CONCURRENCEDROIT EUROPÉENProcédure

L’article 20 du règlement 1/2003 autorise la Commission à « procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises ». Les inspections, qui caractérisent le déplacement des agents de la Commission dans les locaux de l’entreprise, constituent l’équivalent des visites du droit français. Les agents habilités procèdent à l’inspection par voie de mandat ou de décision, et sont assistés par les agents de l’autorité de l’État membre sur le territoire duquel se déroulent les opérations. La Commission peut, également, aux termes de l’article 22, paragraphe 2, du même texte, demander aux autorités compétentes des États membres de procéder sur leur territoire aux inspections qu’elle juge indiquées ou qu’elle a ordonnées par voie de décision.

La Commission peut choisir librement de procéder par mandat et/ou par décision, en fonction des seules nécessités de l’instruction. L’autorité européenne n’est pas tenue d’effectuer une inspection par simple mandat avant de recourir à une inspection par voie de décision. Le pouvoir discrétionnaire de la Commission ne se limite pas en la matière au seul choix de la forme de l’inspection. Elle peut ainsi procéder à une inspection « surprise » ou « dawn raid » sans en avertir au préalable les entreprises concernées. Elle prend alors une décision ordonnant à l’entreprise ou l’association d’entreprises de se soumettre à l’inspection.

L’inspection peut se dérouler sur simple mandat écrit qui précise l’objet et le but de la mesure ainsi que la sanction prévue en cas de non-collaboration de l’entreprise inspectée (Règl. 1/2003, art. 20, paragr. 3). Ce mandat doit être produit par les agents habilités. Préalablement à l’inspection et « en temps utile », la Commission doit informer l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel cette procédure va avoir lieu non seulement de la mission de la vérification (objet et but), mais aussi de l’identité des agents mandatés. Si les entreprises ne sont pas tenues de se soumettre à une inspection par voie de mandat, elles doivent, aux termes de l’article 20, paragraphe 3, fournir une information complète, ainsi que des réponses exactes et non dénaturées sous peine de sanctions, lorsqu’elles l’acceptent. L’obligation de présenter d’une manière complète les documents requis par les agents de la Commission doit s’entendre non seulement comme la possibilité d’accès à l’ensemble de ceux-ci, mais aussi comme l’obligation de présenter effectivement les documents précisément demandés. La Commission est en effet seul juge de la pertinence ou non d’un document. Il n’appartient pas aux entreprises soumises à l’inspection de juger du bien-fondé de la demande de documents ou de leur caractère utile, ni d’invoquer leur caractère confidentiel pour se dérober à l’exécution de cette obligation.

Les agents habilités peuvent également procéder à l’inspection par voie de décision formelle (Règl. 1/2003, art. 20, paragr. 4). Dans ce cas, la Commission peut adopter une décision dès lors qu’elle dispose d’éléments et d’indices matériels sérieux la conduisant à suspecter l’existence d’une infraction. Il n’est pas nécessaire que les documents qui lui sont soumis soient de nature à établir sans doute raisonnable l’existence de l’infraction constatée dans la décision finale, mais seulement qu’ils soient de nature à créer un commencement de soupçon de comportement anticoncurrentiel. La Commission prend la décision de procéder à l’inspection après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée. Cette audition peut être informelle, notamment en cas de vérification surprise ou « dawn raid ». La décision d’inspection doit indiquer l’objet et le but de l’inspection, fixer la date à laquelle elle commence et mentionner les sanctions encourues en cas de non-collaboration des entreprises, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. Même si elle doit clairement indiquer les présomptions d’infraction qu’elle entend vérifier, la décision n’a pas besoin d’indiquer les indices sur lesquels la Commission se fonde, ni de comporter la délimitation précise du marché et la qualification juridique exacte des infractions. La décision peut être motivée en termes très généraux dès lors qu’elle désigne l’infraction recherchée et les éléments sur lesquels doit porter l’inspection. Néanmoins, la motivation doit demeurer suffisamment précise pour éviter le reproche de « fishing expedition », pratique qui consiste à se livrer à des investigations indéterminées, afin de recueillir, le cas échéant, des informations sur des comportements dont la Commission n’a pas connaissance. Ainsi, les termes de la décision d’inspection ne doivent pas, sous peine d’annulation, excéder la portée de l’infraction qui peut être suspectée sur le fondement des indices détenus par la Commission.

Lorsqu’une décision d’inspection motivée a été correctement notifiée à une personne qualifiée au sein de l’entreprise, la Commission doit être en mesure d’effectuer ses inspections sans être soumise à une obligation d’informer chaque membre du personnel concerné de ses droits et devoirs dans les circonstances de l’espèce. Les entreprises concernées par l’inspection ont l’obligation de se soumettre aux opérations d’investigation et leur comportement ne doit pas compromettre l’exécution de l’inspection. Tel est le cas lorsque l’entreprise fait des déclarations inexactes sur la situation du bureau de son dirigeant ou n’accorde pas aux inspecteurs un accès exclusif aux comptes de messagerie demandés, sans qu’il y ait lieu de vérifier si des messages ont été manipulés ou supprimés ou si la personne concernée avait personnellement connaissance de la mesure. Le refus de se soumettre à l’inspection par voie de décision, même temporaire, expose l’entreprise au paiement d’une amende.

Les agents habilités disposent d’importants pouvoirs d’investigation visés à l’article 20, paragraphe 2. Ils peuvent :

– accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises et associations d’entreprises ;

– contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support ;

– prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents ; la Commission détermine les documents professionnels qui doivent être présentés et dont elle souhaite prendre copie ; elle doit pouvoir recueillir tous les éléments nécessaires à l’inspection sans avoir à identifier au préalable de façon précise les documents nécessaires, tout en limitant ses investigations aux activités visées par la décision d’enquête et en s’abstenant d’utiliser les documents qu’elle a consultés qui ne relèvent pas de ce cadre ; aucune disposition n’imposant que le contrôle des livres ou documents professionnels des entreprises s’effectue dans les locaux de l’entreprise, il peut avoir lieu au siège de la Commission, lorsque, protégés par des scellés, ils sont ouverts en présence des représentants de l’entreprise ; le fait que les documents saisis concernent un tiers à la mesure d’inspection ne remet pas en cause la légalité des opérations, dès lors qu’ils entrent dans le champ d’application de l’enquête ; les entreprises peuvent à tout moment demander la restitution des documents professionnels dont la copie est sans rapport avec l’objet de l’inspection ; enfin, il ne peut être reproché aux agents de la Commission de ne pas s’être limités à demander la production de documents relevant très clairement et à l’évidence de l’objet de l’enquête, en l’absence de preuve qu’ils ont effectué des recherches ciblées en dehors de celui-ci ;

– apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci ;

– demander à tout représentant ou membre du personnel de l’entreprise ou de l’association d’entreprises des explications sur des faits ou documents en rapport avec l’objet et le but de l’inspection et enregistrer ses réponses.

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