex post des opérations de concentration sous les seuils dès lors qu’elles les jugeraient problématiques, à l’image du modèle suédois de contrôle des concentrations.
Si l’avant-projet de loi transmis au Conseil d’Etat prévoit bien un relèvement des seuils, il ne fait apparaître aucune contrepartie s’agissant du contrôle ex post des opérations sous les seuils. Sans doute cette absence se justifie-t-elle par le souhait de Bercy d’attendre la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne, dans le cadre de l’affaire Illumina/Grail, sur la possibilité pour les autorités nationales de concurrence de mobiliser, dans de telles circonstances, l’article 22 du Règlement n°139/2004, avant de se positionner.
En tout état de cause, cette mesure sera sans doute favorablement accueillie aussi bien par les entreprises que par les services d’instruction de l’Autorité, qui se verraient largement désengorgés par ce relèvement des seuils. En effet, l’Autorité de la concurrence française demeure, selon les statistiques établies par le réseau européen de concurrence, l’autorité nationale de concurrence la plus active en matière de contrôle des concentrations. En 2021, elle avait atteint son nombre record d’opérations de rachats et de fusions examinées, avec 272 cas.
Ce relèvement des seuils, restés inchangés depuis plus de 20 ans s’agissant des seuils principaux, et depuis 2008 s’agissant des seuils relatifs au commerce de détail, semble ainsi bienvenu pour tenir compte de l’évolution du contexte économique.