CONCURRENCE • DROIT FRANÇAIS • Procédure
Afin d’accroître l’efficacité du contrôle, le législateur a, à l’instar du droit américain ou européen, institué un système de clémence permettant de tenir compte du degré de coopération de l’entreprise dans l’évaluation du montant de la sanction (C. com., art. L. 464-2). En application du IV de l’article L. 464-2, une exonération totale ou partielle, le cas échéant conditionnée, peut être octroyée à une entreprise ou un organisme qui a contribué à établir la réalité de pratiques prohibées au titre du droit des ententes et à en identifier les auteurs. Dans son communiqué procédure, l’Autorité de la concurrence distingue deux hypothèses : les cas où l’Autorité ne dispose pas d’informations et ceux où elle possède déjà des informations. Dans le premier cas (immunité de type 1 A), une immunité conditionnelle est accordée à la première entreprise qui fournit des éléments de preuve dont l’Autorité ne disposait pas antérieurement et qui sont suffisants pour établir l’infraction soupçonnée et procéder à des mesures d’investigation. Dans le second cas (immunité de type 1 B), le bénéfice conditionnel d’exonération totale sera accordé si trois conditions sont réunies : l’entreprise doit être la première à fournir des informations suffisantes pour établir l’infraction présumée ; l’Autorité de la concurrence ne doit pas disposer au moment de la demande de clémence de preuves suffisantes ; aucune entreprise n’a obtenu d’avis conditionnel. Les entreprises qui ne remplissent pas ces conditions peuvent toutefois bénéficier d’une exonération partielle des sanctions pécuniaires (immunité de type 2) si elles apportent des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments dont l’Autorité dispose déjà. Le niveau d’exonération auquel l’entreprise peut prétendre dépend du rang de sa demande, du moment où elle a été présentée et du degré de valeur ajoutée significative que les éléments de preuves fournis ont apporté.
Afin d’accroître la transparence du système et inciter les entreprises à déposer des demandes de type 2, le communiqué procédure fixe des fourchettes de réduction prédéterminées. Ainsi, le premier demandeur à fournir des éléments dotés d’une valeur ajoutée significative à l’Autorité peut prétendre à une réduction comprise entre 25 et 50 %, le second à une réduction comprise entre 15 et 40 %, et le dernier à 25 % de réduction au plus. De même, afin de garantir aux entreprises qui souhaitent coopérer un égal accès au programme de clémence, le communiqué prévoit la publication d’un communiqué de presse pour annoncer le déclenchement d’opérations de visites et saisies, qui ne divulguera cependant pas le nom des entreprises concernées, pour préserver la présomption d’innocence. Enfin, les entreprises peuvent déposer une demande sommaire (complémentaire de celle déposée auprès de la Commission si elles l’estiment la mieux placée pour traiter l’affaire), pour tout type de demande de clémence, quel que soit leur rang d’arrivée.
Outre les conditions d’éligibilité pour bénéficier d’une immunité de type 1 A, 1 B ou 2, l’exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires est soumise au respect, par les entreprises, quel que soit leur rang, de plusieurs conditions cumulatives. L’entreprise doit d’abord mettre fin à sa participation à l’entente présumée sans délai et au plus tard à compter de la notification de l’avis de clémence de l’Autorité. Ensuite, elle doit apporter à l’Autorité une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de sa demande et tout au long de la procédure d’enquête et d’instruction. Une telle coopération implique, en particulier : de fournir sans délai à l’Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuve qui viendraient en sa possession ou dont elle peut disposer sur l’entente présumée ; de ne pas remettre en cause, et ce jusqu’au terme de la procédure, les éléments factuels révélés à l’Autorité dans le cadre de la procédure de clémence et qui fondent l’avis de clémence, la matérialité des faits dénoncés ou l’existence même des pratiques ; de se tenir à la disposition de l’Autorité pour répondre rapidement à toute demande de sa part visant à contribuer à l’établissement des faits en cause ; de mettre à la disposition de l’Autorité, pour les interroger, ses représentants légaux et ses salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, ses anciens représentants légaux et salariés ; de s’abstenir de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations ou des éléments de preuve utiles se rapportant à l’entente présumée, et de ne pas divulguer l’existence ou la teneur de la demande de clémence avant que l’Autorité n’ait communiqué ses griefs aux parties, sauf si cette dernière y consent. Lorsqu’elle envisage d’adresser une demande à l’Autorité, l’entreprise ne doit pas avoir détruit ou falsifié de preuves de l’entente présumée, ni avoir divulgué son intention de présenter une demande ni la teneur de celle-ci, sauf à d’autres autorités de concurrence. Enfin, aucune exonération totale de sanction pécuniaire ne peut être accordée à une entreprise qui en a contraint d’autres à participer à l’infraction.
