Tous les réseaux de distribution sont confrontés un jour ou l’autre à des candidatures non désirées, souvent d’anciens distributeurs ou réparateurs dont le contrat a été résilié et qui entendent réintégrer leur ancien réseau. En pratique, ces candidatures deviennent rapidement contentieuses. Après une ou plusieurs mises en demeure, l’ancien membre du réseau assigne souvent en référé pour demander son intégration sous astreinte et/ou au fond pour solliciter la réparation du préjudice allégué du fait de la non-admission au sein du réseau. Ce type de procès, très fréquent par le passé, tournait souvent à l’avantage du candidat évincé. Il faisait valoir que le refus d’accès au réseau constituait un refus de vente ou encore une pratique discriminatoire à l’époque où le droit français sanctionnait per se ces pratiques unilatérales.

Le droit a évolué progressivement en faveur des têtes de réseau. Dans le cadre d’un système de distribution exclusive, le fournisseur a d’abord été libre d’admettre ou non dans son réseau le distributeur de son choix compte tenu du caractère intuitu personae de ce type de réseau (Cass. com., 1er mars 2011, LawLex20110000370JBJ). La Cour de Justice a ensuite dit pour droit que dans le cadre d’une distribution sélective qualitative et quantitative, le fournisseur n’avait pas à justifier du bien-fondé de ses critères quantitatifs (CJUE, 14 juin 2012, LawLex20120000871JBJ). Cette solution, confirmée par la Cour de cassation (Cass. com., 15 janvier 2013, LawLex2013000035JBJ), se heurte parfois à une résistance isolée de certains juges du fond (T. com. Marseille, 22 févr. 2016, LawLex20160000920JBJ et Aix-en-Provence, 24 avr. 2016, LawLex20160000921JBJ). La distribution exclusive et la distribution sélective quantitative permettent ainsi d’opposer à présent aux candidats les limites quantitatives définies par la tête de réseau et de refuser des candidatures non souhaitées.

Qu’en est-il en matière de distribution sélective qualitative ? Les candidats font valoir en général que, dès lors qu’ils satisfont aux critères de sélection, ils bénéficieraient d’un droit automatique à en faire partie. Même si la gestion d’un refus d’accès est moins facile qu’en distribution exclusive ou quantitative, le droit positif donne aujourd’hui une marge de manœuvre plus importante aux têtes de réseaux sélectifs qualitatifs.

I. Les défenses classiques à l’entrée dans le réseau

1. Le non-respect des critères de sélection qualitatifs.

La tête de réseau vérifiera d’abord si le candidat satisfait aux critères requis, le cas échéant sur le fondement d’un barème d’évaluation. Elle peut faire évoluer les critères : un ancien membre du réseau ne satisfera donc pas nécessairement aux nouveaux standards. Il est important de ne pas se limiter à des critères de qualité professionnelle mais d’exiger aussi des critères financiers, le service aux clients et le risque lié au crédit fournisseur exigeant que les membres du réseau démontrent leur standing financier.

2. La faute commise antérieurement à l’encontre de la marque.

Un comportement fautif antérieur (impayés, revente hors réseau, dénigrement de la marque, etc.) justifie un refus d’admission ultérieur dans le réseau (Cass. com., 19 sept. 2006, LawLex200600001929JBJ). Il est prudent de le spécifier expressément en tant que critère d’agrément. Certaines juridictions imposent une limitation dans le temps de l’exclusion fondée sur une faute passée, consacrant un droit à l’oubli (Versailles, 29 févr. 1996, LawLex200300001550JBJ).

II. Les nouvelles défenses à l’entrée dans le réseau

3. Faire valoir l’abrogation ou l’absence de pertinence de l’ensemble des fondements traditionnels d’accès au réseau.

En droit positif, il n’existe plus aucun fondement de droit subjectif justifiant l’accès au réseau. Le refus de vente a été abrogé en 1996 (Cass. com., 26 janv. 1999, LawLex200200351JBJ). L’incrimination per se des pratiques discriminatoires n’existe plus depuis la loi LME de 2008 (Parsi, 19 sept. 2014, LawLex20140000945JBJ). Et l’obligation de communication des CGV n’implique pas une obligation de contracter avec les personnes satisfaisant aux conditions des CGV (Paris, 16 mai 2001, LawLex200200432JBJ).

4. Invoquer le bénéfice de l’exemption par catégorie.

Il est désormais admis qu’en dessous de 30 % de parts de marché du fournisseur et du distributeur, le système de distribution retenu est exempté de plein droit, sauf clauses noires ou rouges. En particulier, la distribution sélective ne nécessite même pas d’exemption et est exemptée de plein droit, même en cas de pratiques discriminatoires alléguées ou avérées (V. not. Cons. conc., 17 déc. 2003, LawLex2004000043JBJ ; Paris, 30 sept. 2015, LawLex201500001190JBJ).

5. Faire valoir l’existence d’un marché unique de la vente et de l’après-vente.

Chaque fois qu’il sera possible de faire valoir l’existence d’un marché unique de la vente et de l’après-vente, notamment parce que les clients prennent leur décision d’achat des produits contractuels en fonction du coût total des produits, entretien compris, sur le cycle de vie ou parce qu’il n’existe pas réellement de réparateurs indépendants sur le marché, la part de marché de chaque marque sera souvent inférieure à 30 % et le bénéfice de l’exemption par catégorie pourra être invoqué.

6. Renforcer l’argumentation concurrentielle par l’interdiction des contrats perpétuels et la liberté contractuelle.

La position des distributeurs résiliés qui demandent leur réintégration forcée au sein des réseaux ad vitam aeternam conduit à la négation de liberté contractuelle et à des contrats perpétuels. La jurisprudence commence à refuser d’y faire droit sur la base de ces principes (Paris, 30 sept. 2015, LawLex201500001190JBJ). L’affirmation de l’interdiction des contrats perpétuels dans le nouveau droit des contrats qui entrera en vigueur le 1er octobre 2016 renforcera la force de cet argument.

7. Faire valoir qu’un refus d’accès à un réseau sélectif constitue un comportement unilatéral du fournisseur ne relevant d’aucune interdiction.

Certains candidats à un réseau de réparation font valoir que la part de marché du fournisseur s’apprécie sur le marché aval de la réparation des produits de sa marque où il disposerait de parts de marché de 40 à 50 % et que, dans ces conditions, un refus d’accès constituerait un abus de position dominante et/ou une entente. Au-delà de la discussion des parts de marché réelles, la tête de réseau opposera que le refus d’accès ne concerne pas le marché aval de la réparation, mais le marché amont des candidatures sur lequel des réparateurs demandeurs de contrats s’adressent à l’ensemble des marques ayant des réparateurs. Sur ce marché amont, à l’évidence, aucune marque n’est en position dominante et dispose de parts de marché en général très limitées. En outre, même en tenant compte par impossible du marché aval, un refus d’accès, acte unilatéral du fournisseur, ne constitue pas un accord susceptible de tomber sous le coup du droit des ententes. Dès lors, il convient de faire valoir au contentieux que le candidat à l’accès ne dispose d’aucune base juridique en droit positif pour imposer l’accès qui lui est refusé.