CONCURRENCE • DROIT FRANÇAIS • Procédure
La procédure de transaction, que la loi Macron du 6 août 2015 a substitué à l’ancienne procédure de non-contestation des griefs, permet au rapporteur de soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée à l’organisme ou l’entreprise qui ne conteste pas la réalité des griefs. Le rapporteur général propose une réduction en valeur absolue, comprise dans une fourchette qu’il définit, et non plus une réduction exprimée en pourcentage, comme sous l’empire de la procédure de non-contestation des griefs. La sécurité juridique des entreprises s’en trouve renforcée, même si le collège conserve un pouvoir discrétionnaire à l’intérieur de la fourchette proposée.
Initialement, le calcul du quantum de la sanction susceptible d’être infligée à l’entreprise entrée en voie de transaction devait s’effectuer selon la méthode définie par l’Autorité de la concurrence dans son communiqué sanctions. Toutefois, dans un communiqué du 19 octobre 2017, puis dans le communiqué Transaction du 21 décembre 2018, l’Autorité a précisé qu’elle ne motiverait plus ses décisions par référence aux méthodes définies par le communiqué sanctions, ce qui entoure la procédure d’une opacité regrettable. Cette solution tranche singulièrement avec le droit européen : le Tribunal de l’Union considère que l’obligation de la Commission de motiver ses décisions n’est pas de plus faible intensité dans le cadre d’une procédure de transaction et qu’il lui incombe d’expliquer comment elle pondère et évalue les différents éléments qu’elle prend en considération pour déterminer le montant de l’amende.
La procédure de transaction est encadrée par un communiqué spécifique du 21 décembre 2018, qui apporte certes d’utiles indications procédurales, mais suscite aussi certaines interrogations. Ainsi, alors que dans ses premières années d’application, le dispositif a pu être mis en oeuvre en matière de concentrations, le champ d’application du communiqué ne vise que les pratiques anticoncurrentielles.
Dans ses grandes lignes, le régime de la transaction s’apparente à celui de l’ancienne non-contestation des griefs, avec quelques adaptations liées, notamment, à la transposition en droit français de la directive sur la réparation du préjudice concurrentiel. D’emblée, l’Autorité souligne que le cumul de la clémence et de la transaction est possible, sans plus exiger l’existence de gains procéduraux. Le rapporteur peut évoquer le recours à la transaction avant la notification des griefs. Un délai impératif de deux mois maximum, qui court à compter de la notification des griefs, est désormais fixé pour signer le procès-verbal de transaction. Sauf circonstances exceptionnelles, les demandes présentées hors délai ne seront pas étudiées.
Comme par le passé, la renonciation à contester les griefs doit prendre la forme d’une déclaration par laquelle l’entreprise indique, en termes clairs, complets, dépourvus d’ambiguïté et inconditionnels, qu’elle ne conteste ni la réalité de l’ensemble des pratiques en cause, ni leur qualification juridique, telle qu’elle résulte de la notification de griefs, ni leur imputabilité. La renonciation doit porter à la fois sur la matérialité des pratiques, leur durée, leur champ géographique, la participation de l’entreprise aux pratiques, ainsi que sur leur objet ou leur effet anticoncurrentiel. Toute contestation présentée au cours de la procédure administrative sur la validité de la notification des griefs équivaudra, pour le collège, à une renonciation au bénéfice de la procédure. Comme auparavant, ne sont admises que des observations portant sur les éléments susceptibles d’être pris en considération par le collège pour déterminer le montant de la sanction pécuniaire, à l’intérieur de la fourchette retenue par le procès-verbal de transaction.
Le rapporteur dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui lui permet de donner ou non une suite favorable à une demande ou de mettre un terme aux échanges en vue d’une transaction s’il lui apparaît que ceux-ci n’aboutiront pas à une accélération ou à une simplification du traitement du dossier. Le communiqué précise néanmoins qu’en cas de pluralité d’entreprises impliquées, le rapporteur ne privilégiera une solution transactionnelle que si l’ensemble des parties renonce à contester les griefs. Est-ce la fin des procédures hybrides ? Il semble que non puisque, plus loin, le communiqué prévoit que « le rapporteur général peut informer les autres parties mises en cause de la signature d’un procès-verbal, lorsqu’elles n’ont pas sollicité la mise en oeuvre du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, afin de leur permettre de déterminer si elles souhaitent présenter une demande à cette fin », ce qui laisse entendre que les négociations peuvent débuter et aboutir avec certaines entreprises seulement et non simultanément avec toutes.
Afin de préserver les impératifs du « public enforcement », et dans l’esprit de la directive sur les actions en réparation du dommage concurrentiel, le texte précise qu’« aucun document ou pièce transmis par les parties et se rapportant à la mise en oeuvre de la procédure de transaction ne sera versé au dossier d’instruction » et qu’il en ira « de même lorsque la procédure mise en oeuvre n’a pas abouti à la signature d’un procès-verbal de transaction ». Enfin, « le procès-verbal de transaction signé par une entreprise [ne sera] pas communicable aux autres parties à la procédure non plus qu’à des tiers ».
Lorsque l’entreprise a obtenu le bénéfice conditionnel de la procédure de clémence, le rapporteur général doit tenir compte de l’avis de clémence et de l’apport du demandeur de clémence à l’instruction lorsqu’il établit sa proposition de transaction. Il prendra également en considération les engagements présentés par l’entreprise, s’il estime opportun de proposer à l’Autorité de les rendre obligatoires. Lorsque le collège estime que les conditions pour le prononcé d’une sanction sont réunies, il prononce une amende comprise dans les limites de la fourchette fixée par le procès-verbal de transaction. Dans le cas contraire, il peut décider d’un renvoi à l’instruction selon la procédure de droit commun, qui a pour effet de rendre caduc le procès-verbal de transaction signé. Lorsque plusieurs entreprises sont mises en cause, le communiqué prévoit une séance du collège en deux temps. La première, consacrée aux griefs notifiés ainsi qu’aux faits et à la qualification des pratiques, se tiendra en présence de toutes les entreprises et, le cas échéant, de la partie saisissante. Au cours de la seconde, chacune des entreprises ayant signé un procès-verbal de transaction est entendue par le collège, en présence du commissaire du Gouvernement, et hors la présence des autres parties mises en cause. Cette audition leur permet de présenter leurs observations sur la seule fixation du montant de la sanction, et, le cas échéant, d’améliorer leurs propositions d’engagements si le collège ne les estime pas acceptables en l’état.
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