L’article L. 441-1 (ancien article L. 213-1) du Code de la consommation condamne « quiconque, qu’il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l’intermédiaire d’un tiers » sur la marchandise ou la prestation de services. La tromperie peut porter « soit sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises », « soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d’une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l’objet du contrat », « soit sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à l’utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d’emploi ou les précautions à prendre ». La loi Hamon de 2014 a sensiblement renforcé les sanctions de la tromperie. L’amende de base atteint 300 000 euro pour les personnes physiques et 1 500 000 euro pour les personnes morales, avec des majorations substantielles, notamment lorsque la marchandise est nuisible à la santé de l’homme ou de l’animal ou que la tromperie rend l’utilisation de la marchandise dangereuse pour leur santé. Surtout, depuis cette loi, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. Les entreprises se trouvent ainsi exposées à des amendes colossales de centaines de millions d’euro, à l’instar des amendes du droit de la concurrence. Il faut donc prendre très au sérieux cette infraction. Comment se défendre en cas d’accusation de tromperie lorsque l’on estime être mis en cause à tort, en violation du droit ?

1. Faire valoir l’absence de contrat. L’infraction suppose la tromperie d’un contractant, même si elle émane d’une personne qui n’est pas « partie au contrat ». Selon le juge, « le délit de tromperie suppose l’existence d’un contrat ou d’un acte à titre onéreux qui est ou va être conclu et qui porte soit sur une marchandise, soit sur une prestation de service déterminées […] tel n’est pas le cas d’informations d’ordre général, délivrées en-dehors de tout lien contractuel et ne se rapportant à aucun produit particulier » (Cass. crim., 20 nov. 2012, LawLex13354). L’entreprise invoquera également l’absence de caractère onéreux du contrat (Cass. crim., 8 mars 1990, LawLex032430) ou, lorsqu’elle est tierce au contrat, l’absence de responsabilité directe ou de complicité dans la tromperie commise par ses distributeurs (Cass. crim., 16 déc. 1998, LawLex0204396).

2. Invoquer le caractère limitatif des caractéristiques sur lesquelles la tromperie doit porter pour être répréhensible. L’énumération limitative des caractéristiques sur lesquelles la tromperie doit porter ne mentionne pas le prix. Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale s’oppose dès lors à ce qu’un prévenu soit condamné pour une tromperie sur le prix (Paris, 2 déc. 1993, LawLex041572 à propos d’une publicité sur un prix TTC clefs en main incomplet), ou la valeur de la marchandise (Cass. crim., 25 oct. 1990, LawLex041392, vente d’une marchandise à un prix supérieur à sa valeur réelle).

3. Se prévaloir de l’absence d’entrée dans le champ contractuel de la caractéristique invoquée. La tromperie constitue une forme de répression pénale de la non-conformité du bien vendu par rapport aux caractéristiques convenues. La tromperie sur les qualités substantielles constitue le cas le plus fréquemment invoqué de tromperie. Encore faut-il qu’elles soient entrées dans le champ contractuel (Cass. crim., 12 déc. 2000, LawLex17516 ; Bordeaux, 23 mars 1993, LawLex041211). La tromperie devrait être logiquement écartée pour une caractéristique non contractuelle.

4. Réfuter la non-conformité alléguée. L’entreprise contestera la non-conformité à une réglementation, ou établira l’absence de force obligatoire de celle-ci au moment des faits, la tolérance d’un écart entre le poids réel et le poids indiqués, etc.

5. Invoquer l’absence de mauvaise foi ou de négligence. La condamnation d’un prévenu pour tromperie implique nécessairement de caractériser une intention frauduleuse (Cass. crim., 11 févr. 1987, LawLex04207). L’élément moral fait notamment défaut lorsque le contractant s’est engagé en connaissance de cause (Grenoble, 3 août 1994, LawLex041273) ou lorsque le prévenu était de bonne foi (Bordeaux, 24 sept. 1991, LawLex041274), notamment s’il a pu croire légitimement que l’information donnée au contractant était exacte (Nancy, 14 mars 1996, LawLex04850). L’entreprise prouvera sa bonne foi en rappelant les produits dès qu’elle a connaissance des défauts qui les affectent (Angers, 2 mars 2000, LawLex04576) et en démontrant sa volonté d’informer le consommateur (Rouen, 20 juillet 2011, LawLex121394).

6. Faire valoir la contrariété au droit européen des exigences de double contrôle de conformité en France. La jurisprudence française impose aux importateurs de procéder à un second contrôle de conformité du produit aux normes en vigueur lors de son entrée sur le territoire national (Cass. crim., 17 sept. 2002, LawLex033361 ; 26 nov. 2002, LawLex033359 ; 6 avril 2004, LawLex04972). Elle semble cependant contraire au droit de l’Union qui considère qu’exiger un double contrôle du bien fabriqué dans un Etat membre dont la conformité aux normes en vigueur dans cet Etat est certifiée, constitue une mesure qui dépasse ce qui est nécessaire à la protection de la sécurité et de la santé des personnes (CJCE, 11 mai 1989, LawLex056357 ; 8 sept. 2005, LawLex061981).

7. Opposer au caractère extensif du délit de tromperie l’incompatibilité avec la directive 2005-29 relative aux pratiques commerciales déloyales. La législation sur la tromperie avec est-elle compatible avec la directive 2005-29 ? D’harmonisation maximale, cette directive prive en principe d’efficacité tout autre système de répression des pratiques commerciales déloyales. La réglementation française semble condamner per se tout défaut de conformité d’un produit ou d’un service dès lors qu’il porte sur l’une des caractéristiques visées par le texte. Cette interdiction générale va plus loin que la liste des pratiques commerciales déloyales per se selon la directive qui impose de caractériser une affirmation qu’un produit a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce n’est pas le cas ou sans respecter les conditions de l’agrément, de l’approbation ou de l’autorisation reçue. L’entreprise pourra donc faire valoir que l’interdiction générale posée par le droit français est contraire à la directive comme cela a déjà été jugé à propos de l’interdiction générale des ventes couplées prévue par les lois belge (CJCE, 23 avril 2009, LawLex091482) et polonaise (CJUE, 11 mars 2010, LawLex10290), de certaines formes de loteries prohibées par la loi allemande (CJUE, 14 janv. 2010, LawLex1014) ou des ventes avec primes édictée par loi autrichienne (CJUE, 9 nov. 2010, LawLex101231).

8. Soulever les règles d’application de la loi dans le temps pour modérer les sanctions. Les autorités de poursuite peuvent être tentées de solliciter des amendes fondées sur le montant de la marge réalisée dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires réalisé. Ce plafond étendu ne peut cependant pas être appliqué rétroactivement avant l’entrée en vigueur de la loi Hamon. Par ailleurs, il est très contestable d’assimiler la totalité de la marge réalisée à l’avantage tiré de la tromperie.