Près d’un an et demi après leur création, à grand renfort de publicité par la loi Hamon du 17 mars 2014, les actions de groupe se révèlent un échec complet : seules 7 d’entre elles ont été initiées.

Des actions de droit commun, bien plus efficaces la concurrencent et a rendent inutile, indépendamment de son champ d’application limité. Les actions en justice forment aussi un marché : les opérateurs optent intelligemment pour les procédures les plus efficientes.

I. Raison principale : la concurrence d’actions autrement plus efficaces

1. Des actions individuelles plus faciles et plus rapides.

Le droit français permet aujourd’hui aux justiciables de saisir très facilement et quasiment sans coût le tribunal d’instance ou de proximité pour de petits litiges. Contrairement à ce qui avait été affirmé lors de l’adoption de l’action de groupe, un professionnel ne peut échapper à toute responsabilité en misant sur la difficulté pour les consommateurs de faire valoir leurs droits pour ces contentieux. Les consommateurs obtiennent gain de cause beaucoup plus facilement et rapidement par une saisine individuelle que par l’adhésion à une action de groupe.

2. Des actions « groupées » beaucoup plus efficaces et dynamiques.

Rien n’empêche un avocat ou une entité de se faire mandater par des milliers de consommateurs pour exercer une action en justice. C’est d’ailleurs ce qui se passe en pratique et qui est facilité par la création de sites Internet permettant de s’inscrire en ligne et de donner mandat pour introduire une action. Le tribunal est alors saisi par un professionnel diligent, compétent et motivé, qui fait aboutir les intérêts qui lui sont confiés beaucoup plus facilement, en agissant également pour des professionnels si nécessaire, sans être soumis au carcan des actions de groupe.

II. Raisons secondaires : une action mal conçue

3. Un monopole des associations agréées qui exclut les avocats et prive l’action de groupe  de tout dynamisme.

En France seules 17 associations de consommateurs agréées peuvent initier des actions de groupe. La loi exclut totalement les avocats de l’organisation et de la coordination de telles actions, alors qu’ils jouent un rôle moteur pour les class actions dans les pays où de telles actions fonctionnent. Les associations de consommateurs se révèlent très peu efficientes pour organiser les actions de groupe.

4. Une action inadaptée au dommage concurrentiel.

En apparence, la loi Hamon a créé une action de groupe pour la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs dans deux cas : i) à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ; ii)  lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles. La deuxième branche est impraticable dans les faits. En effet, lorsque les manquements reprochés au professionnel portent sur le droit de la concurrence, sa responsabilité dans le cadre d’une action de groupe ne peut être prononcée que sur le fondement d’une décision rendue par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes, qui constate les manquements et n’est plus susceptible de recours pour la partie relative à l’établissement des manquements. Une procédure contentieuse devant l’Autorité de la concurrence durer de 3 à 5 ans, parfois 10, l’appel ajoute jusqu’à 2 ans et la procédure de cassation de 18 à 24 mois : le découragement gagne les plaideurs les plus déterminés. En plus, en cas de clémence, l’accès aux documents qui prouvent le préjudice est quasiment impossible. Par ailleurs, réserver l’action aux préjudices des consommateurs n’a pas de sens en droit de la concurrence, où les préjudices les plus importants sont subis par les entreprises.

5. Une procédure qui s’apparente à une usine à gaz.

Même en  matière de consommation, l’action de groupe apparaît d’une complexité et d’une longueur effarantes. Le juge doit d’abord, dans une première décision, déterminer la responsabilité du professionnel sur la base des cas individuels que présente l’association requérante, définir le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et en fixer les critères de rattachement. Cette décision peut faire l’objet d’un appel, puis d’une procédure de cassation. Les mesures de publicité destinées à informer les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe ne peuvent être mises en œuvre que lorsque la décision n’est plus susceptible de recours ordinaire ni de pourvoi en cassation. En cas de non-indemnisation par le professionnel, un deuxième jugement, lui aussi susceptible de recours interviendra sur le préjudice. Compte tenu des délais des différentes instances, l’action de groupe, bien trop longue dissuade les plaideurs.

6. Un champ finalement très limité en matière de consommation.

Le préjudice subi doit avoir pour cause commune le manquement d’un professionnel à une obligation légale ou contractuelle, ce qui implique une faute. Paraissent donc exclues les actions en garantie des vices cachés, puisque la garantie n’est pas une faute, alors que cette action demeure la plus fréquente en matière de consommation. L’action est également limitée puisqu’elle ne porte que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des seuls dommages matériels subis par les consommateurs.

Conclusion.

L’action de groupe loi Hamon et ses avatars (l’action de groupe en matière de santé et de discriminations) tiennent plus de l’effet d’annonce que du droit réel, puisque la pratique a inventé des modes d’action beaucoup plus efficaces. On ne peut que s’en réjouir car cette loi, fondée sur la présomption de malveillance généralisée des professionnels, ne correspond absolument pas à la réalité.