Les arrêts rendus en période de confinement et dans les premiers jours du déconfinement sont peu nombreux, mais souvent importants.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a ainsi rendu, le 14 mai 2020, un arrêt intéressant rappelant que l’obligation de résultat du garagiste réparateur ne s’applique pas à l’importateur. Notre cabinet a assuré la défense de l’importateur mis en cause dans cette affaire.

Dans cette affaire, la demanderesse avait acquis un véhicule d’occasion le 6 juin 2016, lequel avait fait l’objet d’une première mise en circulation le 4 novembre 2010, auprès d’un particulier, à 104 888 km. Le 29 décembre 2016, le véhicule a connu une avarie située au niveau du démarreur. La demanderesse a confié son véhicule à un réparateur agréé du réseau de la marque du véhicule, qui a établi un devis de réparation du démarreur, qu’elle a été accepté. Lors d’un essai du véhicule dans le cadre de cette réparation, le moteur s’est bloqué. La demanderesse a alors demandé au réparateur agréé de suspendre toute intervention sur le véhicule et fait diligenter une expertise amiable. Celle-ci s’est déroulée en présence du réparateur agréé et de l’importateur.

La demanderesse a assigné le réparateur agréé et l’importateur devant le Tribunal de commerce de Marseille, aux fins de les voir condamnés à procéder aux réparations nécessaires sur le véhicule, sur le fondement des articles 1147 ancien et 1787 du Code civil. Les défenderesses ont d’abord soulevé la prescription quinquennale de toute action sur le fondement de la garantie des vices cachés, fondement en principe exclusif en l’espèce, en application de l’article L. 110-4 du Code de commerce. Le réparateur agréé a ensuite demandé que l’importateur le relève et le garantisse de toute condamnation au motif que l’intervention litigieuse aurait été réalisée « pour le compte et sur les instructions du constructeur » et que l’importateur serait « responsable d’un manquement à son obligation de résultat en prenant le contrôle des opérations d’expertise ».

Par un jugement du 24 avril 2018, le Tribunal de commerce de Marseille a déclaré irrecevable car prescrite l’action de la demanderesse sur le fondement de la garantie des vices cachés. Le tribunal a en revanche retenu la responsabilité du garagiste réparateur et décidé d’y « associer solidairement la responsabilité » de l’importateur « qui a participé à la décision de changer le démarreur et d’effectuer à l’issue de ce seul changement des essais routiers qui ont entraîné le blocage du moteur » et condamné le réparateur agréé et l’importateur à effectuer la réparation du véhicule sous astreinte.

L’importateur et le réparateur agréé ont interjeté appel de ce jugement. La prescription de l’action sur le fondement de la garantie légale de vices cachés n’étant pas contestée, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé le jugement de première instance sur ce point.

Elle a en revanche écarté la responsabilité de l’importateur sur le fondement de l’article 1787 du Code civil, infirmant le jugement de première instance sur ce point, au motif qu’il n’a été conclu aucun contrat de louage d’ouvrage avec l’importateur qui le rendrait débiteur d’une obligation de résultat à l’instar de celle qui incombe au garagiste réparateur, de sorte que l’article 1787 du Code civil lui est inapplicable.

L’arrêt précise que ce texte ne saurait s’appliquer à raison de la participation de l’importateur aux opérations d’expertise amiable alors qu’il ne s’est nullement substitué au garagiste dans les opérations de réparation.

La cour rappelle ensuite qu’en sa qualité de sous-acquéreur, la demanderesse ne dispose d’aucune autre action que celle de la garantie des vices cachés ou de la garantie contractuelle, déclarées prescrites.

Enfin, la demanderesse avait tenté d’imputer à l’importateur un manquement contractuel en raison de la fourniture des pièces détachées ayant servi aux réparations du véhicule. Ce fondement a été rejeté dès lors que la demanderesse n’a démontré aucune inadéquation ou défectuosité des pièces détachées.

Cet arrêt est intéressant pour les importateurs dont la responsabilité est souvent mise en cause en cas de litige après-vente alors qu’ils ne sont pour rien dans les faits litigieux. Cette mise en cause connaît aujourd’hui de nouveaux développements dans la mesure où, avec les récentes décisions de la Cour de cassation confirmant que la prescription de l’action en garantie des vices cachés prévue par l’article 1648 du Code civil est enfermée dans le délai de 5 ans prévu par l’article L. 110-4 du Code de commerce, impliquant en pratique une prescription 5 ans après la mise en circulation du véhicule pour l’importateur, de nombreux clients et réparateurs tentent d’utiliser d’autres fondements pour engager la responsabilité de l’importateur en présence d’un vice caché.

Cette décision confirme une jurisprudence indiquant que la garantie des vices cachés est le fondement exclusif du sous-acquéreur contre l’importateur pour un dysfonctionnement portant sur un véhicule. La jurisprudence s’est d’abord appuyée sur le principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle pour juger que les sous-acquéreurs qui disposent d’une action directe contre le fabricant, sur le plan contractuel, ne peuvent invoquer la responsabilité délictuelle de celui-ci (Cass. 1re civ., 9 oct.1979, n°78-12.502 ; 1er mars 2017, n°15-28.030). Cet arrêt est intéressant en ce qu’il précise que même sur le terrain contractuel, en présence d’un vice caché invoqué, la garantie légale des vices cachés est le régime exclusif susceptible d’être mis en oeuvre, si les conditions sont réunies, à l’exclusion de tout autre régime de responsabilité civile.

Enfin, cette décision rappelle que l’obligation de résultat du garagiste réparateur n’a pas vocation à s’appliquer à l’importateur :

– dès lors qu’aucun contrat de louage d’ouvrage n’a été conclu avec lui,

– à raison de sa participation aux opérations d’expertise amiable alors qu’il ne s’est nullement substitué au garagiste dans les opérations de réparation.