Les règles de procédure sont fixées par les articles L. 464-2, IV et R. 464-5 du Code de commerce. L’entreprise adresse sa demande de clémence au rapporteur général par lettre recommandée avec avis de réception. Elle peut aussi présenter oralement sa demande que le rapporteur constate par écrit en précisant la date et l’heure de la déclaration. Les demandes de clémence sont classées dans l’ordre d’arrivée fixé à la date de réception de la lettre recommandée ou de l’établissement du procès-verbal par le rapporteur général. Le classement joue un rôle primordial car seule la première entreprise à dénoncer l’entente peut prétendre à l’immunité d’amende, les suivantes ne pouvant obtenir qu’une réduction. Le rapporteur général fixe un délai (dit délai marqueur) durant lequel le rang d’arrivée de la demande est maintenu afin de permettre à l’entreprise de réunir les informations et éléments de preuve nécessaires à l’examen de la demande par l’Autorité. La fourniture des informations et des éléments de preuve dans le délai marqueur fixe à la date de réception de la demande leur communication. La communication de nouvelles pièces après l’écoulement du délai marqueur ne remet pas en cause la position du demandeur lorsque les pièces ne constituent pas l’essentiel des informations divulguées par l’entreprise et sont transmises avant la délivrance de l’avis de clémence. Une fois la demande de clémence enregistrée, le rapporteur général consigne la déclaration écrite ou orale de l’entreprise dans un procès-verbal. Le rapporteur désigné pour instruire la demande de clémence rédige un rapport sur le fondement des éléments fournis et élabore, le cas échéant, des propositions d’exonération. Il précise aussitôt que possible à la demanderesse si sa demande constitue un cas de type 1 A2 ou non. Le rapport est adressé à la demanderesse et au commissaire du Gouvernement trois semaines avant la séance, au cours de laquelle l’entreprise peut formuler des observations. L’Autorité rend ensuite un avis dans lequel elle indique si elle accorde une exonération totale ou partielle et, dans ce dernier cas, précise le taux d’exonération et les conditions auxquelles l’exonération est subordonnée. Si ces conditions sont remplies, l’Autorité accorde l’exonération, totale ou partielle, lors de l’examen au fond de l’affaire. Lorsque les conditions fixées ne sont pas remplies, l’Autorité émet un avis défavorable et restitue à l’entreprise, qui en fait la demande, les éléments de preuve fournis.
Depuis la loi Macron du 6 août 2015, l’exonération ou la réduction d’amende peut être accordée, après que le commissaire du Gouvernement et l’entreprise concernée aient été entendus, sans établissement préalable d’un rapport.
Enfin, l’Autorité de la concurrence a consacré le cumul entre procédure de transaction et programme de clémence. Cependant, l’application conjointe des deux procédures ne peut conduire à un cumul des taux de réduction, mais seulement à une application en cascade de ceux-ci.
CONSEILS / DÉCISIONS
Retrouvez bientôt, pour chaque mot-clé :
- tous nos conseils pratiques ;
- nos tableaux statistiques ;
- les dernières décisions clés ;
- les publications récentes ;
- et bien d’autres outils à découvrir.
Plus d’informations : vogel-contact@vogel-vogel.